Parmi la multitude des albums reggae, dancehall et dub qui sortent chaque mois dans le monde, il y en a malheureusement certains qui réussissent à échapper à l'attention des mélomanes que nous sommes. Et quand en plus de ça, l'artiste ne parvient pas à capter le public français et européen, il devient encore plus difficile pour lui de sortir du lot. C'est pourquoi cet opus de Bugle a bien failli nous passer sous le nez, mais les nombreux singles de qualité sortis par le Jamaïcain nous ont poussés à jeter une oreille à son album. Et on a bien fait !
« Anointed » se positionne incontestablement comme l'une des plus belles réussites de l'année. Il se dégage une vraie ambiance tout au long des 16 titres qui le composent. Difficile de rester insensible à la voix chaude et suave de Bugle, tantôt pure tantôt abîmée, tantôt chantée tantôt toastée, mais toujours saisissante et juste. Ceux qui tendront bien l'oreille auront même tout le loisir d'apprécier les sublimes harmonies posées par l'artiste, montrant ainsi sa polyvalence à toute épreuve. Si les riddims peuvent laisser perplexe, Bugle prend un malin plaisir à les magnifier avec son phrasé unique et son patois yardie tellement mélodique. Les deux premiers titres « Reflection » et « Anointed » donnent le ton avec leur rythme lent et l'atmosphère à la fois tendue et attirante qui en émane.
Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier la musique de Bugle, et à chaque fois, on s’aperçoit que la contradiction est au rendez-vous, à l'image du titre « Tears Of Joy » qui illustre à merveille l'état d'esprit dans lequel nous plonge le singjay, où tristesse et joie se mêlent sans complexe. Comment résister à l'énorme « Y R U » ? Un reggae one drop – quasiment le seul de l'album – à la musicalité ingénieuse et aux paroles carrément philosophiques (« Today is a tomorrow that you worried about yesterday »). Un appel à la décontraction en somme.
Autre perle de l'album : le sublimissime (n'ayons pas peur des mots !) « Carried Away » avec son rythme nyabinghi accentué par des synthés planants et des harmonies angéliques. On fond littéralement !
Quelques invités prestigieux viennent embellir le tout, comme Julian Marley sur « Move Dem » ou Lady Saw sur le plus léger et peut-être trop tape-à-l'œil « Infidelity ». Mais la surprise vient du superbe quatuor formé avec Popcaan, Alaine et Tarrus Riley sur un riddim acoustique inventif. I-Octane vient également confondre sa voix avec celle de Bugle sur le non moins excellent « Pain & Suffering ». La liste des big tunes est encore longue et l'on ne peut que remercier Bugle d'avoir emmené la musique sur ce chemin. Car c'est de ça dont on a besoin, des artistes qui prennent des risques, tentent des choses, s'aventurent vers de nouveaux terrains... Bref des artistes créatifs. Et Bugle en est définitivement. Coup de cœur incontesté de la rédaction !
Tracklist:
1. Reflection
2. Anointed
3. No Obligation
4. I Don’t Worry
5. Tears of Joy
6. Zion
7. Y R U
8. Move Dem feat. Julian Marley
9. Nuh Compatible
10. Infidelity feat. Lady Saw
11. Great Day
12. Carried Away
13. Pain & Suffering feat. I-Octane
14. False Prophets
15. Only Human feat. Alaine, Popcaan & Tarrus Riley
16. Jah Be With You
concert Roots 4
