La scène reggae roots de Reims
dossier Reggae français 14

La scène reggae roots de Reims

Tout commence dans les années 1989-90 avec Oracle, groupe mythique de la scène reggae roots rémoise fondé par le très charismatique et vibrant Joël Cheron, plus connu sous le nom de Mojah. De ce groupe, qui se sépare en décembre 1993, naît Kayans (pour Kaya and Soul) avec à sa tête Jean Michel Ivanes dit Jimaï (ex-batteur/ bassiste d’Oracle). Au milieu des années 1990, Oracle, doté d’une nouvelle formation, et Kayans symbolisent alors le noyau dur du mouvement reggae roots rémois, influençant une multitude d’artistes, dont : le révolté et très engagé David « Dave » Seydi qui contribue à la création de Blueskank en 1995; Mam et Fatiha qui fondent le groupe Life Tree en 1998 ; l’hypnotique et très polyvalent Zé Jam qui, depuis 1994, enchaîne les collaborations (Chicken Rice, Blueskank, Original Spirit, Lick Zamba, Sangatiti, Kayans, Saye Di A Sound System, Vincent Courtois, Francis Le Bras etc.); et Azkane, actif à Reims depuis le début des années 2000. Dans la même veine, le dernier-né des groupes est Mr Haze & the Sons of Africa (2006). So fasten your seat belts and let’s go back to this amazing story… ORACLE (1989-1997) Tous ceux et celles qui ont eu l’occasion de voir Oracle en live, s’accordent à dire qu’il s’agit du groupe le plus roots, le plus brut et avant-gardiste de toute l’histoire du reggae rémois, voire même pour certains du reggae français. La solide réputation du groupe émane de la personnalité de son sulfureux et charismatique leader, Mojah, autodidacte, multi-instrumentiste et chanteur à la voix dense, ample, rocailleuse et « pleine d’émotion qui ne laisse personne indifférent» selon Godwill (ancien guitariste solo d’Oracle, de Kayans et d’Alpha Blondy). Ce dernier ajoute qu’ «il a mis le pied à l’étrier à quasiment tous les musiciens de reggae de Reims y compris à moi-même ». Pour Dave de Blueskank, Mojah c’est, sans hyperbole, « le Bob Marley malgache ! ». Revenons donc sur la genèse de ce phénomène Oracle avec Jimaï (ex-batteur/ bassiste d’Oracle) qui se remémore les débuts avec nostalgie : « à l’origine du groupe, dans les années 1989-90, il n’y avait que Mojah et un réunionnais, Jean-Paul, qui jouait du clavier. C’était mon voisin, à Bonaparte dans le quartier Croix-rouge. Je le connaissais et j’allais donc de temps en temps chez lui. Un jour, j’y ai croisé Mojah et c’est comme ça qu’on a commencé à jouer ensemble : Jean-Paul au clavier, Mojah à la guitare et au chant et moi aux congas. Mais à l’époque, il n’y avait pas encore de groupe, on jouait juste comme ça, pour le fun. Puis, un jour, Mojah est venu chez moi et m’a dit qu’il voulait faire un groupe et qu’il cherchait des musiciens. C’est ainsi qu’il ma proposé de jouer de la batterie car il savait que j’en avais déjà joué auparavant dans un groupe de rock – dans lequel je jouais d’ailleurs avec Mam de Life Tree. Connaissant le gars et ayant déjà entendu sa voix, je savais qu’il avait un fort potentiel pour réussir. De plus, la vibe qu’il dégageait m’avait quelque part subjugué; lorsqu’on jouait ensemble, j’en avais des frissons. J’ai donc immédiatement accepté sa proposition et laissé tomber la fac. C’est ainsi que le groupe est né. Au départ il y avait donc Mojah (guitare rythmique, chant), Nirina Rakotonoël dit Billy Ray Valentine (clavier) – Jean-Paul avait dû rentrer à la Réunion suite à des problèmes familiaux et c’est Billy qui a pris sa place – un néo-calédonien qui s’appelait Sonny (basse) et Marie-Louise, la sœur de Mojah qui venait parfois faire les chœurs. Voilà la formation originelle ! Photo 1 : Mojah au chant et Sonny à la basse au début des années 1990 au Centre Social Watteau à Reims. On a commencé à faire quelques concerts à Reims, ce qui nous a permis