Interview Jim Murple Memorial
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Interview Jim Murple Memorial

Nous avons rencontré Jim Murple Memorial avant leur concert à la Maroquinerie (Paris). Le public reste fidèle mais la vie d’un groupe n’est pas un long fleuve tranquille. Une histoire tourmentée que celle de Murple sur laquelle revient Romain, guitariste et leader du groupe. Il n’y a plus de place aux guichets ce soir, vous remplissez toujours vos salles ? Oui, depuis deux ou trois ans, ça se passe très bien. Bien sur il y a toujours des endroits ou des dates qui ne sont pas propices mais ça marche bien. Je pense que c’est pour ça que les organisateurs nous programment sans hésiter. Ca n’a pas été le cas au début. On était tellement décalés de tout ce qui se faisait que les gens étaient perdus. Ils mettaient un temps fou à rentrer dans notre musique. Ils avaient à peine le temps de danser. Les gens ont ce besoin de ranger les choses et veulent savoir ce qu’ils vont voir. On a réussi, grâce à un certain brassage, à ne pas rester dans un style. « Il faut créer l’événement par la musique » Parlons du dernier album en date : “Let’s spend some love”… Ca fait un an et demi maintenant. On a dû en vendre 12 ou 13000, à peu près autant que les albums précédents. En ce moment, c’est très difficile. Notre licence est chez Patate Records et la distribution était assurée par Tripsichord. Tripsichord s’est cassé la gueule. Le dernier album est chez Pias. En fait, l’un des musiciens est décédé avant même que l’album ne sorte, on a donc décidé de mettre tout ce qu’on avait fait avec lui. Il est tombé malade pendant les séances d’enregistrement. Comment décrirais-tu votre musique ? Tu as un choix de formation à la base : 2 guitares, 1 contrebasse, 1 batterie, 1 section cuivres et 1 chanteuse. Utiliser une contrebasse, pour un orchestre de danse, donne déjà une couleur. Grâce à Fabrice qui avait une énorme culture musicale, on a essayé d’intégrer la contrebasse dans des musiques de danse où elle n’avait pas lieu d’être comme la soul, le rocksteady… Fabrice s’est aperçu que le seul mec qui avait fait ça c’était Lloyd Brevett, d’où l’influence Skatalites avec un esprit jazz tout en étant populaire. La contrebasse vous rapproche forcément du jazz… Oui mais uniquement dans la couleur. C’est vrai qu’avec les solos, on est dans l’esprit mais le jazz, c’est vaste. Entre Duke Ellington et Miles Davis à la fin de sa vie, il y a des galaxies. Les membres du groupe viennent-ils du jazz ? A l’heure actuelle, la plupart des musiciens vient du jazz en effet. Au départ, on était trois. C’était rythm’n’blues pour les uns, rocksteady ou rock’n’roll pour les autres. C’était vraiment un groupe de rock qui jouait de la musique de danse des Caraïbes. C’est un peu ce qui s’est passé en Jamaïque où ils ont joué du rock à leur façon. Pour moi c’est l’aboutissement du rock’n’roll. « Dès la première répèt’ il y a eu le son ! A partir de là, il a fallu apprendre le métier » Comment es-tu entré en contact avec la musique jamaïcaine ? En 1987, j’ai fréquenté le milieu ‘alterno-squat’. J’ai rencontré Les Singes Hurleurs, un groupe avec notamment Thibaut (Tibaldus) à la basse. J’ai pris une claque et j’ai intégré le groupe. Le public a tout de suite accroché mais le groupe est parti en couille notamment à cause du bassiste qui picolait pas mal. Le batteur c’était Denis qui a créé Murple. Il a pris quelques musiciens (dont je ne faisais pas partie d’ailleurs) des Singes Hurleurs et a crée un nouveau groupe. Je l’ai revu trois ou quatre ans plus tard alors que je m’étais marié avec Nanou, j’avais eu des enfants… Il a voulu remonter un truc. Il avait déjà trouvé 1 