Génération H 2 par Franck Blanquin
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Génération H 2 par Franck Blanquin

Il y a quatre ans, personne n’aurait parié un euro sur le succès d’un roman retraçant le parcours et les aventures festives, musicales, hédonistes d’une bande de fumeurs d’élite. Le monde des sound systems ou celui des free parties, l’underground et les milieux alternatifs n’intéressaient pas le milieu littéraire parisien, visiblement mal inspiré. Depuis, Génération H s’est imposé comme un roman culte, lu par des dizaines de milliers de lecteurs et bientôt adapté au cinéma. Rencontre avec son auteur, Alexandre Grondeau.

Quels ont été les retours sur le Tome 1 de Génération H  ?
Les retours ont été très bons, à tous les niveaux, et la belle aventure Génération H continue toujours, trois ans après sa sortie. Les gens se sont appropriés le livre, ils l’ont adopté et  le considèrent aujourd’hui comme une sorte de manuel hédoniste ou de totem. Le bouche à oreille a permis de donner une dimension particulière à sa diffusion,  au-delà des réseaux habituels de la littérature.  J’ai désormais de nombreux lecteurs aux quatre coins de la France, des gens vraiment cool qui soutiennent mes livres avec qui je discute à chaque fois que j’ai l’occasion de les rencontrer lors de festivals ou de débats. Ce n‘était pas le but lorsque j’ai écrit ce livre, mais c’est très gratifiant, quand on crée, d’avoir autant de soutiens et de gens derrière soi. 
Au niveau de la production musicale et du double riddim offert avec le livre, c’est aussi inattendu et surprenant de voir un titre de soutien à Génération H faire  plus de 7 millions de vues sur Youtube et le fait de savoir que c’est mon pote Yaniss Odua (Chalawa) qui a mis ça big, me touche beaucoup.



Pourquoi écrire une suite à ce roman ?
J’ai dès le départ pensé et conçu Génération H comme une trilogie. Il s’agissait de retrouver une bande d’amis bringueurs, des têtes chercheuses d’existence, à trois périodes différentes de leur vie et de voir leur évolution intellectuelle par rapport  à leur existence, leurs expériences de la fête, du sexe, de tout ce qui fait les joies de la vie. Là on les retrouve cinq ans après, ils sont toujours fidèles à leurs idées et leurs valeurs mais cela n’est plus aussi évident.
Évidemment, pour écrire ce tome 2, j’ai eu plus de pression que sur le tome 1. La dimension de livre culte prise par le premier volume qui traite d’une période bien particulière aurait pu être inhibante. Je me suis d’ailleurs demandé si les gens allaient suivre la suite de l’histoire avec le même intérêt, mais j’avais pensé Génération H en trilogie donc je m’y suis tenu. J’ai écrit le tome 2 en étant fidèle à mon idée de départ. Le style narratif a changé, le rythme aussi, mais les lecteurs ont validé cette évolution…

Justement de part son style narratif et dans sa couleur générale, l’ambiance même du tome 2, est beaucoup plus  sombre et on a l’impression que les gens sont moins dans l’espoir et  l’innocence. Était-ce une volonté de ta part  ?
Le premier volume de Génération H est un road trip, qui traduit l’instantané et l’éphémère comme mode de vie. Le second volume se passe  cinq ans plus tard, les protagonistes ont 22 ans, ils ont jusque là bien profité de la vie mais la réalité du quotidien les rattrape. Il faut travailler, payer un loyer, affronter les difficultés du monde  adulte, savoir quelle est sa place dans la société. J’ai donc adapté mon style au récit afin de retranscrire au mieux leur quotidien à cette période. 



Est-ce-que le sous-titre du livre “Têtes chercheuses d’existence“, signifie que les personnages du livre ont mûri et perdu une certaine forme d ‘innocence ?
Oui c’est un parcours personnel que chaque individu rencontre durant sa vie. A 17 ans tu as une vision de la société plutôt belle et romantique mais à la fois très binaire. Tu arrives à avoir des avis tranchés sur presque tous les sujets. Tout est noir ou blanc. Avec le temps, tu t’aperçois que finalement les couleurs principales de la vie ne sont pas noires ou blanches mais plutôt grises et que tu es constamment obligé de naviguer entre les nuances de gris. Il n’y a pas de bien ou de mal, ou de morale autre que celle que l’on se choisit. Il y a la nécessité de vivre vite, bien, de profiter le plus possible parce que l’avenir est bouché pour ne pas dire pire. Génération H parle de jeunes remplis d’idéaux, d’envies et de valeurs hédonistes,  confrontés à une société qui s’oppose à eux et à leur quête de liberté, frontalement. Voilà aussi pourquoi ce tome s’appelle «  Têtes chercheuses d’existence  ».

