Irie Ites Sound and Label - Interview
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Irie Ites Sound and Label - Interview

Créé en 1999, le sound manceau Irie Ites a su traverser les années en multipliant ses activités. Ces activistes immodérés sont à l'honneur ce week-end puisque se déroule au Mans leur annuel Spring Reggae Fest. L'occasion était la bonne pour s'entretenir avec le crew afin de faire le point sur le sound, leur label, leur vision de la cutlure sound system, leur évolution au fil du temps, leurs ambitions et leurs projets.

Entretien avec Jerome et Jericho, répondant à l'unisson à nos questions :

Reggae.fr  : Vous venez de gagner la Victoire du Reggae du meilleur sound pour la deuxième année consécutive. Une réaction  ?
Irie Ites  :On remercie bien entendu toutes les personnes qui ont voté pour nous. On n'a jamais vraiment couru après cela mais cela fait toujours plaisir de voir son travail récompensé d'une manière. Cela étant, depuis le début, on n'a jamais vraiment été fan de ce concept de numéro 1... Selon nous il n'y a pas vraiment de sound qui fasse l'unanimité en France, pas même Irie Ites. Par contre, qui joue régulièrement, qui est réellement actif au jour le jour depuis des années, les massives ou les différents acteurs sont capables de le déterminer.

Parmi les sujets d'actu pour le sound, on peut aussi parler du Spring Reggae Fest qui aura lieu ce samedi 14 mars. Pouvez-vous nous parler de ce festival, de l'édition et de la prog' à venir. Qu'en attendez-vous  ?
C'est la 9ème édition de ce festival qui est devenu l'un des événements majeurs dans notre ville. Depuis 4 ans nous faisons complet (900 personnes). Ce sera le cas encore cette année.
On a invité cette année Soom T, General Levy, King Kong, Brother Culture, notre terroir local Keefaz et Missié Bamboo vainqueur du Far West Reggae Contest 2014. Yellam viendra également présenter 2 titres de son prochain album  ; peut-être quelques surprises en plus...
Cette volonté d'implanter dans notre ville une soirée annuelle dédiée au sound system, avec sept/huit artistes sur scène qui s'enchainent, a toujours été l'une de nos priorités.
On a commencé avec les 2 éditions du Jamaican Bashment (2004 et 2006) et ensuite le Spring a pris le relais avec un autre concept, toujours tourné vers la culture sound system.
En dehors de cet événement, on est en train de travailler sur une éventuelle collaboration avec les 24H du Mans 2015, la plus grosse course automobile au monde  qui ramène 250 000 personnes tous les ans, dont un paquet d'étrangers. C'était l'un de nos objectifs depuis plusieurs années.
Pour finir, nous sommes en charge de la programmation d'un nouveau festival qui s'est implanté dans notre département l'an dernier. Nous avions la volonté de mettre en place un tel événement en plein air. C’est chose faite en s’associant à une structure locale  : MaineCulture Show (Big Up Stella, Jules, Marc...). Ce festival s'appelle le «  Reggae Summer Lude  » et aura lieu le 15 août 2015.
En dehors de ces événements ponctuels dans l'année, nous avons eu une résidence durant 8 ans au Mans (Bar'Ouf) qui a pris fin en 2014. Depuis le mois dernier, nous entamons une nouvelle résidence dans un nouveau lieu (L'entre'acte), tous les premiers jeudi de chaque mois avec le crew Green & Fresh (collectif de Yellam). Cette résidence dans notre ville a toujours été un point important que l'on souhaitait développer afin de répondre également à la demande du public local.



