Reggae Vibes : entretien avec G. Pytel
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Reggae Vibes : entretien avec G. Pytel

 

A l'heure où la culture subit une crise sans précédent, les médias culturels sont touchés par ricochet de plein fouet par une baisse drastique des recettes publicitaires et leur existence est gravement mis en péril. Votre site préféré reggae.fr lui-même en souffre et vous nous avez touchés par votre solidarité au début du mois lors de notre appel au don.

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C'est aujourd'hui au tour du seul magazine papier dédié au reggae d'en appeler à l'aide. Reggae Vibes Mag a besoin de vous. Le mensuel, devenu bimestriel, puis trimestriel il y a peu a donc lancé un appel au don sur Leetchie, afin de sauver le magazine. Le dernier numéro du mag vous est offert en téléchargement en contrepartie.

A l'occasion de cet appel à soutien, nous nous sommes entretenus avec Gilbert Pytel, rédacteur en chef du magazine.

 

Reggae.fr : Reggae Vibes a lancé une cagnotte en vue d’obtenir de l’aide face aux conséquences de la crise du Covid-19, comme beaucoup de médias, peux-tu nous en dire plus sur les difficultés rencontrées ?
Gilbert Pytel : En tant que magazine papier, notre situation financière dépend de deux sources essentielles de revenus : les ventes en kiosques et la publicité. Si le magazine garde depuis quelques années un gros noyau dur de lectrices et de lecteurs fidèles, il n’en est pas de même pour le chiffre d’affaire publicitaire. En effet, de nombreux labels spécialisés ont disparu au fil du temps et ceux qui existent toujours ont réduit drastiquement leur nombre de sorties d’albums et donc leur budget promotionnel. En mars dernier, la crise du Covid-19 est apparue avec des conséquences dramatiques : tous les festivals d’été programmant du reggae ont été annulés et plusieurs albums prévus pour ce printemps ont été remis au début de l’année 2021. Résultat, nous avons perdu en quelques jours plus d’un quart de nos revenus. La seule solution qui s’offrait à nous était la création d’une cagnotte afin de demander de l’aide à tous les amateurs de reggae en France.

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De nombreux magazines tous styles de musique confondus ont lancé le même genre d’initiatives... c’est inquiétant. Penses-tu que cela soit la fin de la presse musicale ? Peut-elle rebondir et comment ?
La majeure partie des magazines papiers ont été impactés par la crise du Covid-19. Tout d’abord, beaucoup de kiosques sont restés fermés durant toute la période du confinement général. Quant à ceux qui sont restés ouverts, ils ont subis une énorme chute d’activité : les gens sont avant tout sortis de chez eux pour subvenir à leurs besoins vitaux, dont la presse ne fait pas partie. Certains hebdomadaires ou mensuels ne sont d’ailleurs même pas sortis en version papier durant les mois de mars et d’avril. Je ne pense pas que ce soit pour autant la fin de la presse musicale. Quant à savoir comment elle va rebondir, il est encore difficile de le savoir à l’heure actuelle. Même si les temps sont très difficiles, je suis persuadé que plusieurs supports vont surmonter les difficultés et continuer à paraitre alors que d’autres attendront plutôt l’année prochaine avant de revenir en kiosque.? ?

Reggae Vibes est l’héritage d’un magasine historique, peux-tu nous rappeler les débuts de Ragga mag ? Le pourquoi de son évolution en Reggae Vibes ?

Ragga magazine est né à la fin de l’année 1998 avec un postulat de départ qui reste toujours valable aujourd’hui avec Reggae Vibes : celui de couvrir l’actualité de toutes les musiques liées à la Jamaïque (reggae, dancehall, ska, rocksteady, dub etc.). Après la faillite de notre éditeur historique, en 2007, j’ai mis plus d’une année pour retrouver un nouveau partenaire. Comme le nom de Ragga ne m’appartenait pas, il a fallu repartir avec une nouvelle dénomination et j’ai choisi Reggae Vibes. Notre premier numéro est sorti en juin 2008 et dernièrement nous avons aussi ajouté un supplément thématique sur le hip hop, la soul et le R&B de qualité.