d’acheter un peu de matériel, dont une guitare pour Mojah et une basse pour Sonny qui a malheureusement dû, lui aussi, rentrer urgemment en Nouvelle-Calédonie à cause de problèmes personnels. La veille de son départ, il est venu chez moi et m’a donné sa basse, me confiant son poste de bassiste au sein du groupe. C’est ainsi que je suis devenu le bassiste du groupe et qu’on a recruté à la batterie, Barou, un pote malien, un super batteur qui sortait de l’école de batterie Dante Agostini. Par la suite, on a recruté Fabien Marly dit Slide (trombone), qui avait obtenu le premier prix de trombone au Conservatoire de Reims et qui nous a amené son binôme et cousin, Guillaume Didier dit Dee-Guy (trombone). Et là, pour moi, c’était l’apothéose ! Ce groupe-là, c’était LE GROUPE avec Barou à la batterie, Slide et Dee-Guy aux cuivres, moi à la basse, Billy au clavier et Mojah à la guitare et au chant. D’ailleurs Mojah, quel chanteur ! J’ai vu plein de chanteurs dans ma vie, aussi bien en France qu’à l’étranger, mais je n’en ai jamais vu qui dégagent autant d’émotion, en plus dans une langue que je ne comprends pas, le malgache. Mojah, c’est l’émotion pure, l’exception, c’est l’Artiste avec un grand A. Ce gars il est mystique ! » Cette formation d’Oracle dont nous parle Jimaï date des années 1991-92. À cette époque, le groupe fait de nombreux concerts à Reims et ses alentours, ainsi qu’à l’extérieur, à Annecy par exemple ou à Châtillon-sur-Seine en première partie de MC Solaar lors de sa tournée « Bouge de là ». Le départ de Barou vers 1992 entraîne l’arrivée de Christian Levry alias Chris ou Gbele (batterie, percussions). D’autres changements interviendront avec la venue de Jean-Michel Londas dit Iwe (guitare solo), Slide passe alors à la basse en plus des cuivres et Jimaï à la guitare rythmique avant de se mettre progressivement au chant. Photo 2 : Oracle en concert dans un club de la ville en juillet 1993. On distingue : Mojah (chant), Dee-Guy (clavier), Chris (batterie), Billy (guitare) et Slide (basse). Photo 3 : Jimaï à la guitare ; on peut distinguer Mam de Life Tree dans le fond (juillet 1993). En 1993, le groupe enregistre deux titres, « Mit San Ganava » (chanté par Mojah) et « Irie » (chanté par Jimaï), sur une compilation locale, Créons de Couleurs, avant de se séparer en décembre de la même année. En effet, pour des divergences d’opinion sur le fonctionnement du groupe, les membres d’Oracle se scindent en deux clans : Mojah et Billy d’un côté, Jimaï, Iwe, Slide, Dee-Guy et Chris de l’autre. Ces derniers fondent Kayans en 1994. Quant à Mojah et Billy, ils décident de continuer l’aventure Oracle en donnant leur chance à une bande d’amis d’enfance qui se font appeler les Bobols (un mot dérivé du surnom de Robert Nesta Marley, Bob), composée de Sylvain alias Schnoops, Edouard, Saïd, Aristide dit Faya, Jacques Wagala et Nabil Guermat. Cette seconde formation d’Oracle « était une véritable école » souligne Jacques. « Nous débutions dans la musique, mais Mojah a cru en nous et nous a donné une chance ; il a pris le temps de nous former musicalement, l’un après l’autre, et de nous apprendre à jouer de différents instruments » ajoute-il. Cette nouvelle formation est certes, « moins expérimentée que le premier Oracle d’un point de vue musical, mais encore plus authentique et plus roots» d’après de nombreux amateurs de reggae rémois. D’ailleurs, pour Mojah, « le deuxième Oracle compte plus que le premier car avec les Bobols, Oracle formait une vraie famille ». De même, pour Dave de Blueskank, « le véritable Oracle c’est le deuxième car il n’y avait que des rude boys dans ce groupe! » En effet, cette seconde formation d’Oracle se différencie de la première dans le sens où il n’y a, pour ainsi dire, que des jeunes de quartiers formés sur le tas et dotés d’une