Kartel : ça Empire
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Kartel : ça Empire

L'année 2009 a, médiatiquement, réussi à Kartel : il était partout, on ne parlait que de lui, mais la qualité de sa musique en a pris paradoxalement un coup. Que peut-on encore attendre de lui ? Où en est-il et surtout comment en est-il arrivé là ? Plongée dans la carrière de Vybz Kartel !
 

A presque 34 ans, Adidja Palmer, plus connu sous le nom de Vybz Kartel ou encore Addi di Teacha, s'est imposé comme l'un des meilleurs deejays, et surtout comme l'un des plus talentueux paroliers du dancehall.

Il fait ses débuts à l'âge de 12 ans, sous le nom d'Adi Banton; il forme ensuite un trio baptisé «Vybz Cartel» , et se remet finalement à une carrière solo, conservant le nom du groupe qu'il avait lui-même choisi.

L'artiste tourne un peu partout, tentant de se faire un nom, et fait des prestations très appréciées lors de show comme le Champions in Action, où Bounty Killer le repère et souligne son potentiel.

C'est au début de l'année 2000 que les choses sérieuses commencent pour Vybz : il est officiellement présenté à Bounty Killer. Il devient alors un ghost-writer, écrivant plusieurs textes pour le Warlord, avec qui il enregistrera quelques duos, et même pour Elephant Man et son Scare dem Crew de l'époque.

Les choses suivant leur cours, Kartel sort petit à petit de son cocon, pour finir couronné en 2002 meilleur deejay de l'année. Cette année-là, il pose sur les plus gros riddims avec des lyrics bien affutés, ce qui donne des titres comme «Gun clown», «Guns like mine» ou encore «War organizer».

Il enregistre aussi d'inoubliables combinaisons avec Wayne Marshall, lui aussi protégé de Bounty Killer, encore une fois sur les meilleurs riddims du grand Don Corleon (très proche et fervent supporter de Vybz Kartel) : «New Millenuim» sur le Mad Antz ou «Why you doing it» sur le Krazy.

Il sort dans la foulée son premier album : «Up to di time», très bien accueilli par la critique.

La machine Kartel est lancée, et sa trajectoire ne déviera pas jusqu'en 2006.

Durant ces années, il continue tranquillement sa carrière, aux côtés de son mentor Bounty Killer et de ses autres poulains (dont Wayne Marshall, Busy Signal, Mavado, Bling Dawg, Bugle ...), fine équipe baptisée en 2005 «The Alliance».

Vybz Kartel brille sur tous les riddims, seul ou en combinaison, mais il est reste un parolier hors pair.

Cultivé, sa matière préférée à l'école était la littérature. Il déclare d'ailleurs lire énormément.

Dans ses textes, il évoque bien sûr avec humour ses rapports aux armes ou aux femmes (Sweet to di Belly, Hello Moto), mais soulève aussi d'autres sujets avec brio, comme dans «Band Wagonist» sur le Barbershop en 2003 ou «Emergency» sur le Siren riddim en 2005 et bien d'autres encore.

Arrive 2006 et son lot de conflits, alors que l'Alliance règne en maître sur le monde du dancehall et que le nouvel album de Vybz Kartel «J.M.T» fait sa sortie, ce dernier décide de quitter la formation.

La raison principale de ce départ réside dans une mésentente avec Bounty Killer, accusé de vouloir tout contrôler. L'apparition de Vybz Kartel au mariage de Beenie Man et D'Angel (ex-femme du Killa) signera la rupture définitive.

C'est sans aucun doute LE tournant dans la carrière de Vybz Kartel, avec ses bonnes et moins bonnes conséquences.

L'artiste décide donc de voler de ses propres ailes et se fait appeler désormais Addi di Teacha.

On note à ce moment-là un rapprochement avec Aidonia, autre découverte du Warlord, qui pose sur le AfterDark riddim le morceau «Addi ah mi daddy», cependant Di-di-di-donia niera plus tard toute affiliation au PortmoreEmpire et mettra en avant sa propre structure J.O.P, faisant manquer à Kartel d'obtenir un artiste de poids à son côté.