Irie Ites c'est un sound, mais vous avez donc beaucoup d'autres activités. Pouvez-vous toutes les présenter  ?
Dans l'ordre de développement après le sound et l'organisation d'évènements qui étaient nos deux premières activités quand on a créé Irie Ites en 1999, nous nous sommes tournés naturellement vers la production d'artistes en montant notre propre label en 2001/2002  : Irie Ites Records.
Ensuite, nous avons décidé de travailler la partie distribution afin de vendre nos vinyles en se constituant un réseau dès 2003/2004 et en ouvrant notre site internet en 2006 (www.irieites.net).
En 2007, nous avons voulu monter notre propre studio d'enregistrement, puis de mixage en 2014.
Dans l'espace temps que l'on vient d'évoquer, Jérôme a développé la promotion et communication au sein de notre société, tant dans le milieu reggae que dans d'autres styles musicaux en réalisant des prestations de street marketing pour les salles de spectacle et les producteurs de concerts au Mans mais aussi en réalisant des actions de web marketing, promotion pour des artistes et labels reggae français ou étrangers souhaitant avoir une meilleure exposition de leurs activités ou sorties de disques.
Depuis 2014, nous avons décidé de revenir à l'une des premières activités que Jérôme a mené pour Irie Ites en 2003/2004  : le booking.

En quoi est-ce important pour un sound de multiplier les activités  ?
On l'a fait pour plusieurs raisons.
A travers cette passion, on a toujours eu envie d'apprendre de nouvelles choses et développer de nouvelles activités. C'est la raison majeure. Au-delà de cette réflexion, la réalité du monde de la musique t'oblige, si tu veux en faire ton métier, à avoir plusieurs domaines de compétences et de les pousser au maximum.
Enfin, depuis le départ, l'un de nos but à long terme était de contrôler le processus de production de la 1ère étape à la dernière avec le maximum d'indépendance. Ainsi, tu es obligé de toucher à différents domaines de compétences. Soit tu passes par des prestataires, soit tu développes des pôles par toi-même, au fur et à mesure. Nous ne sommes pas loin d'arriver à ce que l'on espérait au départ au niveau de la structuration,  même s'il reste encore du chemin...

Y a-t-il d'autres activités que vous aimeriez développer  ?
Oui il y a plein de choses que l'on aimerait développer mais ce ne sera peut-être pas forcément dans le milieu reggae. On a quelques projets reggae dans les tiroirs liés au numérique sur lesquels nous avions des espoirs, mais nous n'avons pas pu les réaliser faute de moyens. La musique est à un tournant, au tout début d'une nouvelle ère à ce niveau-là. On le sent depuis 2006/2007.

«  Seule une rencontre peut marquer ou changer la formation d'un sound comme le nôtre.  »

En termes de productions, on a l'impression que vous travaillez par périodes. On a senti une période new roots avec des riddims comme le «  Zion  » ou le «  Jamdown  », ensuite il y a eu une période hip hop avec «  Billie Jean  » «  Strange Things Hi-Hop  » ou «  Stop That Sound  »... C'est quoi la vibes du moment  ? Rub a dub  ?
Nous n'avons jamais analysé les choses comme cela mais ce n’est pas faux d'une certaine façon. On a eu les périodes que vous citez mais en intercalant bien souvent avec une série 7'' ou maxi 10'', sur un style différent à chaque fois. Durant la période reggae hip hop, on a sorti des maxis 10'' roots ou UK style.
La vibes du moment est beaucoup rub a dub en studio et dans l'état d'esprit général. C'est notre style préféré  ; les années 80  - Roots Radics, Channel 1 - et on a la chance de pouvoir mixer en ce moment les derniers riddims qu'on a enregistrés en Jamaique avec ce groupe légendaire, en vue de l'album de Yellam. Nos prochaines sorties vinyles seront aussi axées rub a dub avec des riddims Roots Radics pour la plupart, mais également digitales ou dubstep.

