The Banyans - Interview
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The Banyans - Interview

Après "Steppin Forward" en 2013, The Banyans revenaient dans les bacs le mois dernier avec leur deuxième album "For Better Days". Un opus très réussi enregistré et mixé au mythique Studio Davout à Paris et sur lequel le groupe accueille quelques invités de marque. Entretien autour de cette sortie de qualité avec Jay (guitariste) et Dévi (chanteur).

Reggae.fr : Que s’est-il passé pour vous depuis la sortie de votre premier album en 2013 ?
Jay : Beaucoup de concerts, près de 150 en 2 ans! Principalement en France, mais aussi en Italie et en Europe de l’Est où notre musique est vraiment appréciée. Nous avons fait de très belles tournées aux côtés d’Alborosie, Horace Andy, ou Johnny Osbourne, avec qui nous avons pu créer des liens, et on a eu la chance de jouer dans des lieux mythiques tels que le Zénith de Paris ou le Cabaret Sauvage !  Puis depuis 6 mois, nous nous consacrions à la production de ce nouvel album, « For Better Days ». En septembre 2014, nous nous sommes enfermés dans notre studio de répétition pour faire la pré-production. En octobre, nous avons fait les prises de son aux Studios Davout, puis une partie du groupe s’est envolée pour la  Jamaïque au mois de novembre, pendant que les autres s'occupaient du mixage à Davout. La réalisation a été finalisée en décembre par le mastering chez Globe Audio à Bordeaux. Ensuite, vu qu'on a monté notre propre label, Khanti Records, on a orchestré le pressage, la promo, etc. En bref, nous n’avons pas chômé !

Vous avez intégré de nouveaux membres n’est-ce pas ?
Jay : Oui effectivement, le crew s’est agrandi l’été dernier. Jean, notre deuxième pianiste, a quitté le groupe, et nous l’avons remplacé par Martin au Saxophone et aux chœurs. Notre bassiste historique, Natty, avec qui nous avions monté ce projet, est parti pour parcourir et découvrir le monde. Il a été  remplacé par Peter, un ami de longue date avec qui nous jouions déjà il y a 8 ans ! Nous avons aussi intégré Raphael à la Guitare et aux chœurs.  Tout ça a permis à notre chanteur Dévi de ne plus jouer de guitare en live, et donc d’être plus libre de ses mouvements et disponible pour occuper la scène. Les trois nouveaux musiciens sont tous des amis de longues dates avec une forte expérience : Peter était chanteur lead du groupe Jayanah, Martin vient du milieu de la musique africaine (KanaZoé Orkestra), et Raph est aussi le guitariste d’Obidaya. Le feeling et la vibe sont tout de suite bien passés !

Quelles sont les différences entre « Steppin Forward » et « For Better Days » pour les auditeurs ?
Jay : Sur « Steppin’ Forward », on avait fait le choix d’enregistrer dans un studio analogique qui enregistre sur des bandes comme à l’époque afin d’avoir un grain lors des prises de son. Le but était d’avoir une couleur « vintage ». On avait aussi tenu à ne pas faire de featuring sur ce premier album afin de pouvoir présenter aux auditeurs un album « 100% Banyans ».

Dévi : Sur ce deuxième album, on voulait franchir une étape importante pour nous. Cet album se veut plus dynamique et plus abouti tout en conservant notre amour du reggae roots qui est notre essence, la sève du Banyan ! On a donc enregistré au studio Davout pour trouver un « gros » son ! Le message reste dans la même continuité, et les compositions sont plus diversifiées, on aborde d’autres styles comme sur le morceau « Mystic Joy part 1 », un morceau au chant-guitare assez intimiste, ou « Everything is right » avec une couleur qui tend vers l’afrobeat… Et forcément, la participation de Johnny Osbourne ou Big Youth ajoute une touche originale « from Jamaica » qui permet d’enrichir cet album !

Avez-vous travaillé de la même manière sur ce nouvel album ou avez-vous innové ?

Dévi : Nous avons travaillé un peu différemment, car pour le premier album la plupart des morceaux enregistrés  sont  des tunes que l’on jouait déjà en concert depuis un an, voire même plus. Là, les compositions sont toutes fraîches,  j’ai amené les chansons guitare-chant avec les textes au mois de septembre, les musiciens les ont réarrangées, et m’ont aussi proposé des riddims. On a travaillé ensemble pendant un mois , puis on a enchainé tout le reste ! On a choisi de ne pas faire de concert pendant cette période pour se concentrer sur cet opus. On attaque les tournées live maintenant, avec un set tout nouveau et des morceaux que le public n’a jamais entendu auparavant, à découvrir sur cet album !



