Herbalist Crew - Herbalizm
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Herbalist Crew - Herbalizm

Actif depuis déjà plusieurs années sur les scènes de Suisse et de France, l’Herbalist Crew s’implante un peu plus profondément dans le paysage reggae francophone avec cet album Herbalizm. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet revenons sur la carrière de cette formation qui reste peu connue en France. 

C’est en 1999 que le groupe se forme véritablement après que Joha’ ait rejoint Trifinga. Ce dernier était déjà présent depuis le milieu des années 1990 sur la scène reggae genevoise, se produisant en compagnie de différentes formations. Les deux hommes se complètent parfaitement et l’identité musicale d’Herbalist est rapidement trouvée. En 2001 ils s’envolent pour la Jamaïque où ils restent un mois. Lors de ce voyage ils enregistreront plusieurs titres dans le studio 3.2.1 Strong Aka Cell Block à Kingston. Ils presseront d’ailleurs sur place leur premier 45 tours « Dominants, dominés ».

La scène reste cependant le véritable moteur du groupe et c’est par elle qu’ils arrivent à se faire connaître se produisant sur les scènes romandes et françaises. Ils sortiront par la suite un CD deux titres puis un street album qui leur permettra de se produire sur la scène Ella Fitzgerald, concert qui donnera lieu à la sortie d’un album live.

2007 fait figure de véritable année charnière pour le groupe puisque la chanteuse Toyin vient rejoindre les deux chanteurs pour former un trio pour le moins efficace. Les Herbalist se mettent activement au travail pour enfin sortir en 2010 Herbalizm.

Le premier élément qui accroche l’œil (et non l’oreille) sur cet album c’est sa pochette. Dans un style bande dessinée elle montre la révolution verte préconisée par le groupe. Deux membres du Herbalist crew s’efforcent, à l’aide de cocktails végétaux, de parsemer la ville de verdure. Car Herbalizm n’est pas consacré à la plante verte la plus célèbre du reggae mais est plutôt un appel pour réintroduire la nature dans nos espaces urbain.

Cet aspect revendicatif s’entend dès les premières notes de l’album. Après une brève introduction nous plongeant dans l’univers de la ville le titre C’est nous, incisif et engagé, pose les bases d’une musique influencée par la rue elle-même. Les sonorités rap sont bien présentes dans les voix des chanteurs accompagnées par une rythmique reggae plutôt efficace. Tout de suite le crew se place comme accusateur d’un système qui propose des règles dans lesquelles les Herbalist se refusent de vivre. Se revendiquant comme les héritiers d’une culture de réappropriation de l’espace urbain « les tags sur les murs de ta ville c’est nous » ils justifient leurs actes en les présentant comme une réponse aux agissements des sphères supérieures de la société. 

Ce premier titre est donc clairement revendicatif et on découvre avec joie l’univers du groupe créé par l’association des trois voix et des deux langues utilisées (français et anglais) qui seront présentes tout au long de l’album. Cette diversité se retrouve également dans les morceaux qui utilisent des styles souvent différents. Ainsi du ragga de Divisé au rap de Qui t’es en passant par les sonorités stepper de Si je me tais cet opus propose plusieurs univers très intéressants pas toujours classables dans un style précis.

Les thèmes abordés sont, eux aussi, assez variés même si, comme nous l’avons dit précédemment, ils restent principalement revendicatifs et engagés. Herbalist se bat sur tous les fronts se positionnant contre la division du monde (Divisé), contre le système qui taxe trop (Tell me Why), et comme le sous-entendait la pochette il chante sur le ras le bol de vivre en ville (Quitter la ville). Les voix des deux chanteurs servent parfaitement le propos, le rendant incisif mais la chanteuse Toyin amène à elle seule beaucoup plus et ses apparitions soul tout en douceur sur les différentes compositions permettent à l’album de séduire davantage. Sa prestation sur le très bon titre U don’t know we illustre parfaitement ce propos bien que l’on regrette qu’elle ne soit pas plus présente.

Saluons également la mise en musique de deux discours qui ont marqués l’Histoire, et qui démontrent, une nouvelle fois, l’engagement du groupe. Ainsi on retrouve Thomas Sankara (Interlude Sankara) parlant de la dette des pays d’Afrique sur fond de reggae et l’Abbé Pierre (C’est vous) qui, touchant par la force de ses mots et sa vigueur, accuse les pays riches, qui ont tout, d’être responsable de l’instabilité du Monde. Après tout pourquoi redire ce que d’autres ont déjà très bien dit auparavant.
L’album se referme en nous emmenant loin de la ville dans laquelle nous avions débuté. La Nature aurait-elle gagnée ? C’est la réponse que tente d’apporter ce dernier morceau I wait qui séduit par la simplicité du duo percussion/guitare sèche et par l’association des différents grains de voix avec une préférence, vous l’aurez compris, pour l’excellente Toyin qui peut nous rappeler l’univers exploré il y a peu par la chanteuse suédoise d’origine ougandaise Jaqee.

Une ghost track aux accents dub stepper clos cet album intéressant qui nous aura à la fois surpris et séduit. Malgré quelques inégalités dues certainement à la volonté, louable, du groupe de proposer des univers différents sur chacun des titres, Herbalist crew entame plutôt bien sa révolution verte en réussissant presque à nous herbalizer.


Sorti en 2010
www.herbalistcrew.ch

Par Tibo
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