Vous produisez beaucoup des recuts d'anciens riddims. Pensez-vous qu'il faille obligatoirement repasser par les riddims de l'époque pour faire de la bonne musique de nos jours  ?
Les deux premières séries 7'' de notre label (Zion et Borderline) sont des riddims originaux et c'était notre souhait de rentrer dans la production par cette porte et non par un recut de classics. Par la suite, sur les albums de Mc Bean et Lorenzo, ce sont beaucoup de riddims originaux également sans compter Only Solution, Wa Do Dem, Pack Up & Leave sortis en 7'', les sorties avec Russ D également, etc.
En fait, la majorité de nos séries 7'' étaient effectivement des recuts mais ce n'est qu'une partie de notre catalogue qui est composé de plus de 300 tracks disponibles  ; sachant qu'il nous en reste au moins 200 sur disque dur. D'où notre envie en ce moment de passer un an à mixer au maximum, pour sortir tous ces tunes. Force est de constater que les recuts sont bien souvent plus porteurs mais ce n'est pas une règle générale, loin de là. Tout un ensemble de producteurs européens ou jamaïcains l'ont démontré ces dernières années. C'est aussi l'un des principes de notre musique  : refaire, en tant que label, sa version de tel ou tel classic ; mais on apprécie également enregistrer des riddims originaux, avec encore plus de satisfaction quand il claque autant qu'un classic. C'est toute la difficulté justement  !!
Le prochain album de Yellam sera basé par exemple à 100% sur des riddims originaux. C'était notre volonté première sur ce projet. Une bonne partie de l'album a été réalisé avec les Roots Radics comme je te disais et les derniers riddims sont réalisés par Style Scott à la batterie. Sur l'album de Perfect, il y aura au moins la moitié de riddims originaux également.
Dernièrement, on a créé une cellule d'enregistrement pour les sessions live riddims, au sein même de notre studio. C'est tout récent. Ceci va permettre de réaliser pas mal de riddims dans les futurs mois, des riddims live pour une bonne majorité, en axant principalement sur des compositions originales. On est à un tournant de ce point de vue là. On continuera à faire des recuts mais on va surtout tendre à enregistrer plus de riddims originaux.



Avec quels beatmakers travaillez-vous pour les riddims originaux  ?
Il y en a eu différents. Il y a tout d'abord eu Mafia & Fluxy avec lesquels on a énormément bossé, ce sont des crèmes. Il y a eu également Roots Radics, Sly & Robbie niveau jamaïcain.
Niveau français, on a collaboré avec des compositeurs du Mans, notamment Judi K ou dernièrement avec West Finga. On a bien entendu pas mal bossé avec Willy William, notre premier MC (Barakuda), sur la partie reggae hip hop ou des riddims dubstep voire des riddims plus grand public.
Depuis peu, comme on vous l'expliquait, on met en place dans notre studio des sessions enregistrements de riddims live avec Green & Fresh, backing band de Yellam, et Calvin «  So So  » Francis l'un des ingénieurs son de Mafia & Fluxy. Le résultat est vraiment intéressant, plus qu'encourageant même.

«  Notre plus gros kiff serait de pouvoir jouer certaines danses 100% roots  »

Quelle est la formation actuelle d'Irie Ites et comment évoluez-vous  ? Recrutez-vous encore des membres au sein du crew  ?
Seule une rencontre peut marquer ou changer la formation d'un sound comme le nôtre. On n'a jamais vraiment ouvert les portes facilement. Le sound system, cela a toujours été à géométrie variable et encore plus depuis que les artistes ne s'identifient plus à un sound comme dans les années 70/80. Malgré tout, on espère rencontrer un jour selectas ou mc qui prendront la relève mais cela doit se faire naturellement avec un certain état d’esprit.
La formation de base aujourd'hui est Jerome et Jericho...U Natty n'est plus impliqué du tout au jour le jour mais reste force d'idées ou d'orientation pour nous quand on a besoin. Ce sont les trois piliers qui ont créé la base d'Irie Ites. A côté de cela, il y a quelques personnes très proches de nous avec lesquels on bosse depuis des années, que l'on considère comme faisant partie d'Irie Ites même si on n’entend pas leurs noms dans les dubs. On pense notamment à Judi K qui mixe nos dubs depuis 16 ans et qui nous a pas mal aidés en studio avant qu'on fasse les prises de voix par nous-même en 2007. C'est quelqu'un d'important dans notre processus, avec un réel travail basé sur la confiance et réalisé sur le long terme. On pense également à Trinity, que l'on considère comme un membre à part entière de notre crew.
Demar, beau-frère de U Natty et basé en Jamaïque, est rentré dans le sound depuis l'été dernier, ainsi que Komagain (en tant que Selecta). Les choses évoluent tranquillement.
Selon nous, c'est ensuite à chacun d'en faire quelque chose et de pousser à son échelle. Seule l'action nous intéresse.... Quoiqu'il arrive, on a toujours estimé qu'un sound, c'est comme un train qui avance  : soit tu montes dedans et tu y vas à fonds  ; soit à un moment donné tu es dépassé par le truc. Il n'y a pas de demi mesure dans ce que l'on fait. C'est impossible. Un paquet s'est essoufflé au fil des années  ; certainement dû à notre degré d'exigence en terme d'investissement.