contrebassiste, 1 guitariste (Ptit Louis) et Marco notre premier saxo. Dès la première répèt’ il y a eu le son ! A partir de là, il a fallu apprendre le métier. On a dû faire 350 ou 400 concerts. Le groupe a beaucoup évolué avec les années… On est passé par beaucoup de galères. On a eu des périodes de perpétuels changements de formation. Le dernier arrivé c’est le batteur. On a fait qu’un seul concert avec lui, il est super ! Ce qu'il faut, c'est avoir assez d’humilité pour respecter les règles qu’ont défini les gens qui ont créé le groupe. Les musiciens qui intègrent Murple doivent comprendre l’essence de cette approche du son, de la scène et du spectacle. Il ne faut pas prendre les choses à la légère. Proposer ce son aujourd’hui est une lutte. On fait de la musique pour la musique. Les instrumentistes sont des gens très individuels et c'est difficile de leur faire comprendre qu'ils rentrent dans un projet qu'ils doivent comprendre pour participer. Le concept est là et on a aujourd'hui une reconnaissance. Il n'y a que Pierre chez Patate qui a cru en nous. C'est une belle histoire mais il y a eu des moments terribles… Comment composez-vous ? Les musiques que vous jouez sont très codées, votre marge de manœuvre n’est pas trop restreinte ? C'est un travail plus ou moins de groupe. Certains ramènent des idées qu’on développe tous ensemble pour essayer de trouver quelque chose qui groove. On ne fait pas que du jamaïcain, on fait aussi de la New Orleans, d'autres trucs assez rock. Je pense que la marge de manœuvre est assez large. Quand tu écoutes les albums tu t'aperçois que tu passes en revue des styles complètement différents. Le fil conducteur, c'est le son. Vous aimez travailler avec du matériel rudimentaire pour retrouver ce son 60's, n'aimerais-tu pas enregistrer sur un 32 pistes ? …juste pour voir ce que ça donnerait ? Ca donnerait…un autre son. Mais ce qui faut voir c'est qu'un 32 pistes multiplie les paramètres de production donc, n'a de sens que quand il est utilisé par un grand-maître. Des grands maîtres, personnellement j'en connais pas. Mais un producteur doit être artiste avant tout. Et donc un 32 pistes peut parfois te nuire. Tu vas croire que la machine va te donner l'idée, au final, elle te l'enlève. Nous, on enregistre avec quatre pistes, on est donc obligés d'enregistrer presque toute la rythmique ensemble, et ce, dans un endroit qui a déjà son acoustique propre. Il faut gérer d'abord les prises micros et après 'il faut…jouer ensemble. On joue avec les résonances, tout le monde doit s'écouter pour ça. Le grain du son de nos albums vient de là. Le fait d’utiliser un matériel rudimentaire veut aussi dire que lorsque tu as une idée de ce que tu veux faire, t'as pas 30 000 choses à faire ! Tu tournes 4 boutons et voilà, terminé ! Penses-tu retrouver le public du reggae à vos concerts ? Non. Mais le positif c’est qu’on est sortis des schémas de styles musicaux. Quand j'avais 20 piges, tout était sectaire, les gens qui avaient une large culture musicale étaient très rares. En fonction du style, ils s'habillaient d'une certaine façon, s'enfermer avec leurs copains, c'était du sectarisme primaire. Aujourd'hui, les jeunes passent d'un style à l'autre et du moment que ça les touche, ils adhèrent. Sur votre dernier album, on trouve une reprise d'Aznavour… Avec cette reprise, on a bluffé tout le monde. Les gens ont cru que c'était une vieille chanson de là-bas. On s'est toujours amusés avec ça. On n'a jamais mis de photos de nous sur les disques, ça fait partie du concept. On se contente de transmettre un héritage et faire comprendre que cette tradition musicale est vivante. Au départ on est des Puristes. On voulait faire un groupe de