Sun Ska 2013: bilan avec Fred Lachaize
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Sun Ska 2013: bilan avec Fred Lachaize

Comme chaque année, on fait le bilan, à froid, sur la dernière édition du Reggae Sun Ska avec Fred Lachaize, directeur et programmateur du plus gros festival de reggae en France. Inutile de vous dire que cette année, compte tenu des évènements hors du commun qu'a connus le festival, de nombreux sujets de discussion s'imposaient !



Reggae.fr: Quel est ton bilan personnel de l'édition 2013 qui fut quelque peu mouvementée à cause de la météo et de l'annulation du premier jour ?
Fred Lachaize: Depuis le départ, je dis à tout le monde qu'il n'y a qu'un pas entre le rock'n roll et le reggae (rires). C'était vraiment rock'n roll cette année ! Le bilan est partagé dans le sens où on a vécu deux épreuves très difficiles pour un festival. D'abord la tornade une semaine avant l'évènement qui nous a couché 60% des arbres du terrain, 2,5km de barrières, des bungalows, 50 chapiteaux... Et ensuite l'annulation du premier jour par le préfet qui s'est déplacé en personne suite à une alerte météo. Tout le monde avait peur que ça recommence comme la semaine précédente donc c''était logique que l'annulation tombe. Cela faisait deux situations de crise à gérer pour un même festival. Je pense que c'est une première dans l'histoire des festivals en France. Malgré tout, je tiens à souligner la solidité de nos équipes et de nos prestataires qui ont fait un boulot de dingue pour qu'on puisse ouvrir samedi et dimanche. Et heureusement, ces deux journées se sont super bien passées. Mais, on ne peut s'empêcher d'être frustrés car il nous manque une journée. On a compté 50 000 entrées payantes sur le samedi et dimanche. Sans l'annulation du vendredi nous serions retombés sensiblement sur les même chiffres que l'an dernier.



Est-ce que ces évènements pourraient compromettre une future édition ?
Actuellement, on a des incertitudes. On a énormément de dossiers d'assurances à traiter. C'est très lourd et ça prend beaucoup de temps car il y a des sommes colossales en jeu. Pour l'instant, il y a encore plein de dossiers qui ne sont pas réglés. Et il faut ajouter à ça le manque à gagner dû à cette annulation. Toutes les recettes annexes type bar et merchandising sont nulles pour le premier jour et la billetterie des deux jours suivant a souffert de cette annulation puisque la préfecture a communiqué sur l'annulation pure et simple du festival. L'information était relayée à la radio, sur Bison Futé et dans les gares du coin, ce qui a freiné pas mal de gens qui pensaient venir samedi et dimanche. Donc c'est clair que cette édition 2013 engendre des difficultés financières qui nous plongent dans le doute pour les années à venir.



Cette année, vous aviez fait beaucoup d'efforts par rapport à l'accueil des festivaliers qui était souvent critiqué les années précédentes. Comment cela a-t-il été perçu par le public ?
Ça n'a pas été facile. Même si on a eu moins de plaintes que les années précédentes, il y avait encore pas mal de problèmes dus notamment aux intempéries. Comme je vous l'ai dit, on a perdu 2,5km de barrières avant le festival. On avait 4 jours pour les remplacer. Mission quasi-impossible. La preuve, on a réussi à en trouver seulement 1,7km. Donc il a fallu repenser l'installation du site en fonction de ça. Le camping qui était censé être ombragé s'est retrouvé amputé de la moitié de ses arbres. Au niveau des sanitaires, cette année on avait installé des structures plus adaptées. Mais le jour de l'annulation, beaucoup de festivaliers qui avaient refusé d'évacuer le site se sont réfugiés dans les douches et les toilettes pour s'abriter de la pluie pendant les quelques minutes seulement où elle est finalement tombée. Donc il y a eu des dégâts conséquents. Et tout ça a généré d'autres problèmes comme un effet boule de neige. Par contre, on a eu d'excellents résultats sur le traitement des déchets et le tri sélectif. On a désormais une équipe qui travaille à l'année sur ce sujet et ça a porté ses fruits. Cette année 24 tonnes ont pu être triées, le double de l'an dernier.



En espérant que tout se passe bien et que le festival ait lieu l'année prochaine, comptes-tu rester sur le même site ?
Oui, mais sans doute pas dans la même configuration. On va certainement faire des journées plus courtes. En fait, officiellement, le festival dure 3 jours, mais on ouvre déjà le camping la veille et cette année, Mungo's Hi-Fi était déjà en place le jeudi. Donc on envisage d’officialiser 4 jours de festival mais avec une organisation différente qui engendrerait une affluence journalière un peu moins conséquente. Il y a des études qui sont menées en ce moment pour encore améliorer l'accueil du public et assurer un confort certain tout en restant viable.



