Interview U-Roy
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Interview U-Roy

Quelle est la signification de ton nom ?

Et bien, U-Roy en fait c’est un surnom que m’a donné mon cousin quand j’étais petit. J’aime beaucoup ce nom car c’est mon diminutif. Et ce nom m’a fait traverser les quatre coins du globe. Partout dans le monde, les gens connaissent ces quatre lettres U – R – O – Y. Alors je pense que c’est une bénédiction venue du tout puissant.

Comment as-tu commencé dans la musique ?

Quand j’étais jeune, très jeune, je devais avoir 12 ou 13 ans, je demandais toujours à ma grand-mère si je pouvais sortir dans les dance halls. Des fois elle me disait oui, et des fois elle me disait : « Va plutôt lire un livre au lieu de me parler de tes sound-system ! » (rires). Mais j’aimais tellement la musique que je me moquais de ce qu’elle disait. Dès que ma grand-mère allait se coucher, j’étais dehors pour trouver une dance. Et j’ai commencé à chanter dans un sound-system appelé Doctor Dickies quand j’avais 14 ans. J’allais encore à l’école à cette époque. Et les gens m’aimaient, mais je ne prenais pas ça très au sérieux parce qu’on ne gagnait pas d’argent à cette époque ; on faisait juste ça par amour pour la musique. Puis j’ai continué à chanter, jusqu’à ce que j’arrive dans le sound de King Tubby, et là les gens se sont vraiment intéressés à moi et tout a réellement commencé.

Justement, comment s'est passée la rencontre avec King Tubby ?

Ahhh !! C’est là que mon succès a débuté. Duke Reid est venu me voir en me disant que King Tubby voulait me parler et me faire poser sur des riddims. Il est devenu un bon ami et un excellent collègue de travail. J’ai adoré enregistrer pour lui.

Et Duke Reid, peux-tu nous parler de ta rencontre et de ton travail avec lui ? Qu’as tu appris à ses côtés ?

« L’époque Duke Reid » est l’une des meilleures parties de l’ensemble de ma carrière. Cet homme enseignait à être parfait. Peu importe ce que tu faisais, surtout les titres qui étaient destinés à aller dans la rue, dans les dancehall, cela devait être parfait. Il te disait : « Cà ce n’est pas bon, refais moi çà !! », et je respecte çà. Alors, savoir quand tu es mauvais et quand tu es bon est une excellente chose. J’ai appris beaucoup sur ce point là de sa part. Duke Reid était le genre d’homme qui savait quand il allait faire un hit.

Te souviens-tu du tout premier morceau que tu ais enregistré ?

Mon tout premier enregistrement était « dynamic fashion way », une version de « old fashion way » qui à l’origine était de Ken Boothe. Ensuite j’ai fait ce cut avec Peter Tosh, « earth righful ruler ». Je me rappelle que nous étions dans le studio : lui au chant et moi en style dj. La même chose pour « trenchtown rock » de Bob Marley où tous les Wailers, les originals Wailers, étaient dans le studio, Bob, Peter et Bunny au Randy’s studio.

En quelle année ?

Umhhh, en 1967…quelque chose comme çà, pour les morceaux avec les Wailers.

Tu as commencé ta carrière dans les sound-systems. Aujourd’hui tu fais beaucoup de shows avec des musiciens. Quelle est ta formule favorite ?

La vérité c’est que j’adore les deux ! Le sound-system c’est là que j’ai commencé et aujourd’hui j’ai toujours mon propre sound-system (ndlr : King Sturgav). Mais c’est vrai qu’avec des musiciens c’est plus officiel. Oui, c’est plus présentable pour le grand public, car il y a beaucoup de monde qui ne connaissent pas la culture du sound-system et qui ne savent pas l’apprécier. Alors j’aime autant travailler avec des musiciens qu’avec un selector, mais il est quand même important pour moi d’avoir mon propre sound-system. C’est la fondation, c’est un devoir.

Toujours à propos des sound-systems, tu as joué pour Coxsone Downbeat, le sound de Sir Coxsone. As-tu été témoin des affrontements contre Trojan, le system de Duke Reid ?

Non, quand je jouais pour Coxsone, tout s’est toujours bien passé. Par contre, une fois je jouais pour King Tubby et la police a débarqué. Ils ont détruit le matériel son et ils ont frappé le public, ils ont tout cassé sans raison. Mais ça ne m’a empêché de faire ce que j’avais à faire, car je ne vais pas laisser la police me dire ce que je dois faire ou ne pas faire. La police ne gagne pas l’argent à ma place alors c’est simple, ils font leur truc et moi je fais le mien. C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de bagarres dans les sound-systems car il y avait des gens haut placés qui ne voulaient pas entendre les sound-systems ; ils disaient que c’était bruyant. Mais Jah nous a permis de passer outre ces gens.

Comment s’est passée ta rencontre avec Lee Perry ?

