Interview Bilan No Logo 2015
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Interview Bilan No Logo 2015

L'automne est le temps des bilans pour les grands festivals. Reggae.fr donne cette année la parole aux organisateurs du No Logo pour la première fois. La troisième édition du festival jurassien s'est déroulée à merveille cette année sur le magnifique site des Forges de Fraisans. Michel Jovanovic et Florent Sanseigne, têtes pensantes de l'évènement, répondent à nos questions sur le déroulement du festival, les améliorations et les bons souvenirs de cette édition réussie.



Reggae.fr : Quel bilan faites-vous à chaud de cette troisième édition du No Logo Festival ?

Michel : On est super contents, elle s’est très bien passée et il y a eu plein de monde ! Il n’y a pas eu de problèmes, à part évidemment la pluie qui a été embêtante mais n’a pas empêché les gens de venir ! Tous les retours ont été positifs, aussi bien du côté du public que des artistes et de l’équipe.
Florent : Le bilan est vraiment positif en termes de fréquentation. On grossit d’année en année, on prend aussi conscience des choses à améliorer. Et puis on se met toujours à la place du festivalier, on est encore perfectibles car c’est seulement la troisième année.

Justement cette troisième année semble être celle du décollage, les deux premières avaient-elles été plus difficiles ?
Florent : Pas vraiment. La première année, on avait monté ça en deux mois et on avait eu 18 000 personnes sur deux jours, donc ça avait été un super succès ! Les gens avaient adhéré au concept et au schéma économique du festival. L’année dernière avait été difficile à cause de la pluie qui avait été encore pire sur les trois jours, mais on avait quand même eu 24 000 festivaliers ! Cette année, on en a eu 30 000, donc c’est une marge de progression très positive. 

Le site est bien limité à 10 000 personnes par jour n'est-ce pas ?

Florent : En fait, on a eu une commission de sécurité la veille qui a émis un avis très favorable en augmentant la capacité journalière à 12 000. On peut monter jusque là, mais on n’ira pas au dessus, il faut déjà asseoir le festival. Et puis, on fait revivre les Forges de Fraisans ! C’est un joli site où il y avait jusqu’à 4 000 mineurs qui travaillaient dans les années 60, avec une histoire, des mouvements sociaux… Les anciens du village nous disent qu’ils n’avaient jamais revu les Forges animées et remplies de gens comme à l’époque !



Justement, quelles relations avez-vous avec la commune et les riverains ?
Michel : Le Maire et le Conseil Municipal sont tout à fait favorables au festival depuis le début. Au niveau des riverains, c’est aussi très positif, même si bien sûr certains se plaignent car on ne peut jamais avoir une adhésion à 100%. Une étude avait été faite l’an dernier et donnait plus de 80% des habitants satisfaits. Ils bénéficient aussi d’un tarif préférentiel s’ils veulent venir au festival. Et il y a surtout des commerçants qui tournent 24/24 !
Florent : La première année, j’allais boire mon café tous les matins dans le village. J’entendais des choses, les gens s’inquiétaient sur ce que le festival allait selon eux amener : insécurité, vols, viols… Je sens qu’au bout de trois ans, on a fait évoluer les consciences à Fraisans ! Tous ces habitants prennent conscience des choses, je n’entends plus rien de tel. Ils voient tout ce que ça apporte au village en termes de retombées économiques mais aussi en notoriété et retombées médiatiques. On parle de leur village, de Fraisans, où ils sont nés et ont grandi ! On est assez contents de ça.
Michel : Mais bon, je crois qu’on aura vraiment gagné le jour où on verra les gendarmes se rouler dans la boue avec les festivaliers ! (rires)

Les objectifs de cette édition 2015 ont-ils été atteints ?
Michel : On ne pouvait pas faire mieux niveau fréquentation, puisqu’on a atteint notre jauge maximum, on ne peut pas être plus satisfaits ! Après, il y a encore des points sur l’organisation qu’il faut améliorer, notamment sur l’accueil et le camping, mais on le fait d’année en année et on est encore dans une phase de progression donc c’est intéressant.

