Lloyd Parks - interview rare !
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Lloyd Parks - interview rare !

Bassiste de légende ayant accompagné les plus grands artistes jamaïcains, aussi bien en studio que sur scène, Lloyd Parks est aujourd'hui le chef d'orchestre du fameux We The People Band, connu pour avoir été le backing band de Dennis Brown. Également chanteur, producteur et auteur de certains tubes (« Slaving », « Mafia », « Officially »...), il reste dans l'ombre des chanteurs qu'il a accompagnés pendant des décennies. Toujours en quête de perfection, il continue de sillonner la planète avec des artistes tous plus prestigieux les uns que les autres. C'est ainsi qu'on a pu le voir sur scène l'été dernier au Garance Reggae Festival où son groupe a notamment backé Bob Andy, Freddie McGregor, Johnny Osbourne, Leroy Smart, les I-Threes ou encore Derrick Morgan (rien que ça !). Nous avons eu l'occasion de passer un court instant avec lui pour retracer sa carrière si riche et exemplaire.

Reggae.fr: Vous êtes plutôt rare en France. Vous souvenez-vous de la dernière fois que vous êtes venu ?
Lloyd Parks: Je crois que la dernière fois c'était en l'an 2000 pour une tournée qui s'appelait Inity Startime Tour. Mais sinon, je suis venu backer U-Roy, Gregory Isaacs et Frankie Paul en 2005 et je crois qu'on a fait un petit passage en France. Par contre, je n'arrive pas à me souvenir de la première fois que je suis venu. Ça fait tellement longtemps qu'on traverse le monde. Ça a commencé dans les années 80 avec Dennis Brown.

Parlez-nous de vos débuts dans la musique. Vous avez commencé en tant que bassiste ou chanteur ?
J'ai commencé par le chant. C'était à la fin des années 60. Mon premier groupe s'appelait The Termites. Puis, j'ai quitté le groupe pour commencer une carrière solo, mais j'ai finalement intégré les Techniques avant de repartir sur une carrière solo. Mais c'est bien avec les Termites que j'ai commencé, à Studio One. Après la première répétition avec le groupe, je suis allé acheter une guitare et j'ai appris à en jouer petit à petit. Ensuite, j'ai aussi intégré un groupe qui s'appelait RHT Invincibles avec Sly Dunbar, Ansel Collins et plein d'autres. Puis, on a créé le groupe Skin Flesh & Bones avec Sly Dunbar encore à la batterie, Ranchie McLean à la guitare, moi à la basse et Al Brown au chant. C'est nous qui avons fait « Here I Am Baby », un gros hit qui nous a permis de voyager en Angleterre. C'était la première fois que je faisais une tournée en dehors de la Jamaïque. Je crois que c'était en 1975.



Comment êtes-vous passé du chant à la basse ?
C'était juste une évolution naturelle. Au début, je jouais plutôt de la guitare. Mais un soir où je jouais avec mon groupe dans un club, le bassiste n'est pas venu. Alors je l'ai remplacé. Notre chanteur s'appelait Bobby Ackles. Je lui ai dit : « je peux jouer de la basse man ! » Et il m'a laissé et j'ai assuré ! J'ai mis le feu ce soir-là. Et depuis ce jour-là, je n'ai jamais arrêté de jouer de la basse.

Votre premier enregistrement avec les Termites a été « Have Mercy Mr Percy ». Qui est ce Mr Percy ?
C'est un logeur. Dans ce groupe, je chantais avec Wentworth Vernal et Mr. Percy était celui à qui il devait payer son loyer. Et parfois, il n'avait pas les moyens de payer, alors ça nous a inspiré cette chanson qui réclame la pitié à Mr. Percy (rires).

Avec les Termites et les Techniques, vous faisiez plutôt du rocksteady. Comment avez-vous abordé le changement vers le reggae ?
Je considérais la musique de la même manière, quelle que soit le style qu'on jouait. Le rocksteady et le reggae sont quand-même très liés. On chante les mêmes lyrics, on garde la même basse/batterie. Ce qui change c'est juste le tempo et le skank de l'orgue qui n'existe pas dans le rocksteady.

Vous avez longtemps alterné entre carrière solo et carrière dans différentes groupes...
C'est juste que j'aimais beaucoup chanter. Je voulais absolument chanter, je ne pouvais pas m'arrêter. Donc, quand je voyais que je n'avais pas ma place en tant que chanteur dans un groupe, je partais faire mes propres chansons de mon côté.

« Slaving » fait partie de ces chansons faites en solo ?
Oui. C'est même moi qui l'ai produite. Et beaucoup de gens ont piraté cette chanson en affirmant que c'était eux qui l'avaient écrite. Mais c'est bien moi le véritable auteur de ce tune. A l'époque, on se refilait facilement des riddims. On ne se méfiait pas assez et quand quelqu'un te demandait un cut de ton riddim, tu le vendais pour une poignée de dollars. Et c'est après que tu te rendais compte de ton erreur. Je peux vous dire quels sont les musiciens qui ont joué sur l'original « Slaving ». Il y avait Tyrone Downie, le clavier de Bob Marley. Il y avait aussi Ranchie McLean à la guitare, Neville Grant à la batterie, Ansel Collins au piano, Phillip Grand à la guitare rythmique et moi-même à la basse bien sûr.

Et le label français Heartical en a récemment fait une nouvelle version avec vous et Joseph Cotton...
J'ai enregistré ce titre pour eux en dubplate. Faut que je les contacte pour qu'on parle de cette sortie ensemble.

Et la chanson « Mafia », c'est sans doute votre plus grand hit.

Ça c'est sûr. Aujourd'hui encore, quand on la joue sur scène, on récolte de gros forwards. Mais cette chanson est pourtant toute simple et elle n'a pas vraiment de message. C'est juste un gimmick, un truc comme ça. Je ne pensais pas que ça susciterait autant d'enthousiasme.



On parlait tout à l'heure de Skin Flesh & Bones. A un moment de votre carrière, vous avez changé de nom pour vous appeler The Revolutionnaries. Comment et pourquoi avez-vous changé de nom ?
On a en effet gardé les mêmes musiciens pour former les Revolutionnaries. On a changé de nom parce qu'on a changé d'employeur. En fait, on est devenus musiciens résidents chez Channel One et ce sont les frères Hookim qui nous ont appelés comme ça. Plus tard, j'ai aussi travaillé au studio de Joe Gibbs avec quasiment les mêmes musiciens et on s'appelait les Professionals. En fait, on avait à peu près toujours la même équipe Sly Dunbar et moi, mais on changeait de nom en fonction du studio où on enregistrait (rires). C'était les patrons des studios qui voulaient donner une image qui colle à leur musique, alors ils choisissaient méticuleusement les noms de leurs backing bands.



Quelle est votre plus grande fierté ?
Ma fierté, c'est ma musique. Je suis fier de tout ce que j'ai fait dans ma carrière, car j'ai toujours donné le meilleur de moi. Et je continue de donner le meilleur. J'essaye toujours de m'améliorer, je vise la perfection. Le jour où je ne serai plus capable de jouer à un certain niveau, je m'arrêterai. One Love à vous tous.

Par Propos recueillis par Djul; photos: Jérôme Baudin
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