Alborosie en interview
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Alborosie en interview

Il y a quelques années déjà reggae.fr vous a fait découvrir Alborosie en vous ramenant de Jamaïque une vidéo où vous pouviez découvrir l'artiste sicilien produire ses propres riddims et poser ses premiers morceaux à Yard, bien avant qu'il rencontre un succès mondial. Fier de cette première rencontre tournée avec Alborosie, nous avons remis le couvert et rencontré Alborosie pour la sortie de son dernier album "Escape from Babylon"...

Pourquoi avoir intitulé ton album « Escape From Babylon » ?

Parfois on a besoin de s'éloigner de soi, quitter Babylone. Aller (notamment en Italie) pour méditer et retourner à Babylone. C'est comme une rédemption.

Comment définirais tu Babylone ?

Babylone pour moi c'est le système, Babylone c'est vous, c'est moi, nous sommes tous Babylone parce que nous sommes tous corrompus. Tout le monde est corrompu dans un sens donc nous sommes tous Babylone. Mais Babylone c'est aussi le voyage, un voyage spirituel qui va de 0 à 11. Quand on atteint 11 c'est la fin du voyage. Entre les deux c'est Babylone.

Tu es un des leaders de ce que certains journalistes appellent  la scène New Roots. Es-tu d'accord avec ce concept et quelle en est ta vision ?

Je ne crois pas être un des leaders du new roots. Je fais juste mon boulot. Je pense que ma musique est ma mission. Je suis comme un prêcheur, un pasteur donc je ne dirais pas que je suis un leader. Je suis l'un d'entre eux faisant mon boulot.
Après à propos du New Roots... Je n'aime pas vraiment ce truc du New Roots, je suis plus un mec vintage. Je suis comme un vieil artiste dans le corps d'un jeune homme. C'est mieux comme ça.

On te retrouve aussi dans une session plus rub a dub avec « I cant stand it » en duo virtuel avec Dennis Brow. Que représente Dennis Brown pour toi ?

Je m'assois à côté de l'Empereur et j'en suis honoré. C'était une collaboration qui s'est faite par l'intermédiaire de Joe Gibbs, que je remercie chaleureusement pour cela. C'était une collaboration sympa. Tu vois le « old school » c'est ma musique donc j'adore cette vibe.

Dans « I Rusalem » on reconnaît les paroles de « Jerusalem » d'Alpha Blondy. Quand et comment as-tu découvert Alpha Blondy ?

Alpha Blondy c'est l'un des plus grands artistes du reggae. Certains disent reggae européen, africain... non le reggae est international. Le reggae c'est le reggae. Donc Alpha Blondy est un professeur et je suis un étudiant qui écoute le professeur. Ce morceau est un hommage à Alpha Blondy. Cette « punchline » en particulier était un hommage à cet artiste que j’apprécie. J'ai juste rendu hommage au vétéran.

Tu aimes bien d'autres artistes reggae africains ?


Il y a...Tiken Jah Fakoly, bien sûr Lucky Dube. Le reggae africain est étonnant, comme le reggae jamaïquain, le reggae français. Tout le reggae est bon, peu importe d'où il vient.

Que veux-tu dénoncer avec la chanson « Mr. President » ?

(rires) Aïe... « Mr President » est une chanson à propos de ma frustration personnelle vis-à-vis de la situation politique dans mon pays l'Italie. Je sais que je n'y habite plus depuis 11 ans maintenant parce que je suis un citoyen jamaïquain légalisé, naturalisé. Mais quand je regarde la télé je peux voir que le monde ne respecte pas vraiment notre situation politique à cause de notre président, de notre premier ministre il faudrait dire, parce qu'il est toujours impliqué dans des affaires de corruption ou autre. Cette chanson est donc ma frustration et j'y décris toute la situation en Italie en mentionnant Benito Mussolini le fasciste.

Quand tu chantes « Promised Land », tu reprends un thème rasta important, quand et comment es-tu devenu rasta ?


Je ne veux pas d'uniforme, je préfère être un homme de Dieu. N'importe lequel d'entre nous peut-être un homme de Dieu. C'est pour ça que je me considère comme un « Jahsta » et que je ne joue pas de reggae... Je joue de la musique « Jahspel », le gospel de Jah. La spiritualité c'est comme la relation avec votre femme, elle est personnelle. Personne ne peut vous dire quoi faire ou quoi penser de Dieu ou quoi que ce soit... Vous le faites vous-mêmes à votre façon. Donc pourquoi porter un uniforme? Rasta est là, c'est la base. Maintenant c'est une autre époque, donc je développe ma propre spiritualité. N'est-ce pas étonnant? Je suis le seul dans ma famille, dans mon église je suis seul.