Pouvez-vous décrire un set d'Irie Ites Sound  ?
Il va du roots, rub a dub au dancehall en passant par du early digital, new roots ou bien encore dubstep. On joue un peu tous les styles parce qu'on aime cela. Mais notre plus gros kiff serait de pouvoir jouer certaines danses 100% roots mais c'est totalement impossible car ce n'est pas ce que le public et la nouvelle génération attendent. Un genre de danse idéale pour nous, serait avec 100, 200 ou 1000 personnes - peu importe - qui sont au taquet en écoutant des putains de tunes roots et rub a dub, des dubplates sur des versions rares récupérées sur les face b des collectors, c'est-à-dire la base la musique jamaïcaine, ce qui justement est en train de se perdre en termes de culture. Le support physique disparaît et sa mine d'informations au passage (nom du label, producteur, année..). Le jour où l'on va perdre l'essence même de cette musique, ce sera terrible et nous sentons que cela peut arriver très vite. Pour finir, dans nos sélections, on peut dire qu'on a tendance à jouer pas mal de dubplates et specials de notre sound ou des tunes de notre label pas encore sorties. On n'a jamais vraiment couru après les news. On joue celles qui nous parlent vraiment et on joue aussi bien sûr des 45T, des hits tunes en juggling.



Quel support utilisez-vous principalement  ?
Cela dépend. Soit CD ou bien un contrôleur, dû à un côté pratique. On a joué en vinyle pendant plus de 12 ans et avons une collection qui nous aide tous les jours dans notre boulot mais ce qui nous a fait définitivement changer de support est principalement dû aux nouvelles prods de notre label et dubplates. On rentre pas mal de dubs tous les mois ou avons de nouveaux tunes produits sur notre label régulièrement aussi. Il devenait impossible de presser en acétate ou vinyle et de pouvoir jouer toutes les semaines ces nouveaux exclusifs. Sans compter l'aspect financier car le pressage coûte très cher. C'est aussi dû au fait que jouer sur deux supports différents en même temps - vinyle pour les 45 et Cd pour les exclusifs - est plus que chiant quand tu joues régulièrement, sans compter la perte de box de collectors vinyles en allant à l'étranger, transfert dans les aéroports...etc...beaucoup de galères.

Cela fait longtemps que vous n'avez pas participé à un clash. Pourquoi  ?
En 2004, on a préféré cesser les clashs afin de se concentrer à 100% sur notre label. Il était impossible d'investir sur les 2 tableaux en même temps. Ce choix, on ne l'a jamais regretté. Cela ne nous a jamais empêché de garder un rythme en terme de dates, booking, etc. La production a toujours plus correspondu à notre mentalité de toute façon.

Que représente la culture clash pour vous  ?
L'un des piliers de la musique jamaïcaine, tant dans les fondations musicales et d'entertainement qu'elle représente, que pour la partie business qui en a découlé pour les artistes. A partir du moment où les artistes ont commencé à enregistrer des dubplates nominatives pour les sounds, ils ont développé un modèle économique unique dans l'industrie internationale  que seuls les jamaïcains ont réussi à créer. Cela a non seulement dynamisé l'île mais cela a surtout été une aide financière considérable pour ses acteurs au fil des décennies.  Cette réflexion est, selon nous, encore plus vrai de nos jours où les ventes vinyles et CD sont devenues quasi inexistantes et où le booking ultra saturé (de par la quantité d'artistes) ne permet pas de faire bouffer tout le monde. Imaginez si les jamaïcains n'avaient pas ce mode de revenu comme dans les autres styles musicaux  ?!!

