Rebel Salute 2016
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Rebel Salute 2016

Nous sommes le 15 janvier 2016 et la crique de Grizzly's Plantation à St Ann en Jamaïque est sur le point de se transformer en un endroit exceptionnel comme on n'en voit nulle part ailleurs dans le monde. Le Rebel Salute va bientôt commencer. On sent déjà l'excitation, l'énergie et les vibrations positives. Le lieu a été transformé en un véritable site de festival de classe mondiale. Les organisateurs ont même préparé le terrain en attendant la véritable légalisation de la marijuana – qui n'est pour le moment que décriminalisée en Jamaïque – en créant le concept de Herb Curb (ndlr : Le coin des herbes). Un endroit où les festivaliers pourront pendant deux jours assister à des forums éducatifs sur les usages de la marijuana et même en consommer sans violer la loi ; le festival a en effet obtenu un passe-droit cette année, un évènement important pour le développement des usages sacrés et récréatifs de l'herbe et une avancée mémorable pour la communauté Rastafari.





Vendredi 15 janvier 2016
Le 23ème Rebel Salute est maintenant lancé. Les percussionnistes du Rastafari Indigenous Village bénissent d'abord la place avec d'authentiques prières et rythmes rastas. Une introduction plutôt bien accueillie par le public. Jenny Jenny, animatrice sur une radio locale, inaugure la soirée avec humour et entrain. Elle présente une flopée d'artistes émergents comme Khalila Rose, Emmanuel Stain, Runkus ou The Wizard (la fille de Beres Hammond). L'occasion de se rendre compte que la Jamaïque a encore beaucoup de talents à nous dévoiler.

La soirée avance et les premiers forwards ne tardent pas à se faire entendre du public. Gem Myers est particulièrement bien accueillie grâce à My Boy Lollipop, The First Cut ou Win Or Lose. Jahmali explose sur scène avec un set puissant récoltant toute l'attention de la foule avec notamment Long Long Time. Tanto Metro et Devonte font sauter les gens sur Murder She Wrote, Dem A Bleach et quelques autres titres de l'époque. Pluto Shervington et Ernie Smith font quant à eux leur effet auprès du public plus âgé avec The Best Kept Secret, rappelant qu'ils sont capables de bouger sur scène comme s'ils avaient 20 ans.

Pluto Shervington & Ernie Smith


Ernie Smith


It's Hard To Build a Better Nation, I Refuse To Let You Go et Talk About Love sont autant de standards interprétés ensuite par Hopeton James, mis sur son 31 pour l'occasion, et toujours aussi apprécié du public du Rebel Salute. Le set de Jah Dore nous paraît ensuite trop court bien que très efficace. On aurait aimé en voir un peu plus, mais la ravissante Kelissa nous fait vite oublier cette déception avec une prestation remarquable d'assurance où elle sera rejointe un instant par son frère Keznamdi.

Hopeton James


Kelissa & Keznamdi


Tony Rebel reçoit un accueil plus que chaleureux pour son passage. Il célèbre son anniversaire comme il se doit avec entre autres Know Jah, Sweet Jamaica ou If Jah. Chezidek lui succède avec un superbe set comme d'habitude. Puis, arrive enfin le tune du moment en Jamaïque : My Dream déclenche des hurlements dans la foule. Nesbeth a fait le job ! LUST enchaîne et maintient le niveau des cris chez la gent féminine.

Tony Rebel


Chezidek


Nesbeth


Ce qui est bien avec le Rebel Salute c'est que tous les styles et toutes les époques du reggae sont représentés. On passe de la nouvelle à l'ancienne génération sans problème et les Congos illustrent à merveille cette diversité. Cedric Myton et ses compères invitent même le Marseillais Papet J (Massilia Sound System) à les rejoindre sur scène pour un featuring 100% patois (yardie et provençal !).

The Congos




C'est ensuite le retour des voix d'or de la Jamaïque avec le show exceptionnel de Sanchez - et son incroyable Take These Chains - ou Luciano, toujours aussi classe, qui rappelle qu'il est bien le Messenger avec son message Roots & Culture. Kabaka Pyramid incarne à merveille la nouvelle génération qui suit le message de Luciano et il s'illustre lui aussi à merveille sur la scène du Rebel Salute. Rien à dire. C'est ce qu'on appelle du bon boulot. Well Done ! Ce sont enfin Jah Mason et Louie Culture qui clôturent magnifiquement cette première nuit pour le moins mémorable. Notre seul regret reste l'absence de Michael Rose pourtant annoncé comme l'une des têtes d'affiche de la soirée. Un moindre mal, au regard des superbes prestations auxquelles on vient d'assister. Tout le monde attend maintenant avec impatience le deuxième jour de festivités !

Luciano




Everton Blender





Bugle





Samedi 16 janvier 2016
Ce samedi soir, ce sont encore les talents émergents qui ouvrent le concert. Parmi eux, Tydal Kamau, Rafi and the Rock Top Chanters et la première figure féminine de la soirée : Nadia Harris McAnuff. Elle est suivie par Davianah, la fille de Tony Rebel, qui apparaît plus mature et plus confiante que jamais, tout aussi militante sur scène que son chanteur de père. Les artistes défilent et les premières légendes foulent la scène. Il fallait vraiment un cœur de pierre (Heart Made Of Stone) pour rester insensible à la performance des Viceroys. Après tant d'années de carrière, les trois voix savent encore comment séduire le public : à grand coup de hits comme So Many Problems ou Ya Ho.

