Rod Anton - Interview
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Rod Anton - Interview

Rod Anton & The Ligerians viennent de sortir leur album "Reasonin'" (lire notre chronique ici). Vous pourrez notamment les découvrir en live lors d'un concert qu'ils donneront à la Maroquinerie à Paris dimanche 8 juillet prochain. Entre temps, découvrez un peu plus l'artiste Rod Anton grâce à l'entretien qui suit:

Reggae.fr: Tu viens de sortir l'album "Reasonin'", avec les Legerians. Comment l'as-tu travaillé en termes de production ?
Rod Anton: C'est de l'autoproduction, nous avons tout produit de A à Z. Chacun y a mis du sien aussi bien en termes de travail que financièrement. Nous avons eu des aides de la part de notre région à travers des dispositifs comme le "Propul'son" ou "Envie d'agir"… Ces aides ont été précieuses. Notre manager Wallace a également beaucoup investi sur ce projet...croisons maintenant les doigts pour que le public apprécie l'album et nous le rende en l'achetant! ;)

Peux-tu nous présenter les membres des Ligerians ?
The Ligerians sont composés de Gabriel à la guitare et aux choeurs, Lionel à la basse, Emma à l'orgue/rhodes/clavinet…, Alex à la guitare et aux choeurs et François à la batterie. Ce sont tous, comme moi, des amoureux du reggae depuis l'adolescence.

Pourquoi s'appellent-ils les Ligerians ? Depuis quand travailles-tu avec eux ?
Ligerian signifie Ligérien en français, adjectif qui se rapporte à la Loire, aux habitants des bords de Loire...comme tous vivent à Tours... Je travaille avec eux depuis Février 2009. Nous avons déjà sorti 2 maxis EP ensemble: "Angel" (Nov 2010) et "Leaders of Tomorrow" (Fév 2012).



Où avez-vous enregistré l'album "Reasonin'"?
Les instrumentaux et une partie des voix ont été enregistrés dans nos studios (Ligerians' Records) à Tours et le reste des voix a été enregistré entre le Lions' Den Studio des Congos à Saint Catherine, Jamaïque et I Grade Records à Saint Croix, aux iles vierges.

Comment avez-vous élaboré l'album ? Qui écrit ? Aviez-vous les textes et une idée de la composition des morceaux avant l'enregistrement ?
Sur cet album, ce sont Gabriel et Alex, les deux guitaristes/choristes des Ligerians qui ont composé les bases de la plupart des instrus. De mon côté j'écris les textes et les mélodies de chant. Gabriel a également écrit la quasi totalité du texte de "Diamonds of Africa" et Alex a écrit mon texte sur "Holy City". Ils m'ont aussi aidé à trouver quelques mélodies de chant. Ce sont des musiciens très talentueux. Ensuite on travaille tous ensemble et on arrange les morceaux. Chacun propose un break par ci, un basse-batterie par là...Sur certains autres morceaux, on travaille à l'envers, j'arrive avec trois accords de guitare, une mélodie ou une ligne de basse et on se penche tous dessus en répète pour composer quelque chose d'efficace...Certains instrumentaux ont été enregistrés sans que j'ai des textes définitifs qui leur étaient attribués...c'est ce qui fait la magie du studio...Babs, notre ingé studio et live a fait avec Gabriel un gros boulot sur le mix. Ils ont eu la patience de supporter mes décisions changeantes...et je les en remercie.

Comment avez-vous rencontré les Congos et comment s'est passée votre collaboration ?
J'ai rencontré les Congos en 2006 quand le groupe s'est reformé à l'occasion de la sortie de leur album "Swinging Bridge". Nous avons sympathisé et nous sommes revus lors de leurs tournées suivantes, jusqu'à ce que je parte en Jamaique et y enregistre avec eux le morceau "Angel" sur lequel Cedric chante avec moi et Ashanti joue du nyahbingy. Ce morceau est resté au tiroir jusqu'à ce que je rencontre les Ligerians et que nous décidions d'enregistrer quelques autres morceaux afin de sortir un maxi 7 titres du même nom. Ce premier opus complètement autoproduit est donc sorti en Novembre 2010. Il nous a permis de nous faire connaitre et nous avons tourné pendant un an. Fin 2011 nous sommes repartis en Jamaique, naturellement à nouveau chez les Congos, et y avons enregistré le morceau "Leaders of Tomorrow" cette fois avec le groupe au complet: Cedric Myton, Ashanti Roy, Watty Burnett et Kenroy "Tallash" Fyffe, le dernier venu ex-membre des Eternals de Cornell Campbell. Nous avions déjà enregistré l'instru et j'avais écrit mon texte. Quand je leur ai fait écouté les différents morceaux que nous avions, ils ont adoré celui qui allait devenir "Leaders of Tomorrow". Ils ont chacun écrit et chanté une partie lead, puis les backs et Ashanti a enregistré diverses percussions...Voilà, le morceau était né...Nous en avons sorti une version courte sur le maxi numérique du même nom en février dernier et la version longue est disponible sur l'album "Reasonin'"…



Max Roméo et Midnite participent également à "Reasonin'"...
Ce sont les Congos qui m'ont présenté Max Romeo à Paris l'année dernière quelques semaines avant que je reparte en Jamaïque. Ils étaient en tournée avec lui et Lee Perry. C'est Cedric qui l'a appelé lorsque nous étions à Saint Catherine. Max n'a pas l'habitude de poser en combinaison avec d'autres artistes. Il est très respecté en Jamaique. C'est donc un immense honneur pour nous qu'il accepte de poser sa voix sur nos morceaux. Pour Midnite, Vaughn a vraiment été génial. J'ai passé un ou deux coups de fil à des amis avec qui il avait également travaillé en Jamaïque et lui ai proposé ce duo. Nous nous sommes appelés plusieurs fois pour parler du riddim, je venais de rentrer de Jamaïque où les Bush Doctors permettent aux plus pauvres de pouvoir se soigner avec des plantes médicinales...L'un d'eux m'avait sensibilisé à l'importance de ce type de médecine et aux risques de sa disparition. Ce thème était parfait. Je l'ai proposé à Vaughn et il a tout de suite accepté. Le résultat est magique, Trumpet Bush est un morceau très fort, nous en sommes tous très fiers.

