NoLogo 2016 Bilan avec Florent Sanseigne
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NoLogo 2016 Bilan avec Florent Sanseigne

Le No Logo a fait le plein cette année ! Le plein de festivaliers (complet sur trois jours), le plein de soleil, le plein de bonnes vibrations et le plein de satisfaction. Le festival au schéma économique surprenant (pas de subventions, pas de bénévoles) semble plus fort que jamais et on se demande bien ce qu'il nous réserve pour les éditions suivantes... On dresse le bilan avec Florent Sanseigne, co-directeur et co-programmateur de l'évènement jurassien qui se tenait du 12 au 14 août sur le magnifique site des forges de Fraisans.

Reggae.fr : Comment as-tu personnellement vécu cette édition ?

Florent Sanseigne : C'était une très belle édition. Déjà le soleil nous a beaucoup aidés ! On en avait manqué ces dernières années donc ça nous a amené pas mal de good vibes, autant pour le public que pour les organisateurs. On a aussi très bien maîtrisé l'accueil des festivaliers puisqu'on n'a pas eu de problèmes alors qu'on était complet sur les trois jours donc c'est un chouette résultat. Ça s'est bien passé à tous les niveaux, que ce soit sur le site, sur le camping ou au niveau des stationnements. C'est la première année où ça s'est fait sereinement sans être obligés de courir partout.

Comme le No Logo est un jeune festival, vous avez une marge de progression importante chaque année. Est-ce que le contrat était rempli cette année ?

Oui bien sûr. Cette année, le résultat économique va être positif alors qu'on a réussi à garder nos valeurs en refusant les subventions publiques, les sponsoring privés et en privilégiant le développement économique local. Déjà on remercie les festivaliers qui ont répondu présents et qui nous ont permis d'être complet. Toutes les améliorations qu'on a mises en place ont fonctionné. Particulièrement les animations sur le camping. On a eu des retours très positifs du public par rapport à ça. On avait monté un chapiteau au milieu du camping pour créer du lien social et diffuser des documentaires en lien avec la musique jamaïcaine mais aussi avec les valeurs qu'on défend au No Logo comme l'écologie avec le film Demain ou aussi Merci patron pour faire réfléchir sur le système économique dans lequel on vit. Ça a bien fonctionné donc c'est très positif pour nous. Il y avait une vraie ambiance qui régnait sur le festival cette année et les gens l'ont senti. C'est notre volonté d'arriver à impliquer le festivalier comme acteur et non pas comme simple consommateur de l'évènement.



Chaque année, on sait que vous consultez beaucoup les festivaliers. Est-ce que vous avez déjà eu des retours et des demandes particulières ?

Chaque année on envoie une grosse enquête à nos festivaliers et on est en train de se pencher dessus en ce moment. Donc on n'a pas encore les résultats. On est en train de les consulter sur comment ils voient le festival à court, moyen et long termes. Puisque notre schéma économique est fragile, il faut qu'on trouve des moyens de pérenniser l'évènement et c'est justement sur ces points-là qu'on va consulter le public pour voir jusqu'où on peut aller sans les brusquer. L'enquête va partir au mois de novembre et on va bien sûr aussi les questionner sur la programmation comme on le fait chaque année. C'est toujours la volonté du No Logo de repartir sur de nouvelles bases avec le point de vue des festivaliers. Ce n'est pas à nous de décider.

Vous avez toujours consulté les festivaliers. Est-ce que vous avez déjà eu des demandes un peu insolites ou irréalisables les années précédentes?

Oui il y en a toujours qui délirent un peu bien sûr, mais c'est quand même assez constructif de manière générale. Par exemple, les animations sur le camping, c'était justement une demande récurrente et on l'a suivie. Sur le questionnaire qu'on a mis en place l'année dernière, les gens passaient en moyenne 16 minutes à y répondre, donc on se rend compte qu'ils se sentent impliqués. Je crois qu'on a un public assez fidèle, la preuve cette année on a vendu 10 000 pass 3 jours, ce qui est un record pour nous. Après, on en a toujours bien sûr qui nous réclament des trucs improbables comme des coffee shops sur le festival, un grand-huit ou une grande roue.



On imagine le rôle d'un directeur programmateur en amont du festival, mais quel est ton rôle pendant l'évènement ?

Je m'occupe des relations avec les représentants de l'Etat, de manager les équipes, je m'assure que tout fonctionne autant au niveau organisationnel que de l'accueil des festivaliers. Je gère aussi tous les petits détails de dernière minute même si cette année j'ai pas mal délégué. J'ai une équipe de régisseurs qui fait un travail phénoménal et c'est la première année où j'ai senti que j'avais un peu plus de temps. Je n'étais pas obligé de courir partout tout le temps.

