Rencontre avec Sundyata
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Rencontre avec Sundyata

Sundyata est une formation reggae parisienne qui dispose à son actif d'un EP 5 titres et d'un premier album sorti en 2011. "Tout commence à Niani…" a été enregistré entre Grenoble (avec la team Sinsemilia), Paris (Dubwise) et Bamako au Mali (au studio H. Camara avec la team de Tiken Jah Fakoly) en étroite collaboration avec KNT Music, Fakoly Productions et Akaz. Reggae.fr et ses partenaires avaient remarqué la qualité de cet album, qui lui a valu d'être nommé aux Victoires du Reggae 2012 dans la catégorie reggae africain. Ce n'est pas tout ce que l'année 2012 a réservé au groupe. En effet, après s'être qualifiée pour la finale française de l'European Reggae Contest, la formation a remporté le match et se retrouve à présent propulsée à la finale européenne du concours, qui aura lieu le 1er juin prochain à Udine en Italie (organisée par le Rototom - lire notre news du 13 avril 2012). L'occasion était donc toute trouvée pour vous faire partager un entretien avec le groupe et apprendre à le connaître. Merci Bibar!



Reggae.fr: Tout d'abord, félicitation pour votre qualification à la finale européenne du Reggae Contest! Quel est votre sentiment en ce moment ?
Sundyata: C’est une grande joie qui domine. D’autant plus que le niveau des autres groupes était très élevé et nous a fait une grosse impression. Il y a beaucoup de galères quand on développe un projet comme celui-là, donc pour une fois on savoure cet excellent moment, ça rend le collectif encore plus fort !

Comment allez-vous préparer cette épreuve ?
A partir de maintenant, c’est 2 heures de footing quotidiennes ! lol. Plus sérieusement, nous sommes conscients que c’est une belle opportunité pour le groupe et son avenir que de se mesurer aux meilleurs groupes de reggae en Europe ; nous allons donc travailler dans le moindre détail le set pour renforcer encore l’énergie qui s’en dégage mais aussi l’émotion, afin de porter haut et fort les couleurs du reggae français.

Que vous gagniez ou non, que retiendrez-vous de cette expérience ?
Cette formule de set hyper condensé nous a permis de travailler la rigueur et l’efficacité de notre présence sur scène. Ça nous permet aussi bien sûr de diffuser notre musique hors de nos frontières et de faire de belles rencontres, que ça soit avec les autres groupes ou par exemple avec Sebastian Sturm lors de la finale France à La Bellevilloise.

Que signifie Sundyata ?
Le nom SUNDYATA vient de Soundjata Keita, roi de l’empire Mandingue, un des plus grands personnages de l’histoire africaine. Le destin fabuleux de cet homme qui a réussi à pacifier toute une région et ainsi faire vivre en paix de nombreuses tribus en guerre depuis des siècles nous a fascinés.

Pouvez-vous présenter les membres du groupe, leurs instruments, leur âge et votre rencontre ?
SUNDYATA c’est 9 musiciens et 1 technicien-son : Nordine (chant lad), Ludo (drums et Choeurs), Etienne (Basse), Baptiste (Guitare et choeurs), Benji (Claviers et chant), Bibar (claviers), Vivien (sax ténor), Jéremie (trompette, bugle), Gaelle (chœurs) et Pierre (ingé-son). Il y a une grande amplitude d’âge dans le groupe et nous venons tous d’horizons très différents, avec un passé musical et des influences très variées. C’est ce qui fait aussi la richesse de SUNDYATA. Le projet est parti du tandem Benji/Baptiste qui jouaient ensemble dans un backing band, ensuite Nordine et Bibar sont arrivés, puis tout le reste de l’équipe il y a un peu plus d’un an. La formation a pas mal muté pendant 2 ans et s’est stabilisée suite à l’enregistrement de l’album.

Pourquoi est-ce que "Tout Commence à Niani" ?
Niani est le nom du village natal de Soundjata Keita. C’est là que tout a commencé pour lui. Il nous a donc semblé naturel d’appeler notre 1er album comme cela. De plus, nous avons enregistré une bonne partie de l’album au Mali à Bamako, pas très loin de la ville de Niani (qui se trouve à la frontière avec la Guinée Conakry).  C’est, nous l’espérons, le début d’une grande aventure qui commence...