Peux-tu nous parler du morceau "Xingu People"?
Ce morceau est un cri de protestation contre la construction du barrage de Belo Monte au coeur de la forêt amazonienne au Brésil. Il a été réalisé en partenariat avec l'ONG internationale Amazon Watch qui est une organisation internationale à but non-lucratif ayant pour but de protéger la forêt amazonienne et ses populations indigènes. La situation est catastrophique là-bas. Le chef Raoni et ses tribus luttent depuis des décennies contre la construction de ce barrage et aujourd'hui leurs efforts ont été réduits à néant par le gouvernement de Madame Roussef pour qui le développement du Brésil doit passer par ce sacrifice...Je suis de ceux qui pensent que la construction de ce nouveau barrage hydroélectrique, qui va noyer près de 400 000 ha de forêt, dévaster la faune et la flore et chasser des milliers d'indiens de la terre de leurs ancêtres, est un véritable crime contre l'humanité!!! Le monde tout entier doit se sentir concerné par cette situation. Un sage a dit: nous n'héritons pas la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants...J'ai invité mon ami DJ Zéza qui est un des animateurs de la plus importante Webradio Reggae brésilienne à venir s'exprimer sur ce morceau et on y entend également les voix des chefs Raoni et Megaron, fers de lance du combat mené par les tribus du Xingu.

Et "Caribbean Queen" ?
"Caribbean Queen", c'est l'histoire du reggae ou plutôt de la musique jamaïquaine personnifiée à travers la vie d'une femme. C'est-à-dire qu'elle y est décrite comme s'il s'agissait d'une femme de sa plus tendre enfance dans les années 60, jusqu'à aujourd'hui...C'est assez poétique finalement...J'aime ce morceau et le groove de l'instru est juste boom!



De manière générale, qu'as-tu voulu exprimer avec cet album ?
Cet album est un voyage, son titre est assez évocateur…"REASONIN'"…c'est le résultat d'une méditation, d'une réflexion tantôt partagée, tantôt personnelle autour de sujets sérieux et d'autres un peu moins...

Quel est ton meilleur souvenir durant l'enregistrement de l'album ?
Les soirées avec les Congos au dessus du studio après les enregistrements...

Et le pire ?
Le mix où j'ai cru devenir fou et ai failli rendre Babs et Gabriel, les ingés, fous à leur tour à force de leur faire mettre plus de basse, moins de reverb, plus de choeurs, moins de choeurs...

Comment la musique est-elle entrée dans ta vie ?
Ma grand-mère adorait chanter le fado et avait une très belle voix. Quand elle était plus jeune, elle avait été remarquée par un producteur qui l'avait entendue chanter mais ses parents l'avaient privée de cette opportunité car pour eux qui étaient très pauvres, son salaire de bonne était primordial et le milieu du spectacle trop incertain. Les premières années de ma vie, mes parents travaillaient, c'est donc elle qui m'a élevé. Elle m'a toujours poussé à chanter, faire de la musique, parfois peut-être même trop puisque jusqu'à l'adolescence, je ne voulais pas en entendre parler...Elle adorait regarder les télé-crochets avec des jeunes chanteurs et disait toujours que son plus grand regret était de ne pas avoir un de ses enfants ou petits enfants qui chante. Le mien est qu'elle soit partie sans jamais m'avoir entendu chanter...mais c'est définitivement à elle que je dois ce goût pour la musique. Aujourd'hui je ne peux plus m'en passer...

Quels sont les artistes qui t'ont le plus inspiré à tes débuts?
The Wailers, Bob Marley (je l'ai vraiment beaucoup écouté), les Gladiators, The Congos, Israel Vibration, Horace Andy...la liste est longue...je ne me lassais pas de découvrir de nouvelles perles même si à l'époque internet n'en était qu'à ses débuts et que cela n'était pas si facile et abordable qu'aujourd'hui d'écouter de la musique...

Comment te situes-tu dans la scène reggae française ?
J'ai fait le choix de ne pas chanter en français. J'ai eu la chance de beaucoup voyager et ai des amis à divers endroits du monde. Malgré le fait que je parle plusieurs langues,  l'anglais reste, à mon sens, la langue la plus comprise dans le monde. C'est pourquoi chanter dans cette langue me plait. Ayant des ambitions internationales, difficile donc de me situer dans la scène reggae française. J'adore notre pays, notre langue et notre culture mais me sens un peu loin des groupes de reggae français...bien que je partage les mêmes messages que certains d'entre eux qui, à leur manière, se débrouillent très bien...

As-tu eu et / ou auras-tu l'occasion de jouer des morceaux de l'album avec Max Romeo, Midnite ou the Congos ?
Non pas encore mais j'espère en avoir la chance bientôt. Avis à leurs tourneurs! besoin d'une première partie sur leurs prochaines tournées? ;)

Merci Rod Anton…
Merci à vous!

Par LN
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