Benjamin Rutabana 'Amnesia'
chronique Reggae africain 0

Benjamin Rutabana 'Amnesia'

"Du 6 avril au 4 juillet 1994, quelque 800 000 Rwandais (selon le décompte de l'ONU), pour la plupart tutsis, ont péri, dans ce qui fut sans doute l'un des plus rapides génocides de l'histoire humaine, et le plus ample en nombre de morts par jour". C'est ainsi que commence la préface écrite par Jean-François Bouthors du livre de Benjamin Rutabana intitulé "De l'enfer à l'enfer, du Hutu Power à la dictature de Kagame". En ce jour de commémoration de ce génocide dont seuls peu d'entre nous (chanceux que nous sommes) sont capables d'imaginer et de comprendre le traumatisme qu'il a causé aux rescapés et au pays, découvrons l'histoire de Benjamin Rutabana, aussi appelé Benja Rutabana. Une partie de sa famille a péri dans le génocide et il a été enfermé 6 mois dans les prisons du pouvoir hutu (car considéré comme un ennemi de l'intérieur en tant que tutsi) avant de combattre ce dernier au sein du Front Patriotique Rwandais de Paul Kagame (sans illusions sur ses méthodes répréhensibles) lequel une fois au pouvoir, a instauré une dictature que Benja n'a pas hésité à dénoncer. Vous comprenez ainsi le titre de son livre "De l'enfer à l'enfer" qu'il a écrit pour son fils… Et parce qu'on est aussi là pour parler reggae music, vous vous doutez peut-être que Benja Rutabana est musicien avant tout. Il sort ses premiers albums en 1990 ("Africa" et "Premier octobre 1990") et certaines de ses chansons deviendront de véritables hymnes dans les rangs du FPR. Vingt plus tard, exilé, il sort en plus de son livre déjà présent en librairie, un album intitulé "Amnesia" chez NDH Music (sortie de l'album le 28 avril). Authentiques hymnes humanistes, appelant à la liberté et à la paix, les chansons de l'artistes résonnent d'autant plus fort quand on s'intéresse à son histoire, et l'album en devient même une grosse claque… Sur un fond de musique inspirée de la région des Grands Lacs mais aussi de reggae roots africain de belle qualité, Benja compte le sort des enfants soldats sur un troublant "Bleeding", rappelle l'origine du mot Nyabinghi dans le magnifique morceau "Nyabingi Story", dédie un morceau à sa mère assassinée pendant le génocide ("Mama") et s'adresse même aux dirigeants du Rwanda sur "Baguteze Amaso". Chantant en kinyarwanda (langue locale dérivée du bantou), en français ou en anglais, il déploie aussi une grande spiritualité ("Isengesho (The Prayer)" et "Amateka") et nous confie ainsi une leçon d'espoir… C'est ici la plus belle faculté de l'humanité qu'illustre Benja Rutabana avec brio, continuer à espérer, à chanter sur une musique aussi positive que le reggae, malgré des expériences innommables…
C'est d'ailleurs peut-être ça la force du reggae…
Nous finirons simplement par une citation de Benja, extraite de la traduction de son morceau "Kamchreggae": "Quand la terre va brûler, le ciel plié comme une feuille, le soleil et les étoiles vont sombrer, seuls vont continuer à briller: L'amour et le Kamchreggae. Après la pluie c'est le bon temps, il faut danser".




Benjamin Rutabana se produira au New Morning à Paris le 29 avril.

Par LN
Commentaires (0)

Les dernières actus Reggae africain