Omar Perry Interview
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Omar Perry Interview

Après son excellent concert à Massy, Omar Perry m'a reçu afin d'évoquer les titres de son superbe second album, "Can't stop us" ainsi que son histoire personnelle. Entretien fleuve avec un homme sympathique et communicatif.

 

Reggae.fr : Pourquoi avoir intitulé cet album « can’t stop us » ?

Omar Perry : Eh bien la première raison est qu’après avoir écouté le premier album, cela s’inscrit dans une continuité. Je n’ai jamais abandonné tu sais ! Je reviens avec ce second album auréolé d’une force puissante. C’est pour ceci que la plupart des chansons sont écrites par moi, parfois elles datent de mon voyage en Afrique. Ces chansons viennent donner de la vigueur pour le public: Parfois quand tu penses que tout va mal, que tu es en face d’obstacles, tu cherches en toi le maximum pour surmonter les problèmes, et là rien ne peut arrêter ce que tu as entrepris !

 

Tu l’as enregistré avec le Homegrown band et tu fais tes tournées avec eux, comment les as-tu rencontré?

OP : Cela remonte à 2003-2005, je tournais avec Horace Andy après l’avoir rencontré à la fin des 90’s. Il a dit au promoteur de la tournée de m’incorporer à celle-ci. Il était séduit par ce que je faisais et croyait en moi. Je faisais la première partie, puis Winston Mc Anuff et Horace venaient ensuite. Après avoir fini la tournée, où le Homegrown band était le backing band, Guillaume « Stepper » m’a demandé si j’avais des choses de prévues. Je lui répondis que non et il m’invita en France afin de voir ce qu’on pouvait faire ensemble. Le premier album naquit de cette rencontre.

 

Votre collaboration fonctionne bien visiblement. Comment s’est passé le choix des morceaux pour « can’t stop us » ?

OP : Certains morceaux ont été enregistré il y a quelques années déjà : Le duo avec Tippa Irie est un riddim de Sly & Robbie que j’ai enregistré il y a un moment. J’avais sorti un single en 2005 nommé « Spiritually » que tu retrouves à la fin de l’album. Il y a également mon tune sur le soprano riddim, produit par Bost & Bim (Bim est guitariste dans le Homegrown), qui a été produit l’année dernière. MetaStone production avait produit mon titre « I am rebel » qui est sorti également en single. Ce que j’ai fait c’est que j’ai enregistré et choisis quelques titres avec le Homegrown band, puis j’ai pris 5 autres titres tirés de mes singles.

 

Tu parlais de riddims, qui les a choisi justement ?

OP : Voilà, il y avait 20 chansons au début. Chacun a eu son opinion sur le choix et il y en avait certaines qui étaient similaires. C’était un travail en commun pour de meilleures vibes.

 

Tu as aussi travaillé avec le crew français Tune in, as-tu adopté les producteurs français ?

OP : (rires) Visiblement oui. J’ai rencontré le crew Tune In lors d’un festival en France. Ils sont venus me voir en me disant qu’ils étaient de jeunes producteurs et qu’ils aimaient ce que je faisais. Quand je suis retourné les voir ils m’ont présenté quelques trucs. J’ai fait deux tunes. Ils ont été surpris car ils n’espéraient pas tant finalement. Un des titres qu’ils ont aimé est « Spiritually », une de leur première production.

 

Toi qui travailles avec des français, comment définirais-tu l’originalité des producteurs français ?

OP : Actuellement je vois certains producteurs français influencés par ce qui se passe en Jamaïque. Du coup ils sont spécialisés : Ils aiment le roots et ne sont pas trop portés sur le dancehall. Il y a une tendance au maintien d’une qualité musicale dans leurs productions. Bien que le roots soit jamaïcain, le reggae n’est plus seulement là bas, il se fait en France, en Allemagne, Suède, etc. Ils apportent leur contribution afin que notre musique reste inscrite dans la continuité.

 

Es-tu d’accord avec l’idée selon laquelle le roots et le new roots ne marchent plus beaucoup en Jamaïque ?