Sur les points à améliorer, en aviez-vous déjà amélioré certains cette année ?
Florent : Oui, complètement. Au niveau du site, les changements ont été très satisfaisants. Il n’y a eu aucune attente à l’entrée, même le premier jour où c’est habituellement assez galère sur tous les festivals ! Les écrans géants ont été un plus, le nombre plus important de stands et de toilettes aussi. Au niveau des artistes, on a modifié les loges et on leur a créé un petit coin sympa, et d’un point de vue technique on a créé une voie derrière les stands qui a facilité la logistique et la sécurité. Les parkings, plus proches qu’avant, ont bien fonctionné aussi.
Michel : Justement, on avait travaillé en amont avec la préfecture sur les accès et c’était plus pratique que les années précédentes, tout était concentré au même endroit. Il y a par contre encore des choses à améliorer sur l’espace du camping pour offrir plus de confort : agrandir l’espace et mettre plus de toilettes, et peut-être assurer des contrôles pour limiter les vols, même s’il y en aura toujours.
Florent : Le camping était vraiment cool et festif sur les deux premières éditions, mais là il est vrai qu’on a eu des gens qui sont venus pour voler, ou dealer des drogues qu’on n’a pas envie de voir sur le festival. Ces mecs ne sont pas dans l’esprit reggae ni festival, ils sont là pour faire leur business et faire de l’argent. C’est ce qui a conduit certains festivaliers à critiquer le camping. Nous travaillerons l’an prochain à ce qu’un esprit festif et familial comme celui bien présent sur le site revienne dans le camping.



Avec tous les festivals disparus cette année, le schéma économique du festival n’est-il pas un pari risqué ?
Florent : C’est une grosse prise de risque, qu’on assume. On veut montrer qu’il est possible de faire un festival sans aucune subvention publique ni sponsoring privé. C’est une grande prise de risque, basée essentiellement sur l’adhésion des festivaliers. En plus, nous n’avons pas de bénévoles, toutes les personnes qui travaillent sur ce festival sont payées. Le budget final est assez conséquent pour une petite marge bénéficiaire, mais on tient à montrer qu’il est possible de faire différemment, de se partager le gâteau et qu’à la fin tout le monde s’y retrouve. Effectivement, si l’on subit une grande perte une année, il n’y aura personne pour nous aider. Le festival a des valeurs qu’on essaye de défendre. Il n’y a pas de pollution visuelle, c’est agréable. Il y a une grande mixité de générations et de nationalités dans une ambiance super sympathique. 30 000 personnes et pas une bagarre ! Les gens ressentent que le moment est festif et libre et ne sont pas soumis à toutes ces marques polluantes, ils se sentent impliqués dans le festival. Comme toute l’équipe, je m’en rends compte avec les gens qu’on embauche. Le No Logo, ce n’est pas juste Michel Jovanovic ou Florent, c’est toute l’équipe et le public.
Michel : C’est grâce aussi à ce schéma que les gens répondent présents et que ça fonctionne. Notre mot d’ordre depuis le début, c’est « C’est vous qui décidez » ! C’est aux festivaliers de décider s’ils veulent que le festival ait lieu, en venant, en payant leur place. S’ils décident à un moment donné que ça ne leur convient plus, ça n’existe plus.
Florent : On essaye aussi d’avoir une politique tarifaire qui permet un accès au plus grand nombre. On a des prix d’entrée sur les pass 3 jours qui reviennent entre 13 et 18 euros la journée. On permet à des familles de venir partager ce moment avec leurs enfants, ce qu’elles ne pourraient pas faire sur d’autres festivals à 50 euros la journée…