Début 2007, Kartel rejoint le Portmore Empire créé par Deva Bratt et composé à l'époque principalement de Shawn Storm, Black Rhyno, Dosa Medicine, Nuclear et feu Craig Dennis.

Deva Bratt demande à Kartel de prendre la tête du Portmore et Addi se complait dans ce rôle de leader.

Il s'y complait d'ailleurs tellement que quand Deva Bratt se retrouve en prison, il est évincé du groupe par Kartel.

Même s'il est occupé à faire tourner son écurie et s'il se perd déjà dans certaines gestions qui n'ont rien à voir avec la musique (comme sa marque de rhum), et s'active selon des rumeurs persistantes au blanchiment de sa peau, Vybz Kartel reste dans la course.

La guerre lyricale l'opposant à Movado l'occupera tout au long de l'année 2008 et se finira en apothéose au Sting.

Les deux artistes s'insultent copieusement par titres interposés, mais on se rendra compte plus tard qu'il n'y avait rien de bien méchant en réalité dans ce clash plus destiné à entretenir un buzz pour les deux parties.

L'année 2008 s'achève donc, avec deux gros hits : «Ramping Shop» en duo avec la très sexy Spice, et «Last Man Standing» enregistré par Vybz tout de suite après le Sting et évoquant la fuite de son adversaire.

Vous l'aurez donc deviné, pour les lecteurs qui ont eu la patience d'arriver jusqu'ici : c'est en 2009 que les choses dégénèrent.

«Ramping Shop» continue de rencontrer un succès fulgurant, et surtout international mais les polémiques s’accumulent.

Première polémique: l'instrumentale utilisée est celle de 'Miss Independant' de Ne-yo.

Pratique courante dans le dancehall que d'utiliser des instrus américaines, mais lorsque le titre devient un tube, ça dérange forcément. Vybz Kartel est alors sommé de ré-enregistrer son morceau sur une autre instru et de ne plus utiliser la première version.

Entre temps, le Portmore est clairement entré dans une ère «Gaza».

Le mot est utilisé pour désigner un quartier chaud de l'île, et est balancé à toutes les sauces sur tous les riddims. Plusieurs artistes sont venus grossir les rangs du Portmore : Jah vinci, Popcaan et les «Gaza Girls» : Gaza Indu et Gaza Kim. Kartel enregistre plusieurs duos avec l'une et l'autre, ce qui donne des morceaux qui tournent très bien comme «Come Breed Me».

On retrouve par la même occasion la trace de Beenie Man, que Kartel désigne comme son «oncle», avec le titre «Gaza Mi Seh» (à la première écoute, soyez assurés que ce titre fait un effet assez étrange et laisse l'auditeur dans l'incompréhension la plus totale).

Vient ensuite une autre polémique: Vybz Kartel serait un franc maçon, un illuminati voir carrément un suppôt de Satan.

Sources de la rumeur : une bague avec le signe des francs-maçons portée par Kartel et quelques lyrics où l'artiste dit par exemple : «mi reach 33 degrees a masonry heights a evil».

Interrogé, Addi ne souhaite pas s'étaler sur la question et déclare seulement que, même s'il vient d'une famille chrétienne, il ne l'est pas lui-même, qu'il ne croit pas en Dieu mais en la société.

Propos étranges et flous, le public reste sceptique. Ces déclarations sont même assez choquantes, quand on sait l'importance de la religion dans le pays et même dans la musique jamaïcaine.

Au-delà des rumeurs, il n'empêche que Kartel et son Portmore Empire soulèvent quelques paradoxes.

Vybz, qui pour sa défense lutte 'à sa manière' avec la sortie de sa marque de préservatif «Daggerin», fait un titre «Virginity» où il évoque avec émoi la défloraison d'une jeune fille, n'hésite pas à user de slackness dans plusieurs autres titres, et finit par enregistrer «Teenage Pregnancy» avec Gaza Kim qui dénonce les grossesses précoces qui donnent des mères adolescentes.

Lisa Hype, membre du Portmore, a elle aussi un gros scandale à son actif. En effet une photographie très personnelle de la chanteuse qui se targuait dans ses lyrics de ne PAS pratiquer le sexe oral a été dévoilée.