«  Heureusement que certaines sonos et acteurs de ce milieu comme Legalshot ou Blackboard sont là pour relever le niveau.  »

Quel est votre meilleur souvenir en clash  ? Votre pire souvenir en clash  ?
On n'a pas vraiment de meilleurs ou pires souvenirs. Notre expérience en clash est trop limitée. Nous avons participé dans notre carrière à 3 clashs seulement. En terme de souvenir positif, on peut citer notre victoire contre Soul Stereo en 2003 dans le cadre de la Good Vibes Cup (ndlr : voir notre reportage vidéo sur le clash Soul Stereo / Killamanjaro en 2013 ici). Nous n’avons pas de pire moment, même quand on a perdu le clash contre Nono de Blues Party (ndlr : interview de Blues Party Sound System à lire ici) en 2004, nous avons trouvé ce clash très intéressant et enrichissant. Chaque défaite ou victoire est une nouvelle expérience et non un mauvais souvenir. Par exemple, la défaite contre Blues Party nous a influencés sur le fait de se concentrer sur notre label plutôt que sur la box de dubplates. Cela a été un choix important qui a aussi fait ce que Irie Ites est aujourd'hui. En plus, le clash est vraiment une mentalité à part et il est impossible d'être au top tout le temps. C'est très ingrat et demande à être toujours au fait, dans la course. Pas simple.

Seriez-vous prêt à participer à un clash  aujourd'hui ?
C'est une question qu'on se pose par moment sans nous même avoir véritablement la réponse. Une chose est sûre, ce n'est pas notre leitmotiv même si on adore l'exercice de style et qu'on joue beaucoup de dubs en live. On aime enregistrer et jouer des exclusifs. Autant les jouer. Sincèrement, on n'est pas pressé de participer car on ne reviendra pas dans le clash sans avoir une box qui nous permet de faire ce que l'on a en tête, c'est-à-dire bien représenter notre sound, notre pays. C'est hyper sérieux le niveau demandé aux sounds et c'est à double tranchant. On est un sound juggling depuis nos débuts mais avons toujours kiffé le clash. Plusieurs choses nous arrêtent encore pour le moment dont la profondeur de la box mais pas seulement. On verra en fait. Un tag team avec Legalshot nous tenterait bien car nos 2 boxs peuvent être bien complémentaires et c'est des gens qu'on apprécie. On a déjà évoqué ensemble cette éventualité... un jour qui sait.
Mais pour dire vrai, on rêverait de clashs basés sur la musique et la qualité des mixs, custom lyrics mais pas forcément à base de kill ou insultes. Juste la musique, la rareté du riddim, le custom lyrics... ce genre de choses. Mais ça va intéresser qui, quel public  ? Déjà que le clash attire une faible audience de par son côté élitiste  ?! On pourrait imaginer également des clashs avec des sounds qui ont un label et qui le représentent en live...Il y en a plein en Europe. Jouer des vrais dubs, non nominatifs  !! Des tunes jamais sortis et le public réagit ou non, à l'image de la culture dub UK sur certaines pre-releases.

Dans ce cadre continuez-vous quand même à cutter des dubplates en mode clash  ?
Oui on en fait toujours mais depuis quelques années, on cut à 50% des dubs no clash lyrics, pas de champion sound et number one si possible  ; même si ce n'est pas toujours facile avec les artistes tellement ils sont paramétrés pour la plupart, sur le format standard  : Clash Way  !! Cela se passe même sur des ganja tunes parfois  ; on vient d'avoir l'exemple dernièrement avec Triston Palmer «  Joker Smoker  » alors que tu écris en gros  : No Clash Way  !!!