The Viceroys


Si Garnett Silk avait été là, il aurait été fier du set de son neveu Anthony Cruz, qui lui rend hommage à plusieurs reprises avant que Paul Eliott n'impressionne la foule par sa présence scénique hors du commun. Complètement indépendant et autoproduit depuis 35 ans, Paul Eliott n'avait pas foulé la scène du Rebel Salute depuis 14 ans. Il prouve ce soir qu'il méritait définitivement sa place cette année.

Anthony Cruz


Paul Eliott


Certains artistes semblent être comparables au bon vin, ils se bonifient avec l'âge. C'est le cas d'Eric Donaldson, figure emblématique des festivals de chanson en Jamaïque (il en a remporté deux en 1971 et 1978). L'homme ne se prive pas de remémorer ses hits à ses fans les plus anciens en interprétant notamment Land Of My Birth et Cherry Oh Baby. Les légendes sont à l'honneur ce soir puisque Ken Boothe lui emboîte le pas avec ses classiques When I Fall In Love ou Silver Words mêlés à quelques nouveaux titres tirés de son nouvel album Journey. Il laisse ensuite la place à Andrew Tosh qui perpétue l'héritage de son père sans manquer de rappeler son combat pour la légalisation devant un auditoire acquis à sa cause.

Andrew Tosh


On n'en a pas fini avec les légendes puisque Pablo Moses débarque avec ses indémodables Dubbing Is A Must et Ready Aim Fire avant de laisser la place aux mystiques Abyssinians. Bernard Collins reste toujours autant dévoué à Rastafari et il le prouve avec les illustres Declaration Of Rights et Satta Massa Gana.

The Abyssinians


Après autant de roots, I-Octane arrive à point nommé pour remuer tout ça. On en avait bien besoin pour tenir toute la nuit ! Fraîchement débarqué d'Angleterre, Macka B se charge  quant à lui de rappeler toutes les atrocités commises par le Royaume de Sa Majesté auprès de ses colonies dont la Jamaïque faisait partie. Une fois le concert de Macka B terminé, Queen Ifrica est attendue sur scène. On entend sa voix, mais on ne la voit pas. Il fallait lever les yeux au ciel pour la trouver. La chanteuse arrive en effet par une nacelle de chantier en survolant le public avant de se faire déposer sur scène, créant la surprise totale dans la foule. Le feu brûle toujours autant en elle. La Queen expose son style militant et sans compromis avec des titres comme Born Free ou Rasta Nuh Chat Rasta et s'aventure même dans le dancehall avec Caribbean Wine en hommage à J Capri, décédée quelques semaines auparavant dans un accident de voiture. Elle est succédée par un Richie Spice en grande forme. Splendide.



Mais celui que tout le monde attend ce soir, c'est bien Beres Hammond. Il débarque sur scène peu après 4 heures du matin et rend les femmes présentes dans la foule absolument dingues. Elles n'auront pas cessé de danser pendant ses presque deux heures de show intenses. Beres est même rejoint par Tony Rebel puis Marcia Griffiths pour des featurings qui terminent de placer son concert comme l'un des moments forts du week-end à n'en pas douter.

Beres Hammond & Marcia Griffiths


Beres Hammond




Un autre rebelle fait son apparition sur scène : David Brooks, qui n'est autre que Mavado. Il apparaît sur ce festival avec son vrai nom pour rompre avec sa réputation de chanteur badman. Ce soir, ce sera un set dancehall certes, mais conscient. Junior Reid vient ensuite présenter son nouvel album, The Living Legend, sans oublier de nous gratifier de quelques hits de l'époque et de revenir sur sa collaboration avec Black Uhuru en lâchant l'énorme Fit Yuh Haffi Fit. Il est plus tard rejoint par ses fils Juju Reid et Young JR pour un bout de set en famille. Vient ensuite Half Pint qui sait saluer la foule comme il se doit en entrant sur Greetings. L'artiste emblématique du style Waterhouse récolte pull up sur pull up et s'impose rapidement comme l'un des artistes incontournables du cru 2016. Pinchers et Trubulence viennent tour à tour clôturer ce week-end au petit matin devant les quelques irrésistibles fans restés jusqu'à le fin de ce véritable marathon.

David Brooks aka Mavado




Junior Reid


Juju Blood


Le Rebel Salute 2016 fut un succès à tout point de vue. Autant d'artistes en si peu de temps reste cependant un défi difficilement relevable et les retards son inévitables. Tony Rebel a fait savoir qu'il souhaitait organiser un évènement plus long. Peut-être un début de solution pour éviter que les concerts ne se terminent au petit matin. Les artistes internationaux mériteraient peut-être une place pour ajouter au prestige de cet évènement qui reste l'un des festivals absolument incontournables de la Jamaïque. Vivement l'année prochaine !

Par Texte Sarah Brody; Trad Ju-Lion; Photos Errol Mitchell
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