Vous avez donc enregistré au Studio Davout qui a vu passer des légendes de la musique des Rolling Stones à Miles Davis en passant par Bashung ou Alpha Blondy. Avez-vous ressenti une atmosphère particulière là-bas ?
Jay : Carrément, l’atmosphère qui règne dans ce studio est magique. On peut se reposer sur un canapé acheté par Mick Jager lors d’un enregistrement, marcher sur un plancher foulé par Ray Charles, ou encore assister à des séances d’enregistrement de musiques de film pour Luc Besson. C’est un lieu chargé d’Histoire où des stars ont enregistré des albums mythiques. Il y a une atmosphère spéciale qui règne, surtout la nuit, mais c’est difficile d’expliquer ça. Une chose est sûre, on s’y sent très bien, un peu comme à la maison ! Sûrement grâce à l’accueil et au service de qualité, avec des ingénieurs-son et assistants ultra compétents ! Au passage un gros big up à Clément Tamal et Théau Rogerie.

Quelles sont selon vous les qualités qui ont fait de ce studio un lieu mythique ?
Jay : L’acoustique des salles est très bien conçue, il y a même une pièce de prise de son tout en marbre. Il fait partie des plus vieux studios de France encore en activité et il est très bien placé dans la capitale vers la porte de Montreuil. Le studio A est immense, sa taille est exceptionnelle pour une cabine de prise de son (120m2 au sol et 10m de hauteur environ !) et peut accueillir des orchestres symphoniques de 80 personnes qui enregistrent en live. Ben Harper y a enregistré un concert live privé… On ne trouve pas ça partout ! L’accueil y est irréprochable, le matériel est prestigieux (consoles mythiques SSL ou NEVE, micros NEUMANN, etc.). C’est un tout qui met les musiciens dans les conditions optimales pour donner le meilleur d’eux-mêmes.

Y a-t-il eu beaucoup d’artistes reggae qui ont enregistré là-bas avant vous ?

Jay : Non, il ne me semble pas. Il y a eu les Skatalites, Alpha Blondy, et quelques artistes de reggae Africain. Puis pour les artistes qui se rapprochent un peu du style : Amadou et Mariam, la Mano Negra, Ben Harper.

Vous êtes également partis en Jamaïque pour enregistrer des featurings avec Johnny Osbourne, Big Youth et Maranto. Les rencontres étaient-elles planifiées avant votre départ ou vous êtes-vous laissé aller à la vibe jamaïcaine ?
Jay : Toutes les rencontres étaient prévues. Nous avions déjà partagé plusieurs scènes avec Johnny Osbourne en 2013, et on l’a recroisé durant l’été 2014 sur un festival donc on lui a proposé le featuring. Il aime beaucoup notre groupe et il a tout de suite accepté. Il a fallu organiser la prise de son car il habite aux Etats-Unis et on voulait impérativement être à ses côtés lors de l’enregistrement. Notre voyage en Jamaïque a parfaitement coïncidé avec sa venue à Kingston pour des raisons familiales ! La « guidance » ! 
Pour Maranto, on avait fait deux tournées avec lui en France et en Italie où nous étions ses musiciens. On a créé des liens assez forts avec lui, c’était donc naturel pour nous de l’inviter sur cet album. Quant à Big Youth, c’est Guillaume « Stepper », qu’on big up au passage, qui nous a donné le contact de Bravo, l’ingé-son du studio SMALL WORLD, là où ont enregistré les plus grands à l’époque (Gregory Issac, Dennis Brown, U-Roy) et notamment Big Youth ! Du coup, on a pu le joindre avant notre voyage, et la rencontre a vraiment été énorme !

Que retenez-vous de ces rencontres ?
Dévi : Des grands moments de partage, car nous sommes arrivés avec les riddims déjà pratiquement finis, il manquait juste les voix des featurings. Je peux vous dire qu’entendre une voix légendaire sur une instru qu’on a bien travaillée auparavant, c’est un vrai régal ! Les chanteurs ont apprécié eux aussi les morceaux et les thèmes abordés, et il y a vraiment eu un échange : on était avec eux en studio, c’était une pure expérience de les voir avec une telle aisance, une profondeur et une inspiration qui arrive de manière instantanée ! On retient aussi cet état d’esprit dans lequel ils ont partagé leur expérience, ils nous ont donné beaucoup de conseils, sur la musique, mais aussi pour notre voyage en Jamaïque. Johnny nous a rajouté des magnifiques harmonies vocales pour le refrain qu’on a enregistré ensemble au dernier moment, c’était de vraies leçons à l’école du reggae à Downtown !

Comment les artistes ont-ils travaillé leurs textes ? Avez-vous participé à l’écriture de leurs parties ?
Dévi: Big Youth a écouté le morceau deux, trois fois, il s’est allumé une bonne clope magique et a posé sa version en une seule prise, sans écrire, et c’était la bonne, en mode singjay style ! Johnny a écrit son texte au studio, juste avant la prise, il a écouté plusieurs fois mon couplet, dans lequel je parle d’un vieux sage natty dread. Je souhaitais qu’il réponde en tant que vieux sage ! Je lui ai donné une idée pour la première phrase puis il a écrit son couplet. Il a commencé à chantonner ses mélodies puis quand il est allé dans la cabine voix pour la prise, on a tous eu des frissons !
Et on a envoyé l’instru à Maranto, il a écrit son couplet qui était bien travaillé avant notre arrivée !