Et du coup est-ce que les dubplates clash ont un sens selon vous dans une danse normale  ?
De moins en moins. Tout dépend ce qu'on appelle une danse normale. Certains massives ou soundmens viennent en danse pour écouter les dubs d'autres sounds, clash ou pas clash. D'autres ne savent pas que tu joues des dubs mais kiffent la manière de jouer ou non du selecta. Le tout est de ne pas saouler le public mais plutôt d'essayer de les captiver par rapport à ce que tu joues. Parfois, on s'est fait la réflexion, le fait de jouer une heure ou deux de dubs clash lyrics ou champion sound par ci par là peut être saoulant pour certaines personnes. Il faut aussi pouvoir s'adapter au public si on aime jouer des dubs et tunes exclusifs. D'où le fait de vouloir enregistrer beaucoup plus de dubs pour la danse  ; en faisant parler l'artiste  pour les massives plutôt que pour le sound à tout va. Il faudrait pouvoir revenir à l'origine même du dubplate. Des vrais specials, des vibes, des nouveaux tunes, un nouveau punchline trouvé dans la journée au studio et booom. One Shot  !!! C'est cela qui nous a toujours impressionnés et convaincus en studio. Que ce soit pour des dubs ou des 45T.



La culture sound system a commencé à se développer en France par les sounds rub-a-dub puis juggling. Aujourd'hui, on assiste à une montée en puissance des sound systems UK/Dub avec des grosses sonos artisanales. Comment voyez-vous cette évolution  ?
D’un bon œil. Ce sont les seuls pour le moment à le mieux conserver l'origine même du sound system et ce à plusieurs titres. De par la sono bien entendu mais aussi sur deux points : le format vinyle auquel ils sont attachés et le fait de jouer des pre-releases avant même les sorties, c'est-à-dire l'origine même du dubplate. Tu fais tourner des tunes que tu as produits pour ton label durant 6 mois, un an et ceux que le public surkiffe, tu sais que tu peux les sortir direct.
A côté de cela, nous trouvons que certaines soirées perdent l'essence même du roots & culture au profit d'une sur-compétition dans la puissance sonore, laquelle t'empêche parfois même de rester dans la salle ou de profiter tout simplement de la soirée. On s'est fait plusieurs fois la réflexion alors que nous kiffons le gros son mais pas à te vriller l'oreille, à te détruire les tympans. Les lieux ne sont bien souvent pas adaptés.

Que pensez-vous de l'éternel débat sono/pas sono  ?
Ce n'est pas intéressant et cela nous fatigue d'autant qu'en France, il n'y a pas beaucoup de lieu où elles sont bien vues ou bienvenues. C'est le top bien entendu mais on a l'impression par moment qu'on est à la limite du tuning dans les discussions, dans l'état d'esprit  !! Et puis t'as pas de sono, t'es pas considéré comme un sound  !! C'est un peu extrême et réducteur comme raisonnement. Sans compter qu'il faut savoir la régler. On a eu un paquet de belles surprises à ce niveau-là. Heureusement que certaines sonos et acteurs de ce milieu comme Legalshot ou Blackboard sont là pour relever le niveau. Tout dépend en fait du curseur où l'on veut placer le reggae selon nous. Personnellement, on aime le côté underground de cette culture mais on souhaite aussi s'adresser à un public plus large, sans se mettre certaines barrières. Il y en a déjà assez comme cela.

«  Il n'y a pas de demi mesure dans ce que l'on fait. C'est impossible.  »

Envisagez-vous de construire une sono  ?
On s'est souvent dit que ce serait la dernière étape dans notre processus de développement ou bien que ce ne sera peut-être pas forcément une sono artisanale. Une sono, il faut la stocker, il faut l’entretenir et il faut pouvoir la déplacer. Vu déjà le nombre d'activités qu'on mène et le peu de bras qu'on a, ce serait franchement difficile à envisager aujourd'hui. Mais un jour peut-être.