 Combien de personnes travaillent sur Reggae Vibes ? Y a t-il des bénévoles ?
Je suis le seul « permanent » dans le magazine même si ce n’est pas mon unique activité professionnelle. Je suis entouré d’une équipe de pigistes spécialisés dont la plupart travaillent avec moi depuis plus de dix ans. Nous avons également une armée de soldats bénévoles qui nous donnent un véritable coup de main en faisant des interviews ou en gérant une rubrique spécifique. ?

Depuis quelques temps on avait déjà senti quelques difficultés subies par la Mag, avec notamment le passage, à un magazine à double volet depuis quelques mois et plus récemment une parution trimestrielle et non plus bi mestrielle. Nous mêmes reggae.fr avons été sauvés par nos internautes.... Faut-il réinventer le business model de la critique reggae ?
Pour notre part, en tant que magazine papier, nous sommes forcément tributaires d’un business model issu de « l’ancien monde » : nous ne pouvons malheureusement pas survivre sans l’apport de la publicité. Pourtant, je pense qu’une certaine critique reggae est aujourd’hui plus que nécessaire. En effet, même si on a un quasi libre accès gratuit à toutes les musiques qui se créent dans le monde, il est impossible de tout écouter et de tout connaitre. On a donc plus que jamais besoin de personnes pour défricher le terrain et mettre en avant des artistes plutôt intéressants et originaux. Ensuite, peut être que l’avenir de la presse reggae passera plutôt par des formats hybrides, entre magazine, revue et livre avec des grands dossiers, des reportages et des enquêtes approfondies. Reste encore à savoir s’il existe en France un public assez important pour ce genre de presse.

Penses-tu que le reggae soit particulièrement vulnérable en ces temps de crise ? Comment expliques-tu ces vulnérabilités ?

Je pense que la crise actuelle révèle plus globalement la vulnérabilité globale de toutes les cultures qui évoluent en marge des musiques « mainstream ». L’âge d’or du reggae en France n’est plus qu’un lointain souvenir. Depuis une bonne dizaine d’années, cette musique est retournée dans l’underground. Il est de plus en plus difficile aux activistes de se faire entendre en dehors d’un petit cercle de résistants. Une nouvelle génération d’auditeurs apparait toutefois même si leur intérêt pour l’histoire du reggae et de ses acteurs est nettement moindre par rapport à la précédente. On peut le déplorer mais on est obligé de tenir compte de cet état de fait.

Le prochain numéro prévu pour l’été est-il garanti ? Qu’aimerais-tu y mettre ?

Si nous n’arrivons pas à obtenir le résultat escompté avec notre cagnotte, j’ai bien peur que nous ne puissions pas sortir le magazine prévu cet été et sans doute pas également celui de cet automne. Le nouveau numéro est pourtant déjà quasiment terminé avec de nombreuses interviews d’artistes Jamaïquains et français, mais aussi un dossier sur l’histoire du reggae digital, un portfolio sur un peintre de rue en Jamaïque et énormément d’hommages sur les trop nombreux artistes yardies décédés ces dernières semaines. Je viens également de terminer le CD Sampler avec un track-listing de 15 titres extrêmement variés.



Qu’écoutes-tu en ce moment ?

Des artistes et des styles très différents en provenance du monde entier. De plus, je ne me focalise pas uniquement sur des nouveautés et je peux remonter facilement jusque dans les années 60. Comme j’écoute de la musique plus de dix heures par jour, une liste exhaustive serait trop longue à publier. Je pourrais néanmoins citer des nouveautés d’artistes comme Buju Banton, Brahim, Taïro, Pierpoljak, Alpheus, Govana, Chezidek, The Ethiopians, I-Taweh, Augustus Pablo, Mortimer, The Magnetics, The Delirians, North East Ska Jazz Orchestra, Tryo, Dub Inc, Richie Spice, El Indio, Arise Roots, The Chosen Few ou Al Third. ? ?

Quels sont tes derniers coups de cœur reggae ?

Un peu comme beaucoup de gens je suppose : la nouvelle génération d’artistes féminines qui explose en ce moment en Jamaïque, Koffee, Lila Iké, Sevana, Aza Lineage, Jah9 ou Naomi Cowan. Les femmes prennent enfin le pouvoir en Jamaïque et c’est une excellente nouvelle.

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Par Propos recueillis par LN et Alexandre Grondeau
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