Mis à part ces rencontres, comment s’est passé votre séjour ? Que retenez-vous de ce voyage ?
C’est avant tout un rêve d’enfant qui se réalise, c’est vraiment un passage important pour tout fan de cette musique et de sa culture. On a été super bien accueillis par des contacts de Maranto et les managers d’Alborosie ! On a eu la chance de se retrouver chez Alborosie, on a joué plusieurs fois avec lui en Europe et il nous a invité directement dans sa maison, on a pu voir son magnifique studio, le Shengen Studio. Il nous a fait écouter des nouveaux sons à lui, on lui a fait écouter notre album, on a bien échangé, il nous a donné de bons conseils !

On est allé aussi chez King Jammy avec Johnny Osbourne, et on a pris une claque dans ce studio où les plus grands ont enregistré. Le soir on est allé au sound system juste en bas de son studio, grosse ambiance ! Ce qui est impressionnant, c’est le fait qu’il y ait des sound systems partout, devant les magasins, dans les coins de rue, tout le monde vit avec cette musique, on sent que ça leur donne beaucoup d’espoir et de force ! Ce voyage nous a fait comprendre plein de choses sur cette musique, comment une petite île a répandu son style et son message dans le monde entier, en voyant dans quel état d’esprit ils sont, l’ambiance, la manière de vivre, le climat… Ça donne vraiment envie d’y retourner !

Ce nouvel album porte un message d’espoir à l’image des morceaux « Fearless », « Better Days » ou « Follow Your Light ». Vous êtes plutôt optimistes sur l’avenir ?
Dévi : Je pense qu’il est important de cultiver ce qui est bon et positif ! A force de toujours montrer du doigt les mauvaises choses, on peut donner de la force à ce que l’on dénonce. La nouvelle génération a besoin d’entendre des choses qui les tirent vers le haut, le message d’aujourd’hui va construire la génération de demain ! Un monde meilleur est encore possible si chacun fait un peu ! Tout en étant conscient du monde dans lequel on vit, nous avons voulu cultiver ce que l’on veut voir grandir.

On sent que le message rasta vous inspire profondément...

Devi : Oui, ce mouvement et cette musique sont ma force de vivre avec laquelle j’ai grandi et évolué petit à petit ! Je me suis fait ma spiritualité avec ce message, j’aime cette manière de vivre, cette « livity », le principe de respecter son temple, pour respecter les autres, de combattre avec le « Words Sound and Powa », le pouvoir de l’énergie, de l’intention et de l’esprit !
En Jamaïque, j’ai vu que la vision de « rasta » varie vraiment, j’ai rencontré des jeunes qui ne voulaient pas entendre parler de la Bible et ne pas dire le mot Jah, qui parlent seulement de Sélassié, alors que par exemple Marley citait énormément la Bible dans ses lyrics, comme beaucoup d’anciens ! Je prends ce qui me parle et me touche le plus pour me faire ma vision et y trouver mon inspiration, au final comme a dit Clinton Fearon , Rasta c’est avant tout être soi-même ! Chacun a sa vision dans le groupe, mais la spiritualité nous relie tous !

Le morceau « Mystic Joy » a droit à deux parties. Pourquoi ce choix ?

Dévi : Les deux parties sont très différentes, on a voulu les séparer pour ceux qui veulent écouter directement la deuxième partie, pour ceux qui aiment moins les chansons plus intimistes, plus posées, alors ils peuvent passer directement sur la partie reggae du morceau. Après au niveau du texte, ça reste un seul morceau, et au final on a de très bons retours sur cette intro.

De qui parlez-vous dans le titre « I Miss You » ?

Dévi : J’ai fait exprès de rester large sur ce morceau afin que chacun puisse y trouver son propre sens. On a tous une force qui nous apporte une stabilité physique et spirituelle, ça peut être un parent, un ami, un animal, la nature, Dieu, l’amour… Pour ma part, je l’ai écrit à un moment où la campagne, la nature dans laquelle j’ai grandi me manquait énormément, après un long passage en ville.

Quelque chose à ajouter pour défendre cet album ?

La musique possède un pouvoir magique : celui de rassembler les gens. Elle est un message universel où la langue n’est pas une barrière, elle est le langage des émotions. Grâce à elle, on peut y transmettre nos rêves, nos espoirs… Cet album représente simplement un petit rayon de soleil dans un monde où tout semble aller de travers,  notre espérance des jours meilleurs… Soyez curieux et tendez l’oreille ! :-)
On invite le maximum de gens à partager ce voyage musical, Big up a tous les reggae soldiers !

Par Ju-Lion ; Photos : Shooting Zone
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