Quels sont les sounds internationaux qui vous inspirent le plus et pourquoi  ?
Mighty Crown, Stone Love et Rodigan sont les 3 sounds qui nous ont le plus influencés. Mais il y en a plein d'autres tels que Killamanjaro, Downbeat ou bien encore Aba Shanti pour le coté roots. On avait kiffé à la fin des années 90 Katarock.

Aujourd'hui, selon vous, qui est le sound numéro 1 dans le monde  ? En France  ?
Comme je te le disais au début de l'interview, pour nous il n'y a pas de sound numéro 1 en France. Certains veulent le faire croire ou ont bien voulu véhiculer cela durant des années mais finalement, regardez au bout de 15 ans, ils sont contredits par les médias et le public  !! A l'échelle internationale, c'est difficile à déterminer et cela dépend des goûts mais Rodigan nous semble être dans le peloton de tête aux côtés de gros noms comme Bass Odyssey, Jaro, Mighty Crown, Addies... et en on oublie  !! C'est une question trop subjective.
En fait, ce que l'on trouve intéressant, ce n'est pas le concept de numéro 1 mais plutôt qu'un sound puisse jouer régulièrement, activement. La direction qui nous paraît pertinente, pour un sound juggling, est de pouvoir exposer sa musique à un plus large public et pas uniquement à l'underground, ce dont souffre le reggae. A l'image de Black Kat et Saxon bookés pour les Jeux Olympiques 2004 (avec notamment Barrington Levy). De ce point de vue, on peut également citer le concept développé par les Red Bull Clash Academy que l'on trouve plutôt intéressant, avec un certain avenir quand tu vois le public que cela ramène. Un sound qui joue pour le public (avec différents selectas et styles) et pas uniquement du reggae, à l'image de Rodigan et le Rebel Sound. Fallait y penser.

Vos trois morceaux favoris  ?
Question trop difficile car il y en a trop. On va plutôt répondre qu'on adore la musique de Barrington Levy, Garnett Silk, Yabby You, les productions Jack Ruby ou encore Studio 1 dans les années 70, Channel 1 dans les années 80. On kiffe grave les prod' Rockers International et notamment Hugh Mundell. C'est un style musical ultra-productif depuis plus de 40 ans. On a aussi énormément apprécié la musique de Sizzla, Chezidek... des artistes créatifs et originaux comme eux il y en a peu. C'est notamment cela qui manque aujourd'hui en Jamaïque. On oublie plein de noms en dehors de ceux que l'on vient de vous citer.

Vos trois dubplates favoris  ?
Nos favoris ne sont pas dévoilables et sont réservés pour le jour où on refera un dub fi dub. En mode dubplate no-killing, en ce moment  :
Sizzla - Smoke The Marijuana
Chezidek – Far I
Kabaka Pyramid – Burnin' Special

Vos trois riddims favoris  ?
Joker. Trop de riddims pour répondre à cela !!

Quel est LE dubplate qui manque à votre box et que vous ne pourrez jamais avoir  ?
Un dubplate de Garnet Silk ou Dennis Brown aurait été une sacré pièce.