L’expérience hollandaise à la fin du livre, dans laquelle on voit les protagonistes réagirent assez mal alors que dans le tome 1 ils sortaient indemnes de toutes les galères, est-elle due à leur âge  ?
Dans le premier volume Sacha et sa bande multiplient les expériences intenses. Ils jouent leur vie à pile ou face et ils ont beaucoup de chance, alors forcément à un moment tu te retrouves confronté à une réalité qui est violente pour les doux rêveurs.
Je ne suis pas là pour faire plaisir. Dans le tome 1 il y avait quelque chose de très solaire,  mais la vie d’une tête chercheuse d’existence n’est pas toute rose. J’ai voulu décrire également cet aspect des choses sans mentir et sans filtre. Parfois les lecteurs peuvent idéaliser nos vies, ce qui est flatteur, mais j’ai voulu aussi prévenir que la vie de ses jeunes avait aussi eu ses grosses galères…

Si l’histoire se déroulait aujourd’hui, est ce que des choses différeraient ? Comment serait la génération H de nos jours  ?
Tu m’aurais posé la question il y a quatre ans,  je t’aurais dit que ce que l’on a vécu a été unique. J’aurais pensé la réalité d’aujourd’hui très différente,  mais au contact de mes lecteurs, les plus jeunes comme les plus âgés d’ailleurs, je retrouve les mêmes aspirations, les mêmes envies, les mêmes désirs. La génération H est bien plus large que ce que je pensais et c’est une vraie satisfaction. Cela me rassure à la vue de la conjoncture politique actuelle, de me dire qu’il y a une jeunesse actuellement qui n’a pas jeté l’éponge  sur ses rêves et ses aspirations  : un monde meilleur, un monde différent.
 


Est-ce-que le Sacha du roman aurait imaginé fédérer la génération H dans sa vie d’adulte  ?

Non absolument pas. J’avais naïvement l’impression  que ce qu’on vivait ensemble avec ma bande était unique et magnifique. Et le succès du livre m’a ramené à la réalité  : il y avait des dizaines de milliers de personnes qui avaient le même sentiment, le même style de vie, les mêmes envies. L’unicité de notre destin que je croyais raconter s’est révélée fausse, d’un côté pour mon plus grand bonheur car beaucoup de lecteurs se sont reconnus dans mon histoire…

Dans le livre, on constate souvent des désaccords entre amis. Arriveraient-ils aujourd’hui à se fédérer autour d’une cause  ?
Il ne faut pas se mentir, l’amour de la fête, des femmes et de la weed est un point commun à beaucoup de monde (rires…). Dans la génération H, il n’y a pas de modèle ou de style d’individu stéréotypé même si on partageait  certaines idées. On s’est formé politiquement contre l’extrême  droite et  je constate de nos jours un certain fatalisme d’une majorité de Français sur le fait que leur sécurité doit primer sur leur liberté. Ce n’est pas la seule aberration que j’observe. Aujourd’hui en affirmant que l’on est antiraciste, contre la peine de mort, humaniste, féministe, pacifiste, pour le planning familial, on peut se faire insulter et être taxé d’idéaliste et d’utopiste.

Y aura-t-il un tome 3 et n’as-tu pas peur qu’il soit peut être moins exaltant du fait que les jeunes rentrent dans leur vie active  ?
Ah ah, mais sont-ils vraiment rentrés dans la vie active ? Tu le verras en lisant le tome 3, mais je te rassure, il n’y a pas de risques que tu t’ennuies vu le nombre de conneries qu’on a faites... Ce qui s’est passé dans nos  vies à cette période est tellement hallucinant, que je suis certain qu’aucun lecteur de Génération H n’imagine oú je vais les amener avec ce troisième volume. On va franchir un cap avec mon arrivée à Paris, ma découverte du monde des sound systems parisiens, des gros voyages, d’énormes free parties, de belles conneries… fais nous confiance, il va y avoir du sport  ! 



Est-ce-que la bande d’amis de Génération H se voit encore  20 ans plus tard et ont-ils conservé leur idéaux  ?

On se voit  toujours, on a gardé la tradition de faire le jour de l’an ensemble. On fête aussi les anniversaires et on se réserve quelques week-ends agités. On ne s’est pas lâchés, mais on a tous évolué. Certains sont revenus sur leurs idéaux, d’autres non. La vie c’est cela, on peut suivre des chemins de traverses pour rester droit dans ses bottes ou être plus pragmatique et s’adapter au système. Je pense que ni l’un ni l’autre n’est condamnable et je ne souhaite pas juger. Ce n’est pas mon but. Mon souhait c'était plus de dire on existe, on est encore là, et encore pour très longtemps  !

Des gens te disent qu'ils se sont mis à relire avec Génération H, quel est ton ressenti par rapport à cela ?
Si on m’avait dit il y a 20 ans que j’écrirai un livre qui allait toucher ma génération, celle d’après, et celle d’avant, j’aurais trouvé cela magnifique. Alors redonner le goût de la lecture à un public qui ne lisait plus ou ne lisait pas, c’est une forme de consécration pour un écrivain. J’ai commencé à écrire pour traiter de certains sujets qui étaient ignorés par les auteurs français. Je souhaitais heurter un peu le petit monde littéraire germanopratin, lui dire qu’on pouvait aborder dans la littérature française l’underground, l’univers des sound systems, des free parties. La littérature concerne tout le monde et pas seulement une caste de privilégiés.

Par Photos et propos recueillis par Franck Blanquin
Commentaires (2)
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Par Angele le 06/11/2016 à 23:17
Quand sort le tome 3 de generation h
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Par lenie reggae.fr le 07/11/2016 à 09:35
on espère avant l'été 2017

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