Sun Ska 2014: bilan avec Fred Lachaize
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Sun Ska 2014: bilan avec Fred Lachaize


La 17ème édition du Reggae Sun Ska qui se déroulait en août dernier connaissait beaucoup de nouveautés : nouveau site, nouvelle configuration, plus d'espace et 6 scènes en tout. Le recul est maintenant suffisant pour dresser le bilan de cette édition, avec Fred Lachaize, directeur et programmateur du Reggae Sun Ska,  le plus gros festival français dédié au reggae.

Reggae.fr : Quel est le bilan de cette édition 2014 du Sun Ska, qui se déroulait sur 4 jours, sur un nouveau site et qui a connu une baisse d’affluence ?


Fred Lachaize : Au niveau des professionnels, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas eu de tels retours positifs, ce qui est plutôt une bonne chose ! On a optimisé la qualité d’accueil des festivaliers, ce qui était notre objectif premier, et malgré le déménagement dans un environnement urbain, le public a quand même pu se rendre compte qu’il s’agissait d’un endroit vert et aéré, c’est positif aussi. Le nouveau site est en plus extrêmement accessible pour les artistes en tournée. Ceux qui viennent par la route n’ont plus besoin de passer par la route du Médoc qui était régulièrement bouchée et occasionnait facilement jusqu’à 2 heures de bouchons désagréables pour les artistes. De même, les artistes qui viennent en avion ont tout à 10 minutes, hôtel et site. C’est un plus considérable. Quant aux nouveaux partenaires, qui avaient évidemment des inquiétudes, ils sont pleinement rassurés.
Ce qui reste quand même compliqué, c’est effectivement qu’on a eu moins de public que les autres années, pour plusieurs raisons. Premièrement, la manifestation a été annoncée avec 3 mois de retard, ce qui implique un lancement de la billetterie et une annonce de la programmation tardifs. Ensuite, le changement de lieu. Un festival qui change d’endroit et perd du public, c’est fréquent. Et plus généralement, une baisse de fréquentation de la région dans la Côte Atlantique. Le contexte est assez morose. Tous les festivals du Grand Sud-Ouest ont subi des contraintes climatiques et des annulations. L'accumulation de tout ça explique la baisse d'affluence.



Les médocains sont-ils venus ? 
C’est dur à dire, je pense bien évidemment qu'il y en a qui sont venus, comme d’autres ont dû se sentir un peu plus éloignés de la manifestation. On n’a pas fait d’étude du public comme les autres années, par manque de temps.  Je pense que la baisse d’affluence est liée à divers éléments combinés, dont tous ceux que j’ai cités avant : certains médocains ne sont pas venus, d’autres personnes n’étaient pas contentes d’avoir eu leur billet de l’année dernière remboursé avec 6 mois de retard – le remboursement n’a eu lieu qu’en février, ce n’est pas de notre volonté mais lié à l’assurance -, d’autres encore se sont dit « le Sun Ska part à Bordeaux, c’est Babylone » … 



Qui sont les nouveaux partenaires auxquels tu fais référence ? 
La communauté urbaine, le site s’étend sur quatre villes donc il y a quatre villes concernées, et les 2 universités de Bordeaux. Le bilan est très positif, tout le monde est enchanté. Du coup, là nous sommes sur un vrai travail de fond qui durera tout au long de l’année,  ce qui aura manqué à cette édition. On est sur un domaine universitaire, et cette année on a eu les clés du lieu tellement tard qu’on n’a pas eu le temps de travailler avec les étudiants, c’est dommage.



En quoi va consister ce travail ?


La réflexion est en cours, on doit se réunir avec des professeurs et les instances dirigeantes des universités pour réfléchir à un travail main dans la main avec les étudiants et associations étudiantes. L’idée est que chacun essaye de prendre part au projet du festival afin qu’il s’insère au mieux sur le campus. Et bien entendu, la cible principale reste les étudiants, vu que la moyenne d’âge de fréquentation du festival se situe autour de 23 ans.

