Ainsi soit Taïro !
interview Reggae français 13

Ainsi soit Taïro !

Le dernier album de Taïro, "Ainsi Soit-Il", est paru dans les bacs en plein été (lire la chronique de l'album). Alors que l'artiste ne chante pas exclusivement sur sa vie personnelle, l'écoute répétée de l'opus et de ses lyrics nous donnent comme l'impression de le connaître et l'envie bien sûr de le rencontrer afin d'approfondir certains thèmes et questions posés par ses chansons. C'est à l'occasion de son passage remarqué au Reggae Sun Ska, samedi 3 août dernier, que nous prenons le temps de nous entretenir avec Taïro:

Reggae.fr: Ton nouvel album s'appelle « Ainsi Soit-Il ». Explique-nous pourquoi tu as choisi ce titre, qui est aussi le dernier track de l'opus.
Taïro: Je dois préciser que cet album sort chez une major, mais avant de signer chez Universal, on avait commencé à faire cet album de façon indépendante par nos propres moyens. Je dois avouer que j'étais étonné au début qu'aucune major ne vienne nous démarcher. Pas parce que je crois avoir plus de talent que les autres, mais juste par rapport aux nombres de vues Youtube qu'on avait. Avec les singles « Bonne Weed » et « Une Seule Vie », on a fait quasiment 20 millions de vues ! Si un artiste rap atteint ces chiffres, il signe immédiatement. Je ne comprenais pas pourquoi ce n'était pas le cas avec le reggae. Donc j'ai commencé à me faire une raison et je me suis dit : « Ainsi soit-il ». Finalement, après avoir signé chez une major, j'ai voulu garder ce titre parce que j'ai bien conscience que c'est le public qui écrit l'histoire des chansons même si ce sont les artistes qui écrivent les paroles. J'avais besoin de libérer cette pensée et de l'offrir au public.



Tu as bossé avec pas mal de musiciens comme TnT, Bost & Bim, mais aussi quelques Jamaïcains. Comment as-tu choisi les riddims et comment s'est déroulée la direction artistique de cet album ?
J'avais vraiment envie de plus d'homogénéité et de proposer une photographie de l'ère du temps. Dans mon album précédent, « Chœurs et Âme », j'avais quasiment un réalisateur par titre. Et ce qu'il manquait dans ce disque c'était vraiment une homogénéité sonore. Je savais qu'en bossant avec TnT sur tout l'album, ils allaient être capables de m'offrir des riddims aussi bien roots que new roots, dancehall ou même hip-hop. Ils ont une variété de son vraiment large et j'avais envie de m'inscrire dans le temps avec cet album. Je voulais que ça sonne 2013. Donc j'ai fait appel à eux pour tout l'album. Mais il y avait des chansons que j'avais déjà commencé à bosser, comme « Aime La Vie » avec Bost & Bim, ou « Ainsi Soit-Il » et « J'étais Prêt » avec Russian. J'avais même fait un feat avec Tiwony, « Reine Sans Couronne », réalisé à la base par Hemp Higher. Finalement on l'a ré-enregistré avec TnT et ça sortira sans doute en bonus avec une réédition de l'album.

Comment procèdes-tu au niveau de l'écriture ? Tu écris avant d'avoir le riddim ou c'est plutôt l'inverse ?
La plupart du temps, je reçois un riddim avant. Je l'écoute, ça m'inspire une mélodie, cette mélodie m'inspire une émotion et cette émotion m'inspire un texte. Parfois ça m'arrive d'avoir une mélodie qui traîne dans la tête et dans ce cas je branche mon ordi, je me mets sur un petit logiciel et je bricole deux ou trois accords et un rythme avec ce que je sais faire. Ça me permet de bosser dans mon coin et après je donne ça à des musiciens pour qu'on construise mieux la chanson ensemble. J'ai aussi une méthode simple et efficace avec Bim où je lui demande juste de jouer quelques accords à la guitare, puis je le réoriente selon mes inspirations et on arrive à écrire des chansons très vite comme ça.



Dans l'ensemble, ce nouvel album reste très positif. Et on le sent particulièrement sur « Aime La Vie » où tu as invité Youssoupha. Parle nous de cette rencontre.
Youssoupha, c'est un artiste que je connais et que je suis depuis longtemps. Depuis le titre « Éternel Recommencement » qui date de plusieurs années déjà et que j'avais beaucoup aimé. Et quand il a sorti son album « Noir Désir », j'ai pris une grosse claque. J'ai adoré cet album pour sa musique, ses textes, la simplicité et l'honnêteté qui s'en dégagent. Du coup j'avais vraiment envie de faire un titre avec lui. D'abord, je lui ai envoyé « La Roue Tourne » que j'ai fait avec Kalash finalement. En fait Youss aimait bien ce titre mais il voulait avoir le choix parmi plusieurs. Et il a direct flashé sur « Aime La Vie ». Donc j'ai enlevé un de mes couplets et je lui ai laissé 12 mesures qu'il a complètement déchirées !