Alors, après avoir travaillé avec Duke Reid, j’ai enregistré quelques chansons pour Lee Perry. Je n’étais pas vraiment un fan de cet homme. Mais, bon, si tu me payes pour faire un truc, je le fais, c’est le deal. Il me payait pour faire deux ou trois morceaux. Pourtant, il était connu pour arnaquer les artistes, comme il l’a fait avec les Wailers… Yeah !! Il faisait çà avec tout le monde. Il te disait : « Mais ton enregistrement ne se vend pas, j’ai vendu seulement 15 copies, j’ai vendu 100 copies ». Alors qu’il s’en vendait par milliers à Londres ou aux States. C’était une autre époque. Nous n’avions pas de contrats, juste un accord verbal. Nous étions payé morceaux par morceaux et il n’y avait pas de royalties. A l’époque de Duke Reid, je lui ais dit : « Si mes enregistrements se vendent bien, je veux une partie pour construire ma maison ». Tu sais, c’était mon but premier : Avoir une maison. Je sais que je me suis fait rouler, mais bon, j’ai pu l’avoir et m’acheter certaines autres choses. Tu vois ?

Tu as travaillé avec Joe Gibbs également ?

La même chose qu’avec Lee Perry. Il m’a appelé pour enregistrer. Après avoir été un bon moment avec Duke Reid et m’être fait remarquer, j’ai été appelé pour poser sur des riddims qu’il avait fait. Et c’est également la même chose avec Bunny Lee. Mais Duke Reid restera l’homme qui m’appris le plus, la période pendant laquelle j’ai gagné de l’argent. Les autres ne sont pas pareils. Je ne traînais pas avec eux, je faisais l’enregistrement, j’étais payé et c’était tout.

Tu es considéré comme le père du style Deejay. Ce n’est pas trop dur à endosser ?

Ca me fait plaisir que les gens disent que je suis le père des deejays parce que… c’est la vérité ! En fait, je ne dirais pas que je suis réellement le père du style deejay car il y a eu d’autres deejays avant moi. Je suis juste le premier à avoir enregistré ce genre de musique. C’est pour ça qu’on me considère comme le père, mais les vrais pères sont Count Machuki, King Stitch, Lord Comic… Mais eux, ils n’enregistraient pas. J’ai été le premier deejay à aller en studio et à sortir un disque.

Peux-tu nous parler de votre véritable premier hit : Wake The Town ?

Ce succès a été une telle surprise pour moi. Quand je l’ai entendu pour la première fois à la radio, je me suis dit : « c’est juste une nouvelle chanson qui passe à la radio, c’est cool. » Mais après, deux de mes chansons sont devenues n°1 et n°2 ! Je n’y croyais pas ! C’était inattendu car c’était les tout premiers disques en style Deejay. J’avais This Station Rules The Nation en n°2 et Wake The Town en n°1. C’était une vraie bénédiction car quelques semaines plus tard j’ai sorti une chanson nommée Wear You To The Ball et elle a pris la première place en reléguant Wake The Town à la deuxième place et This Station Rules The Nation à la troisième place. Donc j’avais n°1, n°2 et n°3 pendant 6 semaines. Et je suis resté n°1 des charts pendant 12 semaines. C’était une période incroyable.

Tu chantes sur plusieurs styles de riddims, du rocksteady, du reggae, du dub et même du jazz récemment.

Quand vous êtes dans la musique depuis aussi longtemps que je le suis, vous êtes supposé être versatile et capable de tout faire avec n’importe quel rythme. La seule chose à faire c’est écouter la musique et on trouve toujours quelque chose à chanter dessus.

Quels sont les artistes que tu apprécies aujourd’hui ?

Quels artistes ?... J’aime tout le monde en fait, crois moi. Quand tu es dans la musique, tu ne peux pas te détacher des gens qui sont dans le même business que toi. Pour moi, chaque musicien est un confrère. On fait le même job ! Alors, ce n’est pas à moi de dire « Je n’aime pas ce musicien ou je n’aime pas ce chanteur ». Si un artiste vient me dire : « U-Roy, je ne t’aime pas », ça ne m’atteint pas ; mais moi, je ne peux pas dire ce genre de choses. J’aime tout le monde, et surtout ceux qui font de la musique culturelle. Car il y en a qui chantent à propos des armes ou de choses matérielles, ça ce n’est pas mon truc. Mais si vous chantez à propos de la réalité, des gens qui souffrent, des frères qui s’entretuent, si vous parlez de la vie de tous les jours, oui je vous aime pour ça. En tout cas c’est ce que j’aime faire, moi.

Revenons sur des sujets d’actualité. Que penses-tu du mp3, du téléchargement illégal ?

Tout d’abord, Internet est une bonne chose. Aujourd’hui peu de disques se vendent car les gens peuvent facilement télécharger des mp3. C’est juste la modernité ! Ils ont créé cette chose, alors que fallait-il qu’ils en attendent ?

Certains personnes disent que ce n’est pas à cause du mp3 que les ventes chutent mais du prix des cd, tu partages cette avis ?

Oook !! peut-être. C’est une des raisons en tout cas. Les jeunes n’ont pas beaucoup d’argent, mais veulent écouter la musique…

La musique s’écoute principalement en live en plus… ?

C’est bon de venir en concert, mais il important de savoir d’où vient la musique originale, non ?

Par Julien Marsouin, Semayat & Sacha Grondeau
Commentaires (1)
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Par 22508803660 le 14/02/2011 à 17:48
Uroy mon idôl vous la réferance de la music reggae,je vous remercie pour le plaisir que vous nous donnez vous m'avez rendu rastafarian et vous remercis pour ça. votre music soigne beaucoup la conscience....Jah bless you.

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