 

Tu parlais de l’amélioration de la qualité d’accueil des festivaliers, tu peux nous en dire plus ? 
Au niveau du camping, il y a plus de gazon, et surtout plus de sanitaires et beaucoup plus de douches. Mais l’accueil des festivaliers de manière générale a aussi été amélioré avec des espaces ludiques, et  l’accessibilité du site du festival est beaucoup mieux gérée qu’avant. Les parkings sont très proches et éclairés, plus besoin de marcher 6 kilomètres ou faire la chenille dans le noir comme l’année dernière pour accéder au site (rires) ! C’était un des problèmes principaux de l’ancien site, c’est vrai : devoir marcher 6 kilomètres depuis les parkings … Il y avait des navettes qui étaient ce qu’elles étaient, mais à cause de l’incivilité de certains festivaliers ou de personnes extérieures, il est arrivé que leur service soit interrompu.



Et au niveau du site du festival, il y avait plus de scènes cette année…   

Oui, ça nous a permis de faire une très belle programmation et de présenter des découvertes. Pas sûr cependant que ce soit la meilleure des options, on verra… On travaille sur le projet 2015 et on n’a pas encore déterminé pleinement ce qu’on allait faire,   on ne sait pas encore si on va garder le même concept au niveau des scènes, pareil pour la quatrième journée, ni si on va garder un espace aussi grand.



Le Reggae Sun Ska 2014 a donc réuni 50 000 personnes. C’est aussi un festival éco-responsable, les objectifs ont-ils été atteints ?

L’impact sur l’environnement a clairement été réduit puisque il y avait beaucoup moins de véhicules, du fait que le site est beaucoup plus facilement accessible en transports. Plus de 20% des festivaliers ont utilisé les tramways mis à disposition par la CUB, donc autant de monde qui n'a pas pris sa voiture ! 20 000 trajets en tramway ont ainsi été comptabilisés sur les 4 jours du festival. De plus le tri et ramassage des déchets se sont plus que bien déroulés puisque le tout était terminé 3 jours après la fin du festival. En temps normal nous avions besoin de près d'une semaine. 150 bénévoles ont en effet mis la main à la patte pour un renfort plus que conséquent. 1/3 des déchets ont pu être recyclés (50% de plus qu'en 2013 et 300% de plus qu'en 2012!). A noter bien sur le travail en lien avec les associations locales et étudiantes qui nous a permis de gérer ça au mieux sur un site que nous découvrions mais qu'eux maîtrisaient totalement, comme on dit chez nous "l'union fait la force" !


Le vendredi 1er août dernier, soit au lendemain de la première soirée du Sun Ska 2014, le quotidien Sud-Ouest titrait au sujet des arrestations au Sun Ska.  L’environnement urbain occasionne-t-il plus de contrôles ? 
Quels sont les festivals où l'on n’est pas contrôlé ? Tous les gros festivals sont contrôlés, on n’y peut rien, on n’est pas les seuls et on ne l'est pas plus que les autres. C’est le cas de tous les festivals en France. 


 
Tu as choisi de programmer le plateau « Génération H » … 
Le Sun Ska n’est pas là pour faire de l’apologie de quoi que ce soit, loin de là… Faire un plateau Génération H, c’était cohérent avec l’actualité musicale du milieu reggae en 2014, c’était logique. 



L’accent sur les artistes locaux reste important. Quelles découvertes locales et nationales retiens-tu ?
Oui, c’est l’avantage d’avoir eu la scène Soulbeats cette année. On a mis en avant la scène locale et nationale. L'évènement doit servir à promouvoir les talents de demain, ça fait partie de l’apprentissage du métier pour un artiste ou un groupe et on se doit d’être à l’écoute et de servir de tremplin. Cette année on a pu le faire et on a vraiment pu faire jouer beaucoup de découvertes.  Alam et The Rockin Preachers ont été de bonnes surprises. Jr Yellam a eu aussi un super retour. La scène est riche en ce moment, il y a beaucoup de chanteurs français actifs. Le plateau Génération H était la aussi pour mettre en avant tout ça parce qu’il est difficile de répondre favorablement à tous les artistes de cette scène française. On a envie qu’untel soit là, mais pourquoi lui et pas l’autre ? On est dans une période très active avec beaucoup de monde sur la scène, avec une structuration nouvelle de ces jeunes chanteurs qui tournent en sound ou en live, et qui vont vite. Faire un choix devient extrêmement compliqué, surtout en programmant des mois à l’avance. C’était donc l’occasion de donner la possibilité à une douzaine d’artistes de jouer avec des conditions de scènes excellentes, un public, et aussi de profiter de l’espace pro. Il y avait 240 journalistes présents, et en phase de lancement de carrière, un artiste à intérêt à s’en servir. J’espère qu’ils entendront bien ce message, car s’ils n’ont pas mis le pied à l’espace presse, c’est dommage pour eux !