Et comment as-tu choisi les autres featurings, Kalash et Merlot ?
Parce que j'aime la musique de ces artistes. Kalash je l'ai découvert il y a peu, mais j'ai tout de suite vu qu'il avait un gros potentiel. Et Merlot, je le connais depuis un moment, depuis Baobab.



Un des thèmes récurrents sur cet album est bien sûr l'amour et les femmes. Comment écris-tu sur ce thème ? Est-ce que ce sont des expériences personnelles ou est-ce que tu joues plus un rôle ?
Il y a un peu des deux. Il peut m'arriver de croiser une femme dans la rue et d'être pris par sa beauté et d'avoir envie d'écrire une chose là-dessus. Des fois je suis inspiré par mes propres histoires d'amour, qu'elles soient positives ou un peu difficiles. Ou alors parfois j'exprime un sentiment général comme dans « Bébé Toute Seule ». J'entends beaucoup de femmes aujourd'hui qui disent ne plus avoir espoir en l'amour. Donc là je me mets dans une position de grand-frère et j’entame un dialogue avec ces femmes. Mais même quand tu écris une chanson inspirée de ce que tu as vécu, tu es obligé de sortir de ta peau pour regarder ça avec du recul et fabriquer une histoire pour que ce soit beau à chanter.



On peut parler aussi de la chanson « Dilemme » où tu parles de ton côté séducteur parfois trop présent. Comment ta compagne a-t-elle réagit en entendant cette chanson ?
Je suis assez transparent dans mes relations amoureuses. Je préfère aborder les sujets difficiles plutôt que de les éviter. Parfois ça peut nuire au couple, mais parfois ça peut le souder. Si la personne avec qui tu partages ta vie est incapable d'entendre que tu peux avoir du désir pour quelqu'un d'autre, je pense que la relation va être compliquée. Les gens qui disent ne jamais avoir de désir pour une autre personne, je ne les crois pas. On croise tous des gens qui nous procurent des émotions sans pour autant passer à l'acte. Quand j'écris des chansons comme ça, c'est une façon d'être honnête avec les gens qui partagent ma vie et avec le public. La fille avec qui j'étais au moment où j'ai écrit cette chanson, au début ça ne lui a pas trop plu. Puis, en la réécoutant, finalement elle l'a trouvée marante et aujourd'hui elle la trouve bien. Je suis incapable de cacher ce que je pense et de ne pas le dire en chanson. J'aurais l'impression de ne servir à rien. Après, il faut toujours prendre en compte le fait que les chansons sont des mises en scène et certains sentiments peuvent être exagérés. Il faut savoir prendre un peu de recul par rapport à certains textes et juste les apprécier comme ils sont.



Pour revenir sur ton titre « Bonne Weed », on sent que c'est un titre très récréatif, mais peut-on en savoir plus sur ton opinion par rapport à l'interdiction de fumer du cannabis en France ?
Bien sûr. Mon but n'a jamais été pas d'inciter les gens à fumer de l'herbe. Ça n'a pas de sens de faire ça. Par contre, je trouve en effet ridicule que l'on soit exposé à des sanctions parce qu'on fume. Je trouve ça aussi déresponsabilisant. On est le pays en Europe qui a la législation la plus dure et on a le plus de consommateurs ! Donc politiquement, il y a un non-sens et selon moi il faudrait affronter ça sans hypocrisie et en mettant un peu de côté la morale. Par exemple, quand on fume de l'herbe, le pire qui puisse arriver c'est que l'on se fasse du mal à soi-même. Et les politiques utilisent cet argument pour nous l'interdire. Alors qu'il y a plein de choses légales qui nuisent à l'humanité en général. Je ne parle même pas de l'alcool, mais je pense plutôt à l'industrie pétrolière. Le pétrole est une ressource naturelle qui vient de la terre et qui devrait appartenir à tous les êtres humains. Or, seulement une minorité a pris le droit de l'exploiter et de gagner des l'argent avec. Par contre, quand il y a une catastrophe du genre un bateau qui coule ou un puits qui fuit, c'est l'humanité toute entière qui morfle. Quand je fume ma weed, j'encrasse mes poumons, pas ceux des autres. Et quand on nous parle des trafiquants qui sèment la terreur dans les quartiers ça me fait rire parce qu'il faut prendre conscience qu'il y a autant de violence dans les business légaux. Personne n'interdit la grande distribution alors qu'elle a causé la disparition de centaines de petits commerces. La pression existe partout, il faut arrêter de stigmatiser les cités et la weed ou le shit. Laissez-nous fumer tranquille, on fait de mal à personne.