Quels ont été les imprévus cette année ?
Cette année, on avait beaucoup anticipé donc on ne s'est presque jamais retrouvé dans la difficulté. Le seul véritable gros problème qu'on a eu c'est la noyade d'un jeune festivalier. Je n'avais jamais rencontré ce type de problème et je dois avouer que ça m'a pas mal secoué. C'était une équipe de six jeunes qui sont allés se baigner dans le Doubs et qui ne sont revenus qu'à cinq, mais ils ne se sont rendus compte de la disparition que 24 heures après. Nous on a été alertés au lendemain du festival donc ça a mis un coup au moral à toute l'équipe. Après quelques jours j'ai pris contact avec la famille pour aller présenter mes condoléances et je suis même allé à l'enterrement parce que ça me tenait à cœur. Cet accident n'est pas dû à un manque de sécurité sur le festival, mais c'est quand même arrivé en marge de la manifestation donc ça ne peut que nous toucher. Sinon en termes d'imprévus, il y a Jah Cure qui avait loupé son avion de Jamaïque donc il a fallu réserver un autre vol. Puis il a remplacé un artiste en Hollande à la dernière minute la veille de son passage au No Logo. Donc il est venu en train et il est arrivé deux heures seulement avant son show donc on a eu un petit coup de stress là-dessus, mais ça s'est bien géré. Il y a eu aussi un problème avec Israel Vibration puisque Skelly est venu seul. Wiss avait perdu son passeport donc il n'a pas pu voyager. J'ai eu peur moi, parce que j'adore Wiss et je me demandais vraiment ce que ça allait donner sans lui, mais finalement Skelly s'en est très bien tiré tout seul et j'ai trouvé le show formidable.



Malgré les menaces qui pèsent sur les Français, et notamment lors des gros rassemblements, le public a répondu présent. Quelles mesures de sécurité avaient été mises en place face aux risques d'attentats et as-tu personnellement gardé en tête cette menace pendant le festival ?
Oui ça a été compliqué. Nous on est implanté dans le Jura qui est un département test en termes de répression policière. On subit donc des conventions de gendarmerie très lourdes que beaucoup de festivals ne connaissent pas. J'ai fait des enquêtes auprès des directeurs de festivals en milieu rural et je peux vous dire qu'on ne nous facilite pas la tâche. C'est une lutte chaque année et cette année particulièrement à cause des attentats. On nous a demandé beaucoup de renforcements en termes de sécurité, mais de toute façon c'était aussi notre volonté, on avait besoin de rassurer les festivaliers. Après, je trouve que des fois ça va un peu trop loin. Il a même été question un moment d'annuler le festival. On a dû se battre pour qu'il ait lieu et que les conditions d'accueil des festivaliers soient respectables.

Cette année, le festival était complet sur les trois soirs. Avez-vous une marge de progression pour accueillir plus de monde ou êtes-vous prêts à envisager de changer de site ?
On n'a pas trop envie de changer de site. Celui-ci est tellement beau. Cette année on avait 12 000 personnes par soir, mais même au plus haut de la fréquentation, j'ai trouvé que c'était vivable, qu'on pouvait encore circuler assez facilement sans se sentir oppressé. Alors bien sûr il ne faut pas aller trop loin parce que ce n'est pas notre but de remplir pour remplir. Après on a des idées à creuser comme celle de cette année où on avait installé un chill out à l'entrée pour désengorger un peu. On va peut-être réfléchir aussi à déplacer le Dub Corner, ce qui nous permettrait d'ailleurs de le faire jouer un peu plus longtemps et pas seulement en inter-plateaux. Il y a aussi la possibilité de faire quatre jours de festival. Ce qui est sûr c'est qu'on y réfléchit, mais notre but n'est pas de devenir une grosse machine. On veut garder notre esprit familial.

Votre schéma économique est pour le moins surprenant à l'heure où beaucoup de festivals disparaissent à cause des baisses de subventions. On sait que les festivals se regardent beaucoup les uns les autres et communiquent beaucoup entre eux. Est-ce que certains sont venus vous questionner là-dessus ?

Oui bien sûr on me demande beaucoup comment on fait. Alors la clé c'est d'être un peu fou et d'y croire à fond ! Quand on montre le budget prévisionnel du festival, on nous dit qu'on est complètement dingues parce que le risque est énorme. Mais moi je suis persuadé qu'il faut un brin de folie pour faire changer les choses. Après, je suis conscient que les subventions sont très importantes pour la diversité culturelle et la mixité sociale. Mais un gros festival, il ne faut pas se mentir, ça génère beaucoup d'argent. Quand tu regardes les grands festivals français, leurs subventions ne représentent que 8 à 10 % du budget, mais mis bout à bout, ces petits pourcentages représentent environs 1 million d'euros. Et moi j'aimerais bien que cette somme aille plutôt dans la création artistique et dans l'aide aux nouveaux projets. Je considère la subvention comme une aide au départ pour des projets difficilement rentables, notamment en milieu rural. Mais des gros évènements comme le nôtre peuvent se débrouiller sans subventions, on en est la preuve.

Vous n'envisagerez donc jamais de changer de schéma, même dans l'optique de faire progresser le festival ?
Non. Notre schéma économique restera le même. On ne veut pas être récupéré par les politiques ou des privés. On se pose des questions pour pérenniser l'évènement bien sûr, mais ça ne passera pas par le sponsoring ou les subventions. On se doit de garder nos valeurs par respect pour les festivaliers.





Pour finir, quels ont été tes coups de cœur cette année ?
J'ai beaucoup apprécié la présence de Dub Inc pendant deux jours sur le festival. Ils sont venus profiter eux aussi et on les a vus traîner sur le site, prendre des photos avec les gens et ça c'était chouette. Ça correspond aussi à notre état d'esprit. C'est pareil avec Damian Marley qui a passé un peu de temps sur les stands dans une ambiance très détendue. Sinon, sur scène, je le redis mais j'ai été bluffé par la prestation de Skelly d'Israel Vibration en solo. J'ai bien aimé Flavia Coelho aussi et son sourire et je garde un coup de cœur spécial pour Sir Jean que je connaissais déjà, mais que j'ai revu avec beaucoup de plaisir dans sa formule afrobeat.

Par Propos recueillis par Ju-Lion
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