OP : Ce que je peux dire, c’est que le reggae n’a cessé d’évoluer : Tu as eu le rocksteady, le ska, le reggae et maintenant le dancehall. En Jamaïque, au niveau musical, cela bouge énormément alors que certains pays sont toujours attachés au roots. Je pense qu’ils préfèrent le roots à cette nouvelle vague. Dans le dancehall, le message peut s’être « perdu ».

 

Du coup, on peut dire que la France et l’Europe sont les nouvelles terres d’accueil des artistes reggae ?

OP : Ca c’est un fait, c’est clair ! L’Europe est le marché majeur pour les vétérans du roots. Des groupes comme Israël Vibration, The Gladiators, etc remplissent encore des salles entières au maximum ! C’est ce que je constate.

 

Ou as-tu trouvé l’inspiration pour le single « Need you » ?

OP : Ohhh (rires). Parfois, tu reçois un riddim et cela te captive d'une façon sentimentale. A cette période j'étais dans une relation avec une femme et je n'étais pas sur de cette personne. Alors je demandais :" Si tu m'aimes vraiment, dis le moi car je n'ai pas le temps de jouer". Quand j'ai reçu le riddim, cette interrogation revenait à mon esprit. Au final, j'ai fait cette chanson sur le thème de l'amour.

 

Ce soir, tu as repris le riddim "Chase The Devil" de Max Romeo sur « Save The Earth », pourquoi avoir choisi de reprendre ce riddim ?

OP : Tout simplement car, comme pour le premier album, je rends hommage aux anciens. Sur le premier album, il y avait "Coconut woman" sur un rythme sud américain que j'ai repris à Harry Belafonte. Dans ce nouvel album, je tiens à me souvenir d'où je viens et où j'ai grandis (le Black Ark studio). De plus, Max Romeo est un bon ami, tout comme Junior Byles!

 

On parlait de "chase the devil", mais tu as repris le riddim "universal father" d'Israël Vibration sur ton terrible titre « The Ghostmakers »...

OP : Quand je faisais le premier album, Guillaume ("Stepper") avait une version de ce riddim. J'ai chanté quelque chose dessus qui n'a pas été intégré dans "Man Free". C'est techniquement un transfert du premier album. Quelque chose de mystique man! (Rires)

 

Tu as eu la chance de connaître le fameux Black Ark Studio, te souviens-tu de cette période ?

OP : Bah j'ai grandi dans le studio. Quand j'étais gamin, il y avait The Wailers, Junior Marvin, Max Romeo, Junior Byles, etc. Tous les grands! Parfois, quand mon père partait, mon frère, ma soeur et moi-même allions dans le studio jouer de la musique : J'étais à la batterie, mon grand frère au piano et au chant et ma soeur chantait également. C'est un souvenir que je n'oublierai jamais et qui est gravé à jamais dans ma mémoire.

 

Tu avais, donc ce groupe, The Upsetters junior. Pourquoi penses-tu que cela n'a pas fonctionné à cette époque?

OP: Personne ne nous a aidé. Nous nous produisions nous mêmes, aussi bien que des artistes locaux, nous enregistrions des concerts et plein d'autres choses.

Cela s'est passé à une époque où mon grand frère, Cyan, qui était le chanteur a emprunté une très très mauvaise route. Heureusement, aujourd'hui cela va mieux pour lui! Nous nous sommes donc séparés puis je suis parti pour Londres. Les choses étaient écrites comme çà, black ark ou pas!

 

Le black art studio c'est également la période d'or du roots....

OP : Yeah mon!! Même s'il y a du dancehall, le roots est l'histoire et c'est aussi mon histoire. C'est pour cette raison que je ferais toujours du roots.

 

Justement, Quelles différences vois-tu entre l’ancienne génération roots et la nouvelle génération new roots ?