Et par rapport à ce morceau toujours, comment as-tu eu l'idée de reprendre la mélodie de Tarrus Riley et Konshens et comment ça s'est passé pour récupérer le riddim ?
Ça s'est fait très simplement et presque par hasard. Je passais au studio qu'on a monté il y a quelques années avec des amis et quand je suis arrivé, un pote m'a fait écouter ce titre qui venait de sortir. J'ai tout de suite kiffé et je savais que ça allait être un hit. Et mon pote me dit que Tarrus et Konshens avaient tout mis sur internet : les a capellas et le riddim en version séparées. Du coup, je vais direct en cabine et je commence à improviser des trucs sur le riddim jusqu'à ce que mon pote me suggère de faire une ganja tune en reprenant la mélodie. J'ai écris les paroles en une heure et on a enregistré dans la foulée. Le lendemain, on a tourné un clip très simple et en 3 ans on a fait des millions de vues. On a aussi fait un remix récemment avec Kalash, Nemir, Kenyon et 3010. Je suis vraiment content de ce remix, parce que ce n'est pas toujours évident de remixer un tune qui a bien marché. Mais Cisko a fait un super boulot sur le riddim. Super énergie !



Un de nos morceaux préférés de l'album est « Je M'En Fous » qui met en avant ton parcours et le fait que tu n'aies jamais baissé les bras dans la musique...
Ce morceau est venu très naturellement. Avant de recevoir le riddim, je n'avais même pas pensé à la thématique du titre. Mais j'avais demandé à TnT de me faire un riddim ska car j'avais envie d'un track entraînant et joyeux. Et quand j'ai entendu l'instru, je ne sais pas pourquoi, mais l'idée de raconter mon parcours musical est venue assez rapidement. Après, je dois avouer que c'est un peu caricatural. Je raconte surtout des expériences frustrantes alors que je n'ai pas reçu que des ondes négatives quand j'ai commencé à faire de la musique. Mes parents ne m'ont jamais interdit de faire de la musique, même s'ils ne m'ont jamais encouragé à tout plaquer pour ça non plus. Ce titre c'est une manière de dire aux gens de s'accrocher un peu à leurs rêves, que ce soit la musique ou autre chose. C'est bon d'avoir des passions dans la vie. Et qu'on les amène à un niveau professionnel ou pas, c'est important d'avoir des choses qui nous font vibrer, des espaces de liberté pour contrer les difficultés du quotidien et continuer à vivre de façon équilibrée et plaisante.

On voit que tu es très actif et très suivi sur les réseaux sociaux. Comment ces nouvelles technologies ont-elle fait évolué ton statut d'artiste ?
Les réseaux sociaux sont une chance parce qu'on s'adresse directement au public. Il n'y a pas de censure possible ou de changement de discours effectué par telle ou telle personne. En plus de ça, le public peut nous faire des retours rapides et surtout on a une visibilité énorme, une visibilité mondiale même. Ça c'est génial car c'est ce qui manquait aux artistes indépendants ou underground et c'est pour ça qu'on avait beaucoup besoin des majors. Après, je dois avouer que j'adore pas particulièrement parler de moi et de mon travail sur Facebook ou autres. J'ai compris qu'il fallait le faire et parfois ça s'amuse. Mais surtout, je vois que ça plaît aux gens de pouvoir dialoguer en direct avec moi donc j'essaye de répondre un maximum aux messages d'encouragement...

Retrouvez Taïro en concerts cet automne, avec notamment une date à ne pas rater le 23 novembre à l'Olympia (Paris).

Par Propos recueillis par Sacha Grondeau et LN; photos DR
Commentaires (3)
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Par Moi le 06/09/2013 à 08:13
Continues, tu es un véritable artiste avec une voix sublime des textes extra et une énergie de fou! Merci de rendre nos vies meilleures!
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Par dave59 le 06/09/2013 à 14:28
Tu es un artiste complet et je partage tes idees . Je t'ecoute tout les jours j'adore ce que tu fais , Je te souhaite plein de bonne chose dans ta carriere Tu dechire big up Taiiro !
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Par franckOC le 24/11/2013 à 06:35
une voix exceptionnel, surtout en live, concert à l'olympia terrible avec des artiste venu spécialement pour les duo, un reggae sun ska ultime, bref à voir en LIVE...

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