Comment avez-vous rencontré Tiken Jah Fakoly et comment s'est passée votre collaboration ?
Dave KYNNER, claviériste et chef d’orchestre de Tiken depuis 10 ans environ (il a notamment composé et réalisé l’album « L’Africain ») a été notre directeur artistique sur l’album. C’est donc lui qui nous a présenté à Tiken (et à l’ensemble de son groupe d’ailleurs). Nous lui avons parlé de notre projet d’album pour lequel il a été immédiatement séduit et nous a alors proposé d’aller l’enregistrer chez lui, dans son studio à Bamako. Il ne devait initialement pas être au Mali pendant la période où nous enregistrions mais à Londres pour le mixage de son album « African Revolution ». Un concours de circonstances assez incroyable  l’a retenu à Bamako : le fameux volcan Islandais qui clouait les avions au sol l’a bloqué au Mali. Du coup il était là pendant l’enregistrement et nous avons passé 15 jours ensemble. On a vraiment sympathisé et il a souhaité faire un feat. sur un des titres, « Terre des Hommes », dont le texte lui tenait particulièrement à cœur. Les Dieux étaient avec nous ! Il n’y a pas de hasard…



Comment avez-vous travaillé l'album ? Qui écrit ? Aviez-vous les textes et une idée de la composition des morceaux avant l'enregistrement ?
La plupart des titres avaient déjà été composés et arrangés par Baptiste. On les jouait en live depuis un moment. La majorité des textes ont été écrits par Nordine, en français ou en arabe. Bibar et Baptiste l’ont secondé dans ce rôle et Benji a également apporté sa touche personnelle à certains couplets.  Quand on sent que l’anglais se prête mieux au flow et à l’émotion que l’on veut donner en résonance à une rythmique, alors on participe un peu tous pour traduire les textes.
Pour l’enregistrement de l’album, on a surtout travaillé les compos avec Dave pour extraire et gonfler le cœur de chaque morceau, le rendre plus fort, plus efficace, et conserver une cohérence globale sur l’album. C’est un travail particulier par rapport au live, mais qui nous plaît vraiment car on peut travailler de manière pointilleuse sur les arrangements. Il y a eu aussi des choses faites au moment de l’enregistrement, je pense au refrain d’ « Anka Sana Yere » ou à Mama en formule acoustique. L’opportunité d’avoir enregistré en Afrique était aussi ce côté « plug and play » qu’ont les musiciens là-bas, ce qui nous a ramené aux bases de la musique, à savoir créer des choses ensemble et sur le moment.

Vos textes sont chantés en plusieurs langues. Comment vous vient l'inspiration d'écrire dans ces langues ?
Il y a en effet quatre langues sur l’album : le français, l’anglais, l’arabe et le bambara.
Le français, parce que c’est notre langue maternelle et c’est une très belle langue. C’est notre devoir de la faire vivre et ça nous permet de nous adresser au public français de manière plus directe lorsque les textes le demandent. L’anglais est une langue à la musicalité extraordinaire. On dit souvent que ça « sonne » mieux en anglais. Et puis c’est la langue internationale, la langue du monde. Nous voulons garder l’esprit international du projet. Nous faisons du world reggae ! Alors les deux vont bien ensemble… C’est pour cela que l’anglais est la langue que nous utilisons majoritairement. Par ailleurs pour l'arabe il faut savoir que Nordine notre chanteur est d'origine algérienne. C’est vraiment sa 2ème langue. chanter en arabe est quelque chose de complètement naturel pour lui. Il y aura d’ailleurs davantage de texte en arabe sur notre prochain album… Concernant le Bambara,  c’est parce que nous avons écrit une partie des textes à Bamako. C’est la langue la plus importante en termes de nombre de locuteurs au Mali. Nos invités sur l’album, le griot Kassé Mady Diabaté ou Pamela Badjogo, parlent cette langue. Leurs voix épousent totalement la beauté de cette langue. Il était inconcevable qu’ils chantent dans une autre langue !