reprises pour rendre hommage à des morceaux inconnus. On avait mis de côté nos ambitions artistiques, on voulait faire de la scène avec de l'énergie. Ca a commencé en 1995 et très rapidement, il a fallu créer de la musique pour prétendre monter sur un scène sans être les ersatz de machin. Mais au départ, c'est de la musique d'une simplicité incroyable. Tu prends n'importe quel morceau du groupe et le fais jouer à des musiciens qui groovent pas, c'est de la merde ! "Pour moi la musique est quelque chose qui permet de s’évader. L’art, ce n’est pas de la politique" Quand je t’entends parler je me dis que tu aurais plein de bonnes choses à dire via Jim Murple… Pour moi la musique est quelque chose qui permet de s’évader. Pour moi, l’art, c’est pas de la politique. C’est quelque chose d’abstrait, c’est du bonheur. Ca te recharge. Un beau spectacle, c’est pas quelqu’un qui va m'expliquer quelque chose que je n’ai pas compris ou qui va faire de la démago.. Aujourd’hui tout est démagogique même le discours que je suis en train de tenir. Il y a tant de paramètres que, quoique tu dises tu fais de la démago. On est dans la sur-médiatisation et il reste encore l’art pour s’émerveiller, pour le bonheur. Sans rapport avec cette réalité qui nous mine. L’art c’est ma façon de sortir de la réalité. Au lieu de « Trop jolie » vous auriez pu faire une chanson contre le Système : « Trop pourri »… « Trop jolie » c’est une très belle chanson qui est très bien écrite. De toute façon Nanou, c’est pas sa personnalité le cynisme. Cette chanson parle de quelque chose de très singulier qui arrive à tout le monde. Tu croises une fille trop belle et tu n’oses même pas aller lui parler. Tu l’idéalises. Voilà de quoi on parle, de sentiments. La politique c’est la politique. Je lis le journal, je sais dans quel monde je vis. Tu me branches politique, on fait une revue de presse ensemble, tu vas halluciner ! On est dans un mode où plus ça ira, moins les gens comme moi, comme toi, auront leur place, parce que t’es pas dans le moule. Il y aura toujours des artistes. Ce qui est triste c’est les gens qui exploitent la misère. Mais la misère et le bonheur ne sont pas forcément ce que l’on croit. Je suis conscient que ce que l’on vit avec Jim Murple aujourd’hui, c’est super. On y a cru et aujourd’hui on en vit, ça me fait chaud au cœur. Je remercie le public avant tout et j’essaie vraiment de donner le meilleur de moi-même. C’est une porte ouverte vers le bonheur. Tu parlais de nouvelles compos, un album va bientôt sortir ? Ouais ! On est prêt à enregistrer, si ça pouvait sortir en mars ou avril ce serait très bien. Ton avis sur la scène française… Il y a beaucoup de choses différentes. J’aime bien les trucs dub d’en ce moment, c’est un peu froid et dark mais c’est intéressant. Après il y a beaucoup de bonne volonté mais… J’ai vu un très bon groupe en concert que je recommande : Living Soul. Le chanteur et la rythmique sont excellents. Sur Marseille aussi il y a de bons groupes… Raspigaous a fait votre première partie à la Cigale… C’est des chouettes gars, très bon esprit ! Le chanteur est très bon mais il devrait laisser un peu plus de place au groove, à la musique. Sinon, j’aime bien des trucs garage ou la scène chanson comme San Severino, j’ai beaucoup aimé son premier album. J’aime beaucoup les Fribilous, Ceux qui marchent debout… K2R c’est sympa, c’est vraiment dommage que les chanteurs soient partis. Les 100g de têtes, ASPO… J’avais beaucoup aimé Pierpoljak au début aussi. Un message pour nos lecteurs ? Il faut sortir, découvrir, aller voir des concerts. Et surtout partager le bonheur, pas partager la misère.
Par Max
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