Mark Balet - Interview
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Mark Balet - Interview

Mark Balet est un chanteur et producteur ivoirien installé à New York. Actif dans la musique depuis plus de 15 ans, il a sorti l'année dernière Born To Love, distribué par VP Records. Un premier album reggae teinté d’une fusion entre rap, rock et afrobeat. Focus sur une rencontre réalisée à New-York avec cet artiste polyglotte à découvrir d’urgence.

Reggae.fr : Salut Mark. D’où viens-tu ? Comment t’es-tu retrouvé à New-York ?
Mark Balet : Je suis originaire de la Côte d’Ivoire, que j’ai quittée à l’âge de 8 ans, puis j’ai grandi entre les États-Unis, la France, l’Égypte, l’Espagne et l’Angleterre. J’ai pas mal voyagé aux États-Unis (principalement Maryland, Washington, Virginia) et ça fait environ 2 ans que je suis vraiment installé ici même si je bouge souvent grâce à la musique. Avant ça, j’étais en France où je défendais mon album Eternel que j’ai sorti il y a quelques années.



Cet album était plus hip-hop et là tu t’es tourné vers le reggae n'est-ce pas ?
Yes ! On va dire que ce premier album était un mélange de rap et de chant. Mais il y avait déjà un titre un peu reggae, Outsider, qui annonçait un peu cette fusion de reggae et de rock.

Pourquoi t'es-tu tourné vers le reggae ?

A la base, j’ai commencé la musique en 1996 en formant un groupe avec un ami d’enfance. Puis, en 1998, un nouveau membre est venu au sein du groupe. On a commencé à faire une sorte de fusion hip-hop/reggae, donc il y avait déjà à cette époque des influences reggae. Le moment où j’ai vraiment décidé de me lancer, c’est quand j’ai eu les retours sur le titre Outsider qui est sorti en 2009. Ce titre était le dernier morceau de l’album qu’on avait enregistré. C’était un son qui était trop lent à rapper, du coup, je me suis dit : "Pourquoi ne pas tester quelque chose de différent ?". Ce fut le coup de cœur de beaucoup de personnes donc naturellement c’est la chanson qu’on a mise en avant.



Tu te considères comme un artiste reggae aujourd'hui ?

Pour être honnête, ce n’est vraiment pas une question que je me pose. C’est important pour moi d’avoir la liberté de faire ce que j’ai toujours eu envie de faire. Je suis indépendant et personne n’est là pour me dicter ce que j’ai à faire d’un point de vue musical. Il y a beaucoup de choses que j’aime dans le reggae traditionnel. Mais les gens ont tendance à mettre les artistes dans des cases : toi tu fais du hip-hop, toi du reggae, toi du dancehall... En faisant ce projet-là, j’ai décidé de choisir les genres musicaux que j’aime vraiment et de faire une fusion de reggae, hip-hop, rock et afrobeat. Je me suis lancé à partir de ça. Mais je voulais réussir cette fusion pour avoir un album qui soit homogène.



Tu viens donc de sortir l’album Born To Love. En combien de temps l'as-tu réalisé et quels sont les thèmes abordés ?
L’enregistrement de l’album nous a pris environ un an et demi. On a vraiment pris le temps de se poser tout ce temps et de bosser dessus. Concernant les textes, ce n’est pas ce qui a été le plus long. Au niveau son, c’est un risque qu’on prenait car pour nous c’était une sonorité nouvelle. Ce ne sont pas juste des petites touches de guitare, c’était un vrai son rock qu’on a essayé de fusionner avec le reggae et l’afrobeat. On a fait pas mal de tests, on a essayé de voir toutes les directions dans lesquelles ça pouvait aller. Ensuite on s’est concentré sur ce qui nous plaisait le plus et ça nous a pris un an et demi pour obtenir le résultat qu’on souhaitait. Concernant les thèmes, je m’inspire de tout ce qu’il y a autour de moi, dans le monde dans lequel on vit. Le concept de cet album est l’amour. Ça part vraiment d’un point de vue sincère, ce n’est pas une utopie de dire Born To Love, de défendre et de porter ce message-là. Comme je te le disais, je suis originaire de la Côte d’Ivoire. J’y suis retourné entre 1998 et 2002. J’étais présent quand il y a eu tous les troubles et j’y ai même perdu des amis. J'ai vécu pas mal de moments difficiles que je ne vais pas raconter là… Lorsque je regarde le monde et le chaos dans lequel on vit, j’essaie d’envoyer un message qui puisse tirer les gens vers le haut et apporter quelque chose de positif.

Tu as sorti ton album avec VP Records. Qu’est ce que ça représente pour toi ? Quels feedbacks as-tu reçu pour ton album ?
Les retours sont vraiment positifs et c’est vraiment encourageant, sachant qu’à la base c’était un risque de fusionner ces différents genres musicaux. Les gens sont un peu surpris mais pour l'instant on constate qu'ils apprécient l'album à sa juste valeur et c’est plutôt motivant pour la suite. Au sein de cette industrie, je me rends compte qu’il y a moyen de grandir et d’ouvrir des portes.

Les retours sont donc positifs en France et aux États-Unis. Qu’en est il en Europe et ailleurs ?