Pour finir, y a t-il d'autres projets à évoquer ?
Oui à fond.
Au niveau du sound, on sort mi-mars 2015 une mixtape 100% dubplates «  Selecta's Choice  », représentant notre sound avec différents styles de riddims, lyrics (killing ou pas).  On travaille en ce moment sur une seconde tape orientée 100% Rub A Dub 80's, des riddims Channel 1 pour la plupart avec beaucoup de vétérans de cette époque.
On sera également en tournée cet été avec Yellam, Trinity & Chezidek.
On a développé dans les trois, quatre dernières années tout un catalogue d'artistes que nous bookons régulièrement en Europe, en lien avec l'actualité du label dès qu'on le peut.
Au niveau du label justement, en 2015, on a décidé de mixer à fond un paquet de titres, séries et albums que nous avions sur disque dur depuis plusieurs années. Nous allons sortir tout un ensemble de projets à partir de la rentrée scolaire 2015  :
L'album de Yellam à la rentrée, celui de Perfect Giddimani d'ici la fin d'année et une compilation 100% Ganja Tune avec trois ou quatre tunes jamais sortis.
On a également des projets d'album ou EP avec Skarra Mucci, Mark Wonder, Spectacular, Chezidek,  des séries en cours sur des riddims Roots Radics ou bien encore des 10'' à presser. Niveau vinyle, c'est surtout la conjoncture qui nous freine. Tout comme un ensemble de producteurs, on est plus frileux aujourd'hui de sortir des projets car le vinyle ne se vend plus et le download est loin d'avoir contre-balancé, très loin. On a également pas mal de tunes d'artistes vétérans que l'on n'a pas encore sortis et que l'on a trop envie de mixer  : Ken Boothe, Linval Thompson, Keith & Tex, Mighty Diamonds, Big Youth, etc.
De septembre 2015 à fin 2016, nous allons donc sortir un maximum de projets, à un rythme vraiment soutenu.
Au niveau des organisations, on en a parlé plus haut avec les événements majeurs qu'on souhaite continuer à développer par chez nous  : le Spring Reggae Fest, le Reggae Summer Lude, la Résidence mensuelle, bien entendu les 24h du Mans et un nouveau concept de soirée à la rentrée - axée sur le band - à l'occasion de la sortie d'album de Yellam.
Concernant le studio, celui-ci est de plus en plus sollicité pour nos propres projets mais également pour tout un ensemble de producteurs et artistes...On est plutôt contents de la direction que cela prend depuis quelque temps. Et puis n'hésitez pas à aller faire un tour sur notre site internet www.irieites.net, sur notre facebook, sur notre soundcloud (Label et sound) ou encore sur notre chaîne Youtube, vous y trouverez des sons et toute notre actu' qui bouge tous les jours.



Big Up Irie Ites  !
Nous aussi on remercie nos familles pour le soutien, nos amis, notre public, les partenaires médias et tous ceux qui nous supportent depuis le début  !!!

NDLR : Informations supplémentaires : Surveillez les prochaines dates d'Irie Ites sound :
26 Mars : Irie Ites Sound Feat Yellam / Orléans
02 Avril : Irie Ites Sound + Green & Fresh / Résidence @ Le Mans
10 Avril : Irie Ites Sound Feat Yellam / Béziers
17 Avril : Irie Ites Sound Feat Yellam & Sara Lugo / Le Mans
18 Avril : Irie Ites Sound Feat Yellam & Sara Lugo / La Teste de Buch
24 Avril : Irie Ites Sound Feat Yellam / Toulouse
25 Avril : Irie Ites Sound Feat Macka B & Lion D / Bordeaux
07 Mai : Irie Ites Sound + Green & Fresh / Résidence @ Le Mans
09 Mai : Irie Ites Sound Feat. Yellam / Toulouse
16 Mai : Irie Ites Sound Feat. Yellam / Cantal (Option)
12 juin : Irie Ites Sound / 24 heures du Mans - Le Mans
12 juin : Irie Ites Sound Feat. Macka B & Solo Banton / Rasta'Art Festival - Caen
13 juin : Irie Ites Sound Feat. General Levy / Avignon
21 juin : Irie Ites Sound Feat. Yellam, Trinity... / Le Mans
04 Juillet : Irie Ites Sound Feat. Solo Banton / Le Mans (Option)
11 juillet : Irie Ites Sound Feat. Chezidek,Yellam & Trinity @ Reggaeland Festival / Pologne
23 juillet : Irie Ites Sound Feat. Yellam / Plouha (72)
25 juillet : Irie Ites Sound Feat. Yellam & Trinity / Festival Summer Vibration @ Selestat
01 août : Irie Ites Sound Feat. Trinity / La Roche-Esnard
15 août : Irie Ites Sound + Artists / Reggae Summer Lude @ Le Lude (72)

Par Ju Lion ; photo : courtoisie de Irie Ites
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