OP : Ohhh!! Je pense que la différence vient du fait que la "première" génération, les premiers chanteurs le faisait car c'était leur seule manière de s'exprimer. A cette époque, il partait de rien. D'une certaine manière, le reggae est devenu la voix des pauvres. Et c'est toujours le cas. La nouvelle génération, ils chantent parce qu'ils le peuvent et non pas parce qu'il doivent le faire et partent sur de bonnes bases (studios, finance, etc.). Ils peuvent dire et faire ce qu'ils veulent alors qu'au départ, c'était pour bâtir et se sortir de la famine, l'oppression, etc. Tous les gens peuvent se sentir concerner par les paroles!

 

Mais alors tu es d’accord avec ce concept de new roots? Ou alors tu as ta propre définition de roots music?

OP : Il n'y a pas de différences : Le roots est le roots, que tu utilises des instruments digitaux ou que tu enregistres à l'ancienne, comme je viens de le faire avec le Homegrown. Ce n'est pas parce que tu as une basse plus lente que tu as un type spécial. Mais dès que tu parles de musique, les gens essayent de placer dans une catégorie! C'est comme çà. Tiens, récemment j'ai entendu des mecs me dire : "tu aimes le dubstep?". Je ne sais même pas ce qu'ils voulaient dire! C'est du dub ou du step?

 

Peux-tu raconter aux lecteurs tes années passées en Gambie ?

OP : J'ai eu une opportunité de partir en Afrique. Au début j'y allais pour deux semaines et puis j'ai vu que la Gambie était similaire sur plusieurs points. Alors je me suis dis "Je vais rester un peu plus longtemps". De semaines, c’est passé en mois puis en années. Je me suis retrouvé impliqué dans une communauté, je travaillais dans une radio et des salles de concerts pour mes shows du week-end. J'amenais de nouveaux artistes à la radio, car à cette époque je ne jouais pas, j'étais un DJ. En diffusant du reggae, je contribuais à sa renommée là bas.

La vie était parfois bonne et parfois dure. Je vivais avec humilité dans un village, comme un africain de souche, dans un endroit que tu ne peux pas qualifier de grandiose. Je marchais pieds nus et portait les vêtements traditionnels. Mes pieds étaient blanchis par la poussière du sol! C'était une vie de partage et de solidarité : Quand quelqu'un cuisinait, nous nous réunissions. J'ai appris quelque chose: Que tu sois riche ou pauvre, tu dois vivre solidairement et dois traiter ton prochain afin qu'il te respecte. Et quand tu y repenses, vivre en Europe c'est vivre d'une manière égoïste. En Afrique, les gens n'ont rien! Tu es obligé de t'entraider! Un pauvre passait le pas de ta porte, tu te devais de l'aider. Ces choses resteront à jamais gravés dans ma tête!

 

En tant que rasta, tu prenais çà comme une rapatriement? Penses-tu que c'est toujours d'actualité?

OP : Aller en Afrique n'est pas une chose facile à vivre, crois moi! Tu te dois d'être fort. Beaucoup de gens, et je parle également d'artistes là, sont habitués à leur matérialisme à tel point qu'ils ne se rendent pas compte comment c'est de vivre là bas. Il n'y a pas de gros building, de grosses voitures, etc.

Alors à une certaine époque, beaucoup de gens disaient : "Nous voulons retourner en Afrique"! Mais regardes, ils n'ont pas fait cet effort. D'un point de vue artistique, quelques artistes ont fait le pas ces dernières années : Sizzla ou Anthony B en Gambie, Luciano en Ethiopie et Gambie, Frankie Paul, Buju, etc. Perso, je ne suis pas resté une semaine. J'y suis resté 3 ans car c'était mon choix! C'était mon souhait, mon rêve et je l'ai accomplis.

 

Penses-tu que c'est toujours possible d'être un rasta à Babylone?