Qu'est-ce que cette philosophie t'apporte au jour le jour ?

Elle reste près de moi tous les jours et j’en prends tous les éléments de sa spiritualité. Je suis en contact avec beaucoup des tribus rastas en Jamaïque comme les Bobos Ashantis, les Douze Tribus d'Israël, les Nyabinghi. Donc j'ai créé mon propre truc. Je mange végétarien, et quand j'ai besoin physiquement de viande je mange du poulet. Je mange du poisson, je ne mange pas de porc. Mais tout cela n’est pas essentiel. Mon grand-père disait « tout ce qui devient de la merde n'est pas important ». Donc il ne faut pas y prêter attention. Ce n'est pas la nourriture, c'est l'esprit qui compte, c'est ce que tu te fais à toi et ce que tu fais aux autres qui très important. Si tu changes ta vie et que tu changes ne serais-ce qu'un peu la vie des gens, tu as réussi. Ne regarde pas la nourriture, elle rentre et elle ressort. Pense plutôt à ton impact sur les autres.

Peux-tu nous raconter ce qu'il s'est passé à Uppsala ?


La police met vraiment la pression sur le Reggae à Uppsala à cause de la ganja. J'essaye juste de combattre cela, de la combattre de façon musicale. On n'est pas des terroristes, on ne combat pas physiquement parce qu'on ne sait pas faire. Ils font ça avec des armes. Je ne fait que chanter, c'est mon humble contribution, je ne fait rien de mal. La pensée et la liberté d'expression sont la solution. La liberté d'expression c'est ma lumière.
Mais les gouvernements ne voient pas cela comme ça. J'essaye donc de combattre cet esclavage mental. Les gouvernements te disent comment penser, comment bouger. Je combats cela. Voilà pourquoi je dénonce ce qui s’est passé à Uppsala et maintenant ce qui se passe au Rototom Sunsplash, parce que le Rototom Sunsplash a dû bouger d'Italie en Espagne à cause du gouvernement.


Tu as parlé de la délocalisation du Rototom en Espagne. Peux-tu nous en dire plus ?

Si tu vas dans un festival et que tu fumes un spliff, etque 50 000 personnes fument, toi en tant que promoteur tu es responsable. Ils t'inculpent toi, c'est comme si tu étais un dealer parce que tu as permis aux gens de fumer dans un festival. Tu es responsable, ils te chargent. Si quelqu'un appuie les inculpations tu risques 10 ans de prison, un procès...c'est fou. Donc c'est ce qui s'est passé avec le Rototom Sunsplash. Ils ont inculpé monsieur Filippo Junta parce que là-bas au Rototom des gens fumaient, beaucoup de gens, mais ils l'ont inculpé lui parce qu'il est responsable de ça. Donc il va devoir affronter le tribunal et... peu importe. Il y a différents côtés. Ils veulent toujours faire le Rototom Sunsplash donc ils ont besoin de partir en Espagne où la pression n'est pas la même et ils pourront continuer à faire ce qu'ils faisaient.

Que penses-tu en Europe de l'interdiction de la marijuana. Est-ce une forme d'esclavage mental ?
 
Je fume de la weed et personne ne nous fera jamais arrêter de fumer. Je pense qu'on a des problèmes quand on est un dealer de drogue. Si on fume juste un ou deux spliffs par jour, on aura pas de problèmes. (ironique) Et puis si la marijuana est légalisée, qu'est-ce que je vais bien pouvoir chanter ?... J'aime bien chanter « Babylon Them Thief My Herb ». S'il n'y a plus de guerre à faire alors je vais être un pécheur, allez pêcher. Donc dans certaines parties du monde laissez là être illégale qu'il y ait une guerre à faire. S'il vous plait. Merci.

Sur real story on reconnaît un gimmick d’Eek A Mouse. Pourquoi le reprendre ? Pour lui rendre hommage ?