Inutile de préciser que la photo prouve tout le contraire, et que de ce fait la crédibilité de la jeune femme et même de tout son crew en prend un bon coup.

Cette mésaventure est aussi une bonne raison de se faire clasher, offerte sur un plateau d'argent à toute la cantonade. La chanteuse Stacious saute sur l'occasion.

Or, il semble bien que ce soit Vybz Kartel le plus apprécié pour les clashs. Il devient cette année l'artiste qui a été clashé par le plus d'artistes différents. Il avait déjà, à l'époque où il appartenait encore à l'Alliance, un gros clash avec Ninjaman notamment lors du Sting 2003 et quelques beefs avec Spragga Benz et son jeune artiste Assassin à son actif.

Depuis, une liste impressionnante de «Kartel Diss» s'est dressée, comprenant principalement beaucoup de membres de l'Alliance, avec en tête Mavado et Bounty Killer, mais aussi d'autres artistes comme Deva Bratt, furieux d'avoir été trompé par le voleur de son crew, Capleton, et plus surprenant encore: Queen Ifrica !

Récemment, Busy Signal et Aidonia, qui étaient restés assez discrets jusque là, y ont été eux aussi de leurs lyrics assassines sur le Israel Riddim, défouloir où le but du jeu était que tous les artistes posant dessus pondent un clash contre Kartel.

Et quand ce pauvre Kartel fait l'erreur de reprendre le riddim pour répondre, c'est le producteur du riddim en personne, Dj Frass, qui l'insulte.

Il y a aussi Spice, qui doit quand même à Kartel une fière chandelle pour son «Ramping Shop», mais qui n'a pas apprécié les avances de ce dernier et, sms à l'appui, le crie haut et fort dans un «Chattie Back» destiné au chanteur : contrairement à d'autres, elle ne couche pas pour réussir.

La guerre entre Bounty Killer et Vybz Kartel a quant à elle repris cet été et devait se régler au Sting.

Bounty Killer s'est exprimé à travers plusieurs chansons dont «Chatta Box» et «Ungratefulhellboy» où il en veut apparemment toujours à cet «alien deformé» et «ingrat» de l'avoir trahi.

Au milieu de toute cette cohue, Vybz Kartel a trouvé le moyen d'enregistrer un grand nombre de singles et de poser sur beaucoup de riddims en 2009. Pour ce qui est des titres posés sur des riddims d'autres producteurs, on peut dire que la catastrophe n'est pas complète, grâce à quelques bons morceaux.

Mais en ce qui concerne les singles signés de sa propre production Adijahiem et Not Nice (Prod. du Portmore), ils sont pour la plupart de très piètre qualité.

Où est passé le parolier hors-pair? Peut-être parti en guerre, pour l'heure, il n'en reste pas moins que la richesse de ses textes s'est profondément amoindrie, tournant autour des même thèmes sans finesse et se contentant de paroles plus que minimalistes. Quand l'artiste déclare en interview ne plus écrire sur papier ses lyrics depuis 2007, on peut y trouver une certaine explication.

Son exposition internationale grâce à «Ramping Shop» (qui ne lui a au passage pas encore servi à grand chose, puisqu’il est régulièrement privé de visa) lui aurait-elle fait tourner la tête?

Aussi l'artiste se dit peut-être, à juste titre, que si le public aime les mélodies simples et les paroles niaises, il n'y a pas de raison de ne pas exploiter le filon.

Vybz Kartel devrait tout de même reconsidérer sa situation. Se couper de ce qui a fait son succès (ses paroles de chansons) est un pari risqué, et même au sein du Portmore Empire, les problèmes pointent leur nez. Le crew de Vybz Kartel abrite en effet dans ses rangs de talentueux artistes comme le très prometteur Jah Vinci qui a récemment déclaré publiquement que sa carrière au sein du Portmore Empire ne lui convenait pas du tout.

Ne dit-on pas que quand le bateau coule, les rats quittent le navire ?

Par Nounours
Commentaires (2)
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Par semayat le 15/01/2010 à 08:26
C'est toi qui le clash là loool Big up ;)
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Par Maka le 18/01/2010 à 15:35
ahhhhh vybz kartel personnage ambivalent à l'image de son pays. pays du roots et de l'ultra violence ^^

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