OP : Je ne vois rien d'incompatible là! Rasta est partout! J'ai vécu dans des endroits pauvres, riches, etc. Cela ne change en rien le fait d'être rasta. Babylone est une mentalité où tout est égoïsme, égocentrisme et rien pour l'autre. Tout le négatif est Babylone. Si toi et moi sommes amis et que j'ai un bout de pain, je t'en donne la moitié. Si une autre personne vient, je fais pareil. C'est comme çà que je suis. Si tu ne donnes jamais rien, tu ne reçois rien en échange. Alors peu importe où tu habites du moment que dans ton coeur tu es un rasta.

 

Parlons un peu de ton père. Que cela fait-il d'être le fils du producteur Lee "Scratch" Perry ?

OP : Beaucoup de gens pensent que d'être son fils m'a ouvert des portes. Dans un certains sens, le nom y a contribué. Mais être le "fils de" ne te donne pas le talent. Une fois sur scène si on ne t'aime pas, le fait d'avoir le nom ne te sauveras pas. Alors, je n'essaie pas de marcher dans les pas de mon père. Il est ce qu'il est. Je suis fier d'être qui je suis!

 

Tu gardes contact avec lui ?

OP : Du fait de ma présence en Europe dernièrement, j'ai eu un contact, oui. Parfois j'appelle de Jat, et j'apprends qu'il est là en fait. C'est dur de se capter. Personnellement je retourne en Jamaïque bientôt pour prendre un peu de repos à la fin de cette tournée. Je vais sûrement travailler avec de jeunes artistes là bas...

 

Beaucoup de gens imaginent Lee Perry comme une personne complètement dans la lune, nous on pense que c’est un peu jeu que joue ton père. Qu’en penses-tu ? Pourquoi ton groupe avec tes frères

OP : (Rires!) Oh man!! Tout ce que je peux te dire c'est qu'il a choisit son style. Et son voyage l'a conduit en Jamaïque à travailler avec les plus grands. C'était comme s'il était dans un vaisseau spatial pendant qu'il faisait toutes ces choses. Je pense que de nos jours, il est toujours présent mentalement. Même s'il ne travaille plus en studio, son cerveau y est resté. Dans un sens, il vit dans un monde qu'il s'est construit. C'est son monde magique.

 

Merci beaucoup pour cet entretien. Pour conclure, je voudrais bien avoir ta propre critique sur ton nouvel album.

OP : Le concept est lorsqu'il y a un voeu, il y a une voie. J'ai connu pas mal de déconvenues dans ma vie et rien ne peut me stopper. Au plus profond de moi, je me dresse pour la justice, pour la défense de la nature, de la terre, des enfants, etc. Et cet album me représente lorsque je me soulève pour défendre mes pensées. "They can't stop us, nowww!!!"

Par Semayat & WI
Commentaires (4)
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Par Manalive le 01/12/2009 à 19:47
Bless Omar c'est clair que ça pa du etre facil tout les jours d'etre le fils perry a yard ^^ Big Up semayat, un tré bon interview d'Omar PErry !!!
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Par semayat le 02/12/2009 à 08:38
Je te remercie beaucoup pour ton avis!! Ca motive à continuer de vous proposer des entrevues comme celles-ci. C'était également un plaisir de rencontrer Omar, qui quoi qu'en disent certains, est une personne chaleureuse et honnete. Ecouter son album, il y a d'excellents morceaux!!
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Par clem le 18/01/2010 à 12:47
Merci pour cette interview, on y apprends des choses intéressantes. Malgré le fait qu'il soit le" fils de" apparemment Omar ne doit pas son succès à son père ! Son nouvel album est très bon mais je le trouve un peu moins cohérent que le premier, en fait je trouve que les riddims joués par homegrown sont les meilleurs. Quant à sa personnalité, ayant pu discuter un peu avec lui, il m'est apparu comme une personne très sympatique, en tout cas très proche de son public.
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Par semayat le 03/02/2010 à 10:42
En effet, il est très sympathique : Petite anecdote, en lui avouant que je n'avais pas encore écouté son album, il est parti m'en chercher un!! Sans parler de son coté "pieds sur terre", loin de discours déconnecté de certains artistes. Pour son père, très peu d'affinités avec lui!!

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