Et bien honnêtement, je ne le sais pas encore. On continue de bosser pour défendre le projet (il y a même un nouveau single qui arrive…) donc on n’a pas encore tous les retours. Il y a pas mal de radios qui nous suivent et qui essaient de relayer l’info. On verra bien lorsqu’on sera amené à rencontrer le public.



As-tu des tournées de prévues ?
On va bientôt avoir des scènes, je pense que les dates seront très bientôt communiquées sur les réseaux sociaux et le site internet. On attend le retour de l’agence de booking mais c’est en bonne voie.

Tu viens de nous parler de single, est-ce que ça veut dire qu’il y a déjà un autre album en préparation ?

Non. Lorsqu’il s’agit d’album, je mets tout en stand-by. Pour le moment, on est encore sur Born To Love. Les singles qui arrivent sont juste là pour continuer à faire de la musique et ainsi donner quelque chose aux gens. Ce n’est pas dans le cadre d’un projet spécifique.

Comment se porte la scène reggae à New-York ?

Il y a bien une scène reggae new-yorkaise mais elle reste très underground. New-York n’est pas spécialement reggae, c’est plus un truc de communauté.



En étant à New-York, tu dois sans doute côtoyer de grands artistes. Y a-t-il des featurings qui te font rêver ?
Franchement, je ne sais pas si c’est ma mentalité d’indépendant qui me freine, mais ce n’est pas vraiment à l’ordre du jour. Je ne cours pas après les featurings. Je pense que c’est quelque chose qui doit se faire naturellement, au feeling, car je ne le perçois pas comme une  stratégie commerciale. Sur Born To Love, on aurait pu avoir des artistes si c’était vraiment la démarche mais ça ne m’a jamais intéressé de le faire pour mieux vendre l’album. Si un jour ça se fait, c’est qu’il y aura des affinités, des contacts et qu’il y aura vraiment un kif dans les 2 sens. Pour collaborer avec un artiste, je veux connaître sa vision de la vie, discuter avec lui, privilégier le côté humain. Si je suis encore dans la musique après plus de 15 ans, c’est vraiment pour le kif et la passion. La maille, tu peux en faire beaucoup plus en ce laps de temps en faisant autre chose que de la musique. C’est la passion qui me fait tenir et je remercie Dieu pour ça car je suis quelqu’un de très croyant.

Est-ce que les derniers évènements qui se sont passés aux États-Unis entre la communauté noire et les policiers t’ont marqué et inspiré pour tes lyrics ?
Oui bien sûr. C’est quand-même frustrant de voir tous ces dérapages et ces bavures policières. C’est clair que je m’identifie d’une certaine façon à la communauté noire américaine même si je suis originaire d’Afrique. C’est beaucoup d’injustice. Le clip de la chanson Running illustre d’une certaine façon ces situations-là où tu vois pas mal de bavures policières. Avant les récents drames qu’il y a eu, je me rappelle avoir vu au JT une femme se faire marcher dessus à côté de l’autoroute. Ce sont des images dures. Une dame de cet âge-là aurait pu être ma mère et la voir se faire violenter comme ça par un policier, qui est supposé protéger la population, est assez choquant. Mais en même temps, il y a des drames partout. Je n’en fais pas une fixation car l’injustice est partout, ça ne concerne pas que la population noire et ça touche toutes les communautés.



Dernière question : Y a-t-il des scènes qui te font rêver ?
Pour être honnête avec toi… aucune. Il n’y a pas une salle en particulier qui me fait rêver. Je ne rêve pas non plus de jouer devant 80 000 ou 100 000 personnes. Je suis sincère. Ce qui me passionne, ce sont les personnes à qui je communique ce message, que ça puisse les inspirer et les tirer vers le haut. Je n’estimerais pas avoir accompli quelque chose de balèze si je jouais dans une énorme salle. Pour moi ça ne signifie rien. En tant qu'artiste indépendant, aussi bien dans le reggae que dans le hip-hop, je vois beaucoup de choses qui ne me paraissent pas correctes dans l'industrie musicale. Il y a énormément d’injustices. Il y a beaucoup d’artistes qui méritent et à qui on ne donne jamais d’opportunités. Quand tu es habitué à te battre, à un moment, tu te poses la question de savoir ce qui t’incite réellement à faire de la musique, pourquoi tu continues à aller de l’avant malgré toutes les difficultés, toutes les luttes, toutes les portes fermées que tu peux rencontrer. Ce qui me passionne, c’est de m’exprimer car c’est une thérapie, un exutoire pour faire sortir à travers la musique toutes les choses que je pense. Je peux ainsi toucher des personnes, les inspirer, les motiver, les tirer vers le haut. C’est pour ça que j’ai appelé mon album Born To Love. C’est ma contribution à cette scène musicale. On est loin des strass et des paillettes. Oui, je suis indépendant. Oui, je suis un bosseur. Ça ne veut pas dire que je m’en fous de la tune, mais tant que j’en ai assez pour prendre soin de ma famille, c’est suffisant et le reste ne me fait pas rêver.



Album Born To Love disponible sur iTunes
www.markbalet.com

Par Jah Warren ; Photos : coustoisie Mark Balet
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