Cette année, des membres du gouvernement jamaïcain étaient présents. Cela montre que vous essayez d'établir des liens étroits avec la Jamaïque...
Tout à fait. Il y avait des ministres et des membres de JAMPRO qui est l'équivalent de notre Chambre du Commerce. Cela montre qu'un événement comme le Reggae Sun Ska a une importance dans l'économie jamaïcaine. Il y a clairement une économie liée au reggae aujourd'hui et la France est un des premiers pays dans ce domaine. La Jamaïque a tendance à communiquer sur ces plages paradisiaques et ses hôtels all inclusive dont les Américains sont friands, alors que le reggae est l'une de ses plus grandes richesses et qu'elle pourrait en tirer profit bien plus que ça. Ils commencent à le comprendre et ils ont une vraie volonté de développer un axe touristique autour du reggae. Et à ce sujet, le savoir-faire du Sun Ska les intéresse énormément.



Peut-on imaginer une exportation du Reggae Sun Ska en Jamaïque ?
On peut imaginer un événement labellisé « Sun Ska » en Jamaïque. Il y a des discussions là-dessus en ce moment. Je pense qu'on impliquera les plus gros organisateurs de festival reggae européens de toute façon. Le Sun Ska est une des plus grosses vitrines de la musique jamaïcaine en Europe, au même titre que le Rototom, le Summerjam ou le Garance. Donc, on réfléchit actuellement à une forme qui serait cohérente pour un festival en Jamaïque. Mais ça reste un projet pour le moment.



Quel est les implications concrètes d'un tel événement ?
On constate que les façons de fonctionner dans la musique sont différentes d'un pays à l'autre. Le matériel, les habitudes de travail, les normes de sécurité... Tout ça varie. Je travaille sur ce dossier avec mon directeur technique afin d'habituer les artistes et techniciens jamaïcains aux normes européennes. Comme ça, quand ils arrivent en Europe, ils sont déjà familiariser avec nos méthodes de travail. On pense aussi beaucoup à la formation en termes de communication car il y a des réseaux qui ne sont pas du tout maîtrisés en Jamaïque. L'intérêt concret c'est de former les professionnels de la musique en Jamaïque et de mutualiser les projets avec les principaux acteurs européens.



Même si tu n'as sûrement pas eu le temps de voir grand chose pendant ce festival, gardes-en tu un souvenir particulier ?
Je me souviens des ministres jamaïcains scotchés par la prestation de Ska-P. Ils se sont même fait prendre en photo avec eux, c'était assez hallucinant. Je retiens aussi le final avec Sinsemilia qui invite Dub Inc sur scène. Ça montre que les grands frères et les petits frères sont toujours unis, même quand les petits ont dépassé les grands. Je crois que les différentes apparitions surprises de Naâman ont bien plu au public aussi. On l'a vu à peu près sur toutes les scènes, même avec les Mungo's Hi-Fi. Et puis je garde le souvenir de très beaux concerts de Vanupié, Steel Pulse et Ky-Mani Marley.



Il y a eu pas mal de découvertes encore une fois cette année...
C'est important pour nous de programmer des jeunes. On a envie qu'ils montent sur une grande scène, qu'ils côtoient des grands artistes jamaïcains, qu'ils voient les backstages d'un grand festival, qu'ils se confrontent aux médias et au public... Le Sun Ska c'est ça aussi.



L'année dernière, en faisant le bilan du Sun Ska 2012, on constatait que le reggae avait un énorme succès populaire dans les festivals sans pour autant atteindre les médias grand public. La situation a-t-elle évoluée selon toi ?
Pas vraiment. J'ai l'impression que c'est encore pire car cette année, on a fortement baissé en termes de mécénat... Donc ça prouve que le reggae souffre de plus en plus d'une mauvaise image due à des clichés qui perdurent. Cette année, il y a eu Major Lazer qui a explosé sur les radios généralistes, mais c'est plus associé à de la musique électro. Et d'ailleurs, les médias généralistes ont bien identifié Major Lazer, mais personne n'a remarqué que celui qui chante le hit c'est Busy Signal, qu'il est Jamaïcian et qu'il était programmé au Sun Ska – même s'il n'a pas joué à cause de l'annulation. J'ai l'impression qu'il faudrait qu'on programme Damian Marley chaque année pour que les gros médias viennent nous voir (rires).

Par LN; Photos:©On The Roots et ©Carole Moreau
Commentaires (3)
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Par elo le 08/10/2013 à 17:29
JE REVIENDRAI L ANNEE PROCHAINE CA C EST SUR! PI C EST FACILE DE CRITIQUER L ORGANISATION mais ca sert a rien surtout! je vous envoi des bisous de courage
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Par Stelle le 08/10/2013 à 19:01
Une ambiance folie cette année ! Une expérience unique, ravie d'avoir pu participé au Sun ska en tant que bénévole, car malgré les galères parfois tout le monde a bien bosser pour rendre ce féstival magique !
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Par une doyenne le 09/10/2013 à 05:34
Même si tout ne peut être parfait, la réalisation du festival est aussi la vitrine du savoir-faire médocain en évènementiel. Autrefois il n'y avait que le marathon, maintenant il y a en plus le Reggae Sun Ska. Rien que pour ça bravo...et que vive le festival

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