Oui, c’est clair je rends hommage aux vétérans. J'ai été inspiré par des artistes comme Eek A Mouse, je suis un enfant de cette génération. C'est donc maintenant à moi de ramener cette vibe sur le devant de la scène. En ce sens, ma musique se rapproche du Hip Hop, parce que le Hip Hop utilise les samples et fait référence à de la musique plus ancienne. J'utilise les mêmes concepts. C'est juste de la musique, tu comprends ? Quand j'étais très jeune, la musique c'était ma vie, maintenant ma vie c'est ma musique.

En juin ce sera la coupe du monde, quels sont tes pronostics ?

(hésitation) bof…

Tu ne t'intéresses pas au foot ?

Si mais à la Jamaïque plutôt. Je n’aime pas trop l’équipe d'Italie parce qu'ils sont trop (pretty pretty) « mignon mignon », ils ne jouent plus bien, ils sont toujours dans les magazines à faire les mannequins et tout ça et le jour où ils vont sur le terrain... beurk... Donc je ne dirai pas l'Italie. En plus Berlusconi est mêlé au football italien. En Jamaïque il y a plus de passion, de souffrance que dans le Calcio et ça c'est du football. De nos jours le foot ce n'est que de l'argent. Pour moi en Afrique du Sud je suivrais des équipes comme le Cameroun.

Tu es producteur de riddims, que penses-tu d'Internet et du téléchargement illégal ?


(long silence)... Je n'ai jamais vu personne avoir une voiture gratuitement, je n'ai jamais vu personne acheter un livre gratuitement. Tu dois payer chaque chose dans la vie, parfois quand tu veux avoir une relation sexuelle avec une fille il faut payer. Bientôt ils vont faire payer l'air que tu respires (il inspire) Je dois payer 10 euros. Mais la musique est gratuite. C'est bien n'est-ce pas ? Mais dans le même temps tu tues les artistes. Puisque quand je sors mon album, le jour suivant, il est en ligne et tout le monde le télécharge gratuitement, ça veut dire que mon prochain album je ne pourrais plus le faire. Il n'y a pas de labels qui vont me donner des fonds pour faire mon art. Cela signifie que je vais souffrir. En même temps les gens viennent à tes concerts et les gens connaissent tes chansons parce que tout le monde va sur Internet et télécharge les chansons. Donc c'est bon et mauvais. Mais... nous avons besoin d'argent pour manger. Et j'ai besoin de chaussure pour travailler, je ne peux pas travailler pieds nus. Et si je n'ai pas d'argent qu'est-ce que je vais faire... Je vais aller travailler au supermarché en journée et si j'ai du temps je ferais un concert le soir. (rires)
D’un autre côté, Internet est crucial pour la musique parce que un jeune dans sa chambre peut programmer une chanson avec son ordinateur et la mettre en ligne directement. Instantanément 10 000 personnes ont déjà la chanson. Donc c'est beau, très beau, j'aime ça… Il faut trouver une façon de respecter la musique et faire payer le juste prix pour la respecter et garder les artistes vivant. J'ai vu tant d'artistes en Jamaïque qui conduisent des taxis, ils font la manche. Ces gens sont des légendes et n'ont pas un dollar à cause du vol. Voilà la situation.

Tu as enregistré avec Sizzla ; Quel est ton point de vue sur ses titres homophobes qui lui posent problème en Europe et aux USA notamment ?

Je dois te poser une question : est-ce que ça t'intéresse ce que je fais dans ma chambre ? Non ? ben voilà, on s'en fout. C'est insignifiant. Donc si je suis un être spirituel, pourquoi devrais-je penser si petit ? Ce n'est pas nécessaire, on s'en fiche de savoir ce que tu fais dans ta chambre, c'est ton seul choix. Si tu es une bonne personne, que tu prends soin de toi et de tes proches... tu es un homme de Dieu. Je marche avec toi.

Quelques mots pour tes fans français ?

Ce sont des fans de reggae donc continuez à écouter de la musique, du bon reggae. Pas de mauvais reggae, du bon. Le reggae qui vous dit rassemblons nous et apprécions. Juste ça, moi je ne suis que l'un d'entre eux, supportez le reggae, supportez Reggae.fr c'est la clef. « Merci Beaucoup » (en français dans le texte)

Par Sacha Grondeau , Souljah et Guizz
Commentaires (1)
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Par ayoub le 07/07/2010 à 16:33
je suis un cool avec la music reggae

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