Chaque année, à l'occasion de ce bilan, nous te demandons ton opinion sur le manque de visibilité du reggae tout au long de l’année au niveau des gros médias nationaux ? Vois-tu une évolution en tant que dirigeant d’une structure qui organise des spectacles et d’un label de disques ?
Il y a encore du travail, je ne pense pas que le reggae devienne « mainstream » du jour au lendemain, loin de là. Et je ne crois pas que ce soit la volonté du reggae. Je crois que justement, la force de cette musique est d’être et de rester underground et de fédérer. On se rend compte finalement que dans les artistes qui passent « mainstream », peu sont ceux à avoir réussi à garder le contrôle des choses et à rester sur ces réseaux. Il y en a qui l’ont très bien fait, comme Sinsemilia, qui ont réussi à jouer avec ça, ils sont toujours là et vont revenir. Il y en a d’autres qui l’ont beaucoup plus mal vécu et dont on entend plus parler, comme NZH qui ont fait des tubes et puis plus rien. 



Et que penses-tu du contraste entre ce manque de visibilité et l’impact du reggae, qui réussit à réunir 50 000 personnes sur un évènement comme le Reggae Sun Ska ?

C’est valable pour tout l’underground, par exemple pour le métal aussi. Le plaisir est d’arriver à démarginaliser cette musique et tout ce qui va avec : les clichés. Ça fait 18 ans que le Sun Ska existe, et 18 ans de ma vie que je passe à casser des clichés, c’est quand même hallucinant. On fait ça pour la musique, par conviction, parce qu’on croit à tout ça, mais à un moment les clichés, ça suffit. 



Quels sont tes souvenirs marquants de cette édition 2014 ? 

Madness, c’est perso, c’est ma culture (rires) ! Après, j’étais extrêmement content d’accueillir Chronixx, qui fait partie de mes gros coups de cœur. Le featuring avec Protoje et Jesse Royal était mémorable, ce sont les artistes de demain !  Les deux groupes du moment m’ont aussi marqué : les jamaïcains Raging Fyah, le show était mortel, de la bombe ! Et The Skints ont mis une claque. On est toujours content de voir un bon show de Bunny Wailer, surtout qu’il était en forme, ou de Beenie Man qui envoie du lourd, mais il y a aussi des nouveautés qui ressortent et Raging Fyah et The Skints ont fait l’unanimité.  Un des grands moments du Sun Ska aussi a été le concert de Naâman, qui fait partie des artistes avec qui le Sun Ska est étroitement lié. Il y a deux ans, Naâman faisait la tournée des plages. Le travail de « repérage » qu’on peut faire avec la programmation du festival fait qu’il se passe des choses, et certains artistes qu’on chapeaute ou avec qui on travaille depuis longtemps peuvent aller loin. Naâman, c’est une très belle réussite de l’année 2014. Ça montre que c’est possible, ça donne de l’espoir. 



Quelles sont les actualités à venir ?
Le nouvel album de Groundation sort en ce moment-même, il y aura une belle tournée à la fin de l’année et ils reviendront en 2015. En parallèle, Soulbeats sort le nouvel album de Black Roots. Il y a un gros travail de fond qui s’installe, on prépare le grand retour de Sinsemilia pour 2015, on travaille aussi sur Raging Fyah et pas mal d’autres projets.

Par LN ; Photos:©On The Roots et ©Carole Moreau
Commentaires (1)
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Par adriensanchezinfante le 23/10/2014 à 19:39
Super itw ! Un bilan objectif et de bonnes perspectives futures! Vive le Reggae dans le Sud Ouest boosté par de bonnes initiatives comme celle de MA Prod etc... Big Up

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