Beres Hammond - Interview
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Beres Hammond - Interview

Beres Hammond est considéré comme le chanteur lover reggae par excellence. Il est programmé au Cabaret Sauvage le 26 juillet à Paris et au Garance Reggae Festival le 27 juillet prochain à Bagnols-sur-Cèze. Nul doute que sa prestation vous fera fondre! En attendant, reggae.fr vous propose de mieux connaître l'artiste en vous offrant une interview inédite réalisée en Guyane (en compagnie d'Iswad Queen alors journaliste pour Boulibai Vivration l'émission de France Inter) à l'occasion de la première édition du One Love Festival organisé par Florent Malouda.

Reggae.fr: Ton dernier album s'intitule « Moment in Time ». Le premier single de l'album est produit par Donovan Germain, un de tes bons amis. Peux-tu nous expliquer comment tu as rencontré Donovan et pourquoi tu as voulu travailler avec lui ?

Beres Hammond: La rencontre a dû avoir lieu dans les années 80. Je crois que c'est à New York que je l'ai rencontré pour la première fois. Je n'arrive pas à me rappeler à quelle occasion c'était, mais depuis nous avons essayé d'entretenir ce lien et nous avons eu quelques succès. J'espère que ça continuera.

Il a produit l'un de tes meilleurs albums, appellé « Love Affair ». Comment expliques-tu que le son de Penthouse soit si spécial ?
Je ne sais pas. Chaque studio en Jamaïque a un son différent. Ils ont tous fait des hits, ils ont tous marqué la musique à leur manière. Donovan a de la chance d’avoir ce son si reconnaissable. Quand tu l’entends, tu te dis : « Ah ouais, ça c’est Penthouse ». Il a un son merveilleux c’est sûr, mais mis à part ça, il a de très bons contacts avec les artistes et c'est le plus important.

"Je n'ai pas pour habitude de m'asseoir pour écrire des chansons, ce n'est pas Beres. J'admire ceux qui le font, mais moi je ne l'ai jamais fait. Je crée en studio. Je viens en studio, j'entends la vibes dans ma tête et ça vient sur le moment. "


Il a aussi produit l'un de tes plus grands hits nommé « Tempted To Touch ». Raconte- nous l'histoire de cette chanson et comment tu l’as écrite.
Je n'ai pas pour habitude de m'asseoir pour écrire des chansons, ce n'est pas Beres. J'admire ceux qui le font, mais moi je ne l'ai jamais fait. Je crée en studio. Je viens en studio, j'entends la vibes dans ma tête et ça vient sur le moment. Donc « Tempted To Touch » est juste un de ces moments de plus.

Tu as créé ton propre label « Harmony House ». Pourquoi as-tu décidé d'avoir ta propre entreprise?
Je suis arrivé dans le business à la fin des années 70, et la plupart des gens m’ont fait comprendre qu’avoir son propre label était indispensable pour avoir du succès. Donc j’ai décidé de suivre l’exemple.

Tu étais vexé ou frustré par quelque chose ?
En grande partie oui. Je crois que je n'aimais pas trop le traitement que l'on nous infligeait en tant qu'artiste en termes de royalties et ce genre de choses. Les producteurs ne respectaient pas vraiment ça à l'époque. Donc j'ai réalisé qu’il fallait prendre son destin en main.



Tu as produit le premier album de Jah Cure, « Ghetto Life ». Quand as-tu rencontré et comment as-tu choisis Jah Cure?
Sizzla me l'a amené et j'ai aimé sa voix. J’ai voulu lui donner la chance de faire des concerts. C’est moi qui l'ai emmené en Europe pour la première fois.

Tu as produit Jah Cure, Ginjah, Natural Black, des artistes de la nouvelle scène dites new roots. Es-tu d'accord avec ce concept de new roots et comment le définis-tu?
Je ne vois pas ce qu'ils veulent dire par new roots.

Le new roots est considéré comme la renaissance du reggae avec Garnett Silk...
Il n'y a pas de renaissance du reggae. Le reggae a toujours été là. La renaissance c'est quand quelque chose est mort et que l'on essaye de lui redonner la vie. Le reggae est toujours en activité et personne ne peut changer ça. Mais je pense que c'est intéressant que certains jeunes fassent ce qu'il faut pour garder leur héritage intact. 

Parce que dans les années 80 le reggae a pris différentes formes, mais avec Garnett Silk et les années 90 c'est le retour de la chanson culturelle.
Ok. Mais en fait ça a toujours été là. Ça n'a jamais quitté la Jamaïque. C'est juste que les médias, et particulièrement la radio, n’ont pas voulu nous donner de visibilité.

"Je suis né dans le pays où le reggae est né, mais je chantais déjà avant que le reggae n'arrive. Donc ça ne fait pas de moi un chanteur de reggae, mais un chanteur auquel il arrive de faire du reggae."

Dans un journal tu as déclaré « le reggae est ma base donc je lui accorde plus de respect et d'amour, mais je ne me considère pas comme un chanteur de reggae ». Peux-tu nous expliquer cette réflexion ?
Je suis né dans le pays où le reggae est né, mais je chantais déjà avant que le reggae n'arrive. Donc ça ne fait pas de moi un chanteur de reggae, mais un chanteur auquel il arrive de faire du reggae. Je chante n'importe quel type de musique. Ce qui compte en premier c'est la voix. Après la voix, il y a le rythme, mais la voix c'est le plus important. Donc disons que le reggae n’a jamais existé ; comment devrait-on m'appeler ? Disons que j'ai émergé dans l'époque du rocksteady ; comment m'appellerait-on ? Disons que je sois apparu à l'époque où on chantait du mento ; comment m'appellerait-on? Un chanteur de mento? Non. Avant tout je suis un chanteur, qui a l'habitude de chanter du reggae.   