Et vous pensez que le public est vraiment sensible à cette démarche de ne pas avoir de sponsors ?
Florent : Il ne faut pas se leurrer, c’est sûr que les gens viennent pour la programmation et le prix de la place. Le troisième argument était effectivement le concept, selon une étude qu’on avait fait l’an dernier. Cette année, on se rend compte avec les premiers résultats statistiques que de plus en plus de gens prennent en compte notre schéma économique et le fait qu’ils soient décideurs. On travaille beaucoup avec eux et on leur demande leur avis, sur les réseaux sociaux notamment. Ça progresse, on n’a que trois ans donc je ne pense pas que ce soit suffisant. On aimerait bien ne rien annoncer, ne pas faire de pub et que les gens achètent leur place quand même mais ça demandera plus de temps ! (rires)
Michel : Une des clés de la réussite est que les artistes jouent aussi le jeu. C’est un aspect à ne pas négliger. Compte tenu de notre démarche, on négocie avec les artistes pour obtenir des tarifs abordables qui correspondent au concept ; ce qui ne veut pas dire qu’on ne les paye pas non plus ! On fait du commerce après tout, mais du commerce équitable. C’est une manière de montrer que si chacun fait des efforts on peut y arriver.
Florent : On essaye d’être justes, et de ne pas prendre le festivalier pour une vache à lait. Ne pas le traiter comme un consommateur mais un « consom’acteur ». C’est grâce à lui que le festival a lieu.  Un festival est effectivement un gros budget, mais on peut essayer d’apporter des services au festivalier et ne pas lui faire systématiquement tout payer. Il y a des consignes, une garderie, des points de charge pour portables, tout ça mis à disposition gratuitement.

Quels ont été les temps forts pour vous cette année ?
Michel : Je dirais que c’est l’ensemble du festival et les bonnes vibrations, aussi bien de la part du public que des artistes. Chaque artiste a fait un show particulier. On travaille avec certains d’entre eux toute l’année, certains depuis très longtemps même, et on voit quand ils sont meilleurs, comme Capleton qui a fait un meilleur concert que la dernière fois où il était venu. On ne l’a pas spécialement briefé ou poussé, mais il soutient à fond et il l’a montré ! La programmation de cette année a été un succès, on peut en être fiers !
Florent : Effectivement, Capleton a fait un gros show cette année ! Tiken aussi le samedi soir, et il a eu un monde fou. Très bon show de Biga Ranx aussi. Mais les gens qui te disent merci avec un grand sourire aux lèvres, c’est ça la meilleure des satisfactions.



Vous avez mis en place un « Sound System Corner ».  Ce concept se développe beaucoup et prend une grosse place dans certains festivals avec une scène importante. Comment pensez-vous évoluer sur ce point-là ?
Michel : Nous sommes limités à une seule scène pour le festival, sur laquelle on doit faire tenir la programmation. Même si le sound system est une part importante du reggae, le live est encore quelque chose que je veux défendre. C’est bien de tout montrer, mais il faut donner une prépondérance au live. Je suis pour qu’il y ait 10 musiciens sur scène qui touchent leurs cachets.
Florent : On a quand même fait évoluer les choses de ce côté-là. On laisse totalement carte blanche à  Rootikal Vibes Hi-Fi, le sound local, pour la programmation avec un budget donné. Par contre, le site ne permet effectivement pas de mettre une deuxième scène, il faut être réaliste. Notre schéma économique nous force à mettre des grosses têtes d’affiche. On a toujours un groupe local qui ouvre la journée mais il faut enchaîner rapidement sur des grands noms pour que ce soit viable. Donc on s’était déjà posés la question des sound systems mais aussi des artistes émergents, les groupes de reggae français et étrangers qui ne sont pas encore des têtes d’affiche mais qu’il ne faut pas oublier. Si le festival évolue un jour, il faudra aussi leur laisser un lieu d’expression.



S’il n’y a pas vraiment de place pour les artistes émergents, avez-vous quand même eu une découverte ou une surprise sur cette programmation ?
Florent : Beat Assailant, et notre création Panda Dub et THK !
Michel : Protoje. Je ne l’avais jamais vu, c’est un artiste qui a de l’avenir c’est sûr !

Peut-on déjà parler de l’année prochaine ?

Michel : C’est un peu tôt. On va essayer de faire au moins aussi bien.
Florent : Il y a beaucoup de boulot derrière, on ne se repose pas sur nos acquis, chaque année on se prend la tête pour faire mieux. C’est l’image qu’on veut donner aux festivaliers.

Retrouvez notre reportage complet sur le No Logo Festival 2015 ici.

Par Ju-Lion & Nounours
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