Pouvez-vous nous parler du titre "Anka Sana Yere" et ce qu'il exprime ?
"Anka Sana yéré » veut dire : « sans vous, nous ne serions rien ». Cette chanson parle du bonheur de jouer ensemble dans le groupe et de partager notre musique et notre vibe avec notre public. Car si la musique est un don, un cadeau, elle doit être partagée avec le public. Nous faisons de la musique pour la partager, pour qu’elle soit écoutée et donner du plaisir à ceux qui l’écoutent. Pour l’anecdote, le refrain d’ « Anka Sana Yere » a été composé à Bamako avec Ahmed Fofana (qui joue du n’goni, de la flûte et du balafon sur l’album), il nous a permis d’aller chercher une vraie musicalité mandingue sur ce titre. 

Et le titre "Mr Riley" ?
« Mr Riley » dénonce cette tradition hélas encore bien présente dans de nombreux pays et dans de nombreuses cultures : les mariages forcés. Nous avons écrit ce texte après avoir lu un article sur Thomas Riley, ambassadeur des Etats Unis au Maroc de 2003 à 2008. Lui et sa femme ont fait beaucoup de lobbying auprès du roi du Maroc pour améliorer la condition de la femme dans ce pays. A travers son action, nous avons voulu saluer tous les hommes et les femmes qui luttent pour l’émancipation de la femme dans ces pays là. Et Dieu sait qu’il reste encore beaucoup à faire…



Quel est votre meilleur souvenir durant l'enregistrement de l'album ?
Il y a beaucoup d’excellents souvenirs ! mais si nous devions n’en retenir qu’un, c’est certainement le soir de notre arrivée à Bamako où nous nous sommes retrouvés dans ce restaurant à déguster un fabuleux poulet braisé avec Tiken Jah Fakoly et à parler de sa participation sur le titre « Terre des Hommes » pour le lendemain, alors que nous n’avions absolument pas prévu de faire ça avec lui… C’était génial ! Sa gentillesse et sa générosité nous ont vraiment séduits. Il y a pire quand tu arrives à Bamako d’avoir Tiken Jah comme guide…

Et le pire ?
Le pire ? C’est peut-être le fait que notre section de cuivre nous a lâchés quelques jours avant d’entrer en studio. Il a fallu trouver un peu en catastrophe une autre section ; on a bien galéré mais au final on a rencontré des musiciens excellents et hyper pro. En 2 jours les 13 titres étaient dans la boite ; ce qui est une performance car il y a pas mal d’arrangements cuivres assez complexes sur l’album.

Quels sont les artistes qui vous ont le plus inspirés à vos débuts?
Dans le reggae, il y a Bob Marley bien sûr ! Mais aussi Steel Pulse, Matumbi, Aswad, les Gladiators, Alpha Blondy. Mais nos influences sont plus larges. Elles vont du hip-hop américain au raï en passant par le jazz et la pop-rock anglaise de groupes comme Supertramp et Pink Floyd…

Comment vous situez-vous dans la scène reggae française ?
Notre place reste à faire en fait ! Pour le moment elle est un peu à part sur la scène reggae en France car le projet ne se situe pas tout à fait dans le sillon des groupes de reggae français qui cartonnent comme Danakil, Broussaï ou Dub Inc. Notre musique attire un public assez « world music » finalement, sans que cela soit calculé. Le rythme reggae en est le catalyseur, certes, mais nous aimons y ajouter des rythmes africains, des syncopes jazz et des gimmicks soul. Nous chantons principalement en anglais et il reste encore du chemin sur la scène reggae française pour qu’un tel projet fédère un très large public. Cela fait déjà quelques années que le secteur du rock s’est ouvert à cela (avec des jeunes groupes français ne chantant qu’en anglais comme Tahiti 80, Revolver, Stuck in the Sound et plus anciennement Daft Punk ou Air). Mais cela a aussi l’avantage de nous permettre de diffuser notre musique hors des frontières de l’hexagone avec notamment certains médias anglo-saxons qui commencent à s’intéresser à nous… Alors s’il fallait mettre une étiquette sur notre style de musique, nous aimerions beaucoup l’expression : World Reggae from Paris… !

Que peut-on vous souhaiter ? ;)
Le meilleur !  avant tout, de gagner la grande finale du Rototom Reggae Contest le 1er Juin à Udine en Italie !! Mais aussi de trouver rapidement un tourneur, ce qui nous permettra de diffuser le projet de manière plus efficace et plus large, et de nous concentrer palus sur l’artistique. On a déjà quelques retombées après cette victoire à La Bellevilloise… The show must go on !

Bonne chance Sundyata!

Par Propos recueillis par LN, Photos DR
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