On sait qu’Alton Ellis a été une de tes influences, tout comme Sam Cook, Al Green, Otis Redding, Curtis Mayfield...
Mon inspiration m'est en effet venue des chanteurs qui tournaient dans les années 60-70.



Tu as travaillé avec beaucoup de grands producteurs, mais j'ai entendu que tu avais un petit problème avec Joe Gibbs qui a produit ton album « Just A Man ». Est-ce vrai ?
A l'époque j’avais des problèmes avec la plupart des producteurs pour les mêmes raisons que j'ai mentionnées plus tôt.

Peux-tu nous expliquer le tout début avec Zap Pow ?
Je chantais en tant qu'amateur à cette époque. Ils m'ont vu à un concert et m'ont demandé de les rejoindre. J'y ai vu une bonne opportunité et je l’ai saisie.

C'était une bonne expérience de chanter avec un groupe ?
C'était une magnifique expérience.

Quand as-tu décidé de quitter le groupe pour être seul ?
J'ai toujours voulu être seul, mais dans ce business de la musique il faut savoir faire des compromis avant de finalement se trouver.

Tu es une légende qui a vu l'évolution du business de la musique durant les années 70, 80, 90 et maintenant le nouveau millénaire. Pour toi quelle est la plus grande différence entre le business du reggae dans les années 70 et maintenant?
Le plus gros problème que nous avons maintenant c'est la technologie. Parce que la musique ne se vend pas comme elle devrait. Les ventes de musique ont subitement chuté et on ne perçoit aucun droit dessus. Ça c'est une différence.  En termes de musique...J'ai grandi avec la musique live, mais aujourd'hui tout passe par des machines.

Tu n'aimes pas l'évolution vers plusieurs chanteurs qui chantent sur le même riddim?
Non je n'aime pas vraiment mais ça fait partie du monde d'aujourd'hui et je m’adapte tout en continuant à travailler à l’ancienne.

"Les riddims ne sonnent plus pareil aujourd’hui. Ce n'est pas aussi chaleureux que 16 ou 17 personnes qui jouent en live. Je préfère l’ancienne école."

Tu pense que le problème d’aujourd'hui est la technologie ?
Les riddims ne sonnent plus pareil aujourd’hui. Ce n'est pas aussi chaleureux que 16 ou 17 personnes qui jouent en live. Je préfère l’ancienne école.

Tout le monde n'a peut-être pas les moyens de jouer de la musique en live et c'est aussi pour ça qu'ils utilisent les versions pour chanter.
Non pas du tout, il y a plus d'argent aujourd'hui qu'avant. Donc ce n'est pas l'explication à ça. C'est peut-être juste l'évolution de la vie. La technologie a toujours modifié la façon de vivre des gens.

Ici en Guyane les jeunes qui veulent faire du reggae doivent se battre énormément. Ils disent que les producteurs ne veulent pas signer de reggae, car ils préfèrent signer des artistes de zouk. Que peux-tu dire à ces chanteurs et ces producteurs?
Je n'ai pas le droit de décider pour les gens, car ici c'est une culture différente et tout ce qu'on peut attendre d'eux, c'est qu'ils respectent leur musique. Ma musique est le reggae et tout le monde respecte ça. Donc ça doit être le même respect, quelle que soit la musique locale. Je respecte ça. J'espère toujours qu'ils y mettront une couleur reggae, mais ça...   

Quelle est ton opinion sur Internet ?
Cela ne fait pas partie de ma route, j'ai encore beaucoup à apprendre sur Internet. Comme je l'ai dit, Internet est très utile pour un artiste car le mode entier à sa portée. C'est bon dans ce sens. Mais d’un autre côté, dès que vous avez enregistré votre chanson, quelqu'un la met sur internet et elle est téléchargée gratuitement et ce n'est pas bon.

Quelle est ton point de vue sur la situation politique en Jamaïque ? Comment expliquer qu'il y ait autant de violence et en même temps autant d'argent avec le tourisme ?
Je ne suis pas tout à fait sûr de comment cette violence a commencé. Je ne peux pas pointer du doigt tel évènement ou telle personne. Mais j'ai entendu un million de fois que ça a commencé avec les politiques. Je ne suis pas sûr que ce soit vrai. Peut-être que ça l'est. Ce que je ne comprends pas, c'est que mes semblables, ceux avec lesquels j'ai grandi et que je recommanderais partout dans n'importe quelle situation, sont soudain devenus des monstres. Ça je ne comprends pas.    

Une dernière question pour que les Français comprennent pourquoi la nourriture Ital est si importante pour les rastas...
Ce n'est pas que pour les rastas. La nourriture Ital est une nourriture pure, naturelle, et c'est bon pour tout le monde. Mais aujourd'hui en Jamaïque manger ce genre de choses n'est pas acceptable pour certaines personnes. Encore une fois, pour moi c'est chacun ses préférences. Certains veulent se maintenir purs de certaines choses, ce sont des décisions personnelles.
Quel est ton plat préféré?
J'adore le poisson. On peut me donner le poisson sous n'importe quelle forme, j'adore ça. Le poisson avec n'importe quoi : du riz brun, de la purée de pomme de terre... Et j'adore également le cuisiner.
Tu es un bon cuisinier?
De poisson ouais (rires).

Merci Berres Hammond pour cet entretien!

Par Interview et photos: Sacha Grondeau (avec Iswad Queen)
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