personnalité bien définie. Photo 4 : des membres de la 2nde version d’Oracle. De gauche à droite : Schnoops, Mojah, Saïd , Jacques, Edouard et Faya. Au début, le groupe peine un peu à trouver ses marques mais donne tout de même de très beaux concerts, notamment lors des premières parties de Burning Spear (le 1er février 1994) et des Wailers (le 5 juin 1994) qui ont toutes deux lieu à l’Usine (la fameuse salle de la rue Lesage dirigée à l’époque par Michel Jovanovic, fondateur de Mediacom, l’une des plus grandes agences européennes de management d’artistes reggae, dont les bureaux sont toujours à Reims). En 1995, Billy quitte Reims ; le groupe s’affine et se compose désormais de six membres qui formeront le socle d’Oracle : Mojah (chant, guitare rythmique), Godwill Lemon alias Hendrix (guitare solo), Faya (guitare rythmique, percussions ; pour la petite info, Faya qui est gaucher joue avec une guitare de droitier en ayant inversé les cordes), Jacques (basse), Nabil Guermat (batterie) et son frère cadet Karim Guermat alias Mamabed (clavier). Pendant deux ans, le groupe va alors se produire dans de nombreux bars, salles et discothèques, faisant frissonner le public à chaque concert. Parmi ces lieux où joue Oracle, citons, entre autres, l’incoutournable Usine (notamment lors d’un mémorable hommage à Bob Marley avec Kayans et Chicken Rice, un groupe afro-reggae de Château-Thierry), le Château d’eau à Croix-rouge, le Happy Days de Rethel et le Lac de Béron qui sera le dernier concert du groupe avant sa séparation définitive fin 1996. En effet, déchirés par des relations internes tendues, les membres d’Oracle décident d’un commun accord d’arrêter le groupe, pourtant en pleine ascension, ce qui met fin à cette légende du reggae rémois. Hendrix jouera par la suite avec Kayans dans lequel il sera surnommé Gitsy ; Nabil rejoindra Blueskank, Life Tree puis Kayans; Mamabed rejoindra également Life Tree ; Faya s’installera à Montpellier où il sortira un album Lasso Na Lasso sous le nom de Faya Dread ; et Jacques vit aujourd’hui sur Paris où il monte actuellement un label (5.1) et travaille sur un projet de compilation avec des artistes comme Princess Erika, Manu de Baobab, Takana Zion, Mo’Kalamity et l’un des meilleurs backing band de Paris, le RMI Reggae Music International, composé entre autres de Junior & RiChacha (Alpha Blondy, les Wailers, Jimmy Cliff, Third World, U-Roy). Quant à Mojah, après quelques expériences en solo et un petit passage à vide, il se pourrait qu’il revienne sur le devant de la scène et qu’il soit présent sur la compilation de Jacques. Photo 5 : Oracle en répétition en 1995 chez Sylvie. De gauche à droite : Hendrix, Faya, Jaques, Mojah, Mamabed et Nabil. Concluons sur ces mots, d’après Zé Jam : « Mojah, c’est un mystique, un mystique qui vit sa musique hors scène et sur scène. C’est un chaman car il se fiche des retombées sociales de son art ; il est possédé par son art. Il est dans un voyage et ce sont ceux qui sont autour de lui qui peuvent découvrir les couleurs de cet art. C’est un peu comme l’image de l’albatros ». Il n’a vraiment pas tort puisque Mojah, lui-même, dit : « je suis un navigateur, un navigateur social, spirituel et musical ! » Contact : Jacques Walaga : 06 73 25 01 57 KAYANS (depuis 1994) Comme nous l’avons vu plus haut, le groupe s’est formé début 1994 après la séparation de la première formation d’Oracle. Au départ, il y a donc Jimaï (chant, guitare rythmique), Dee-Guy (clavier), Slide (basse), Jazz (trombone), Chris (batterie) et Iwe (guitare solo). Kayans développe alors un style roots qui est le fruit d’une recherche permanente et d’une osmose musicale. Après seulement quelques mois d’existence, le groupe s’appuie sur ses premières compositions pour assurer, à l’Usine, la première partie d’Israël Vibration (avril 1994) et des Wailers (juin 1994, Oracle fait d’ailleurs partie du plateau). S’ensuit une tournée estivale dans des cafés-concerts du sud-est de la France, puis à nouveau la première partie des Méditations (novembre 1994). Photo 6 : Kayans à ses débuts. De gauche à droite : Slide, Iwe, Jimaï, Chris (accroupi), Jazz et Dee-Duy. L’année 1995 débute par la première partie de Culture à l’Usine, suivie de l’hommage à Bob Marley mémorable, toujours à l’Usine. Cette année sera également ponctuée par l’enregistrement de cinq morceaux sur cassette (réalisation sur 8 pistes TASCAM 688). L’année suivante est marquée par des changements importants dans le groupe qui se consolide : Slide et Iwe quittent le groupe et sont remplacés respectivement par JP Aboley à la basse et Godwill, dit désormais Gitsy, à la guitare solo ; de même, arrivent deux nouveaux, Fabien « Juanet » Roynette aux percussions et surtout Morad Khatib alias le Doctor Wise (clavier, trombone) qui deviendra le véritable bras droit du leader incontesté du groupe, Jimaï. En 1996, Kayans tourne sur la côte méditerranéenne et dans le sud-ouest entre Bordeaux et Bayonne, puis se produit en fin d’année devant 2500 personnes lors du Festival Octob’rock (Reims). La soirée réunit Kayans, Niominka-bi, LKJ et Alpha Blondy. En 1997, ils enregistrent un quatre titres, Livin In Hope, tiré à 1100 exemplaires, et font une nouvelle tournée de vingt-sept dates dans la région bordelaise. Photo 7 : Kayans en novembre 1998. De gauche à droite : Chris, JP, Dee-Guy, Jimaï, Doctor Wise et Guitsy. L’année 1998 est marquée par le Printemps de Bourges (scène ouverte) et une tournée de cinq dates avec les Gladiators. L’année suivante, Gunman qui remplace JP à la basse arrive au sein du groupe, s’ensuit une tournée nationale de treize dates avec les Gladiators. En 2000, les Kayans préparent une tournée de six semaines au Bénin et enregistrent dès le début de l’année une cassette comportant huit titres, Lovin You, un travail qui servira à la promotion de la tournée qui se déroule du 22 juillet au 10 septembre. Durant ce séjour, le groupe donne une quinzaine de concert dont un au Stade de l’Amitié de Cotonou devant 30 000 personnes. À leur retour, les Kayans intègrent la prestigieuse écurie de la société Mediacom et enregistrent leur premier véritable album, Perds la raison, qui sort en 2002. Cette année-là, le groupe tourne avec les Gladiators (quinze dates dont le Zenith de Paris). Ils consolident aussi un projet qui leur tient à cœur, la création d’un studio d’enregistrement : le System Dub. S’ensuivent des années un peu plus calmes au niveau tournées, destinées surtout à l’enregistrement de maquettes d’albums. Des changements s’opèrent aussi au sein du groupe : en 2003, Chris est remplacé par Nabil (ex-Oracle) ; en 2004, Gunman quitte les Kayans, remplacé par un ancien membre, Slide. En 2006, les Kayans reviennent avec un nouvel album, Zion, enregistré avec les Gladiators au studio Anchor à Kingston (Jamaïque). Après quelques datent ayant servi à promouvoir l’album (à la Cartonnerie de Reims le 1er avril 2006 ; au Festival Transes Atlantic de Safi, au Maroc, en juillet 2006 ; à l’Elysée Montmartre le 28 janvier 2007 etc.), le groupe envisage déjà de sortir un prochain album. À noter le départ de Godwill en avril 2006, débauché par Alpha Blondy avec qui il jouera jusqu’en juin 2007. Aujourd’hui, la nouvelle formation des Kayans est donc la suivante: Jimaï (chant, guitare rythmique), Doctor Wise (clavier, trombone), Pascal Miseria alias German (batterie), Slide (basse), Iwe (guitare solo), Arnaud Cochenet (trompette), Nicolas Vasquez (trombone) et Christelle (Chœurs). Photo 8 : Kayans à l’Elysée Montmartre le 28 janvier 2007 : Iwe (guitare), German (batterie) et Jimaï (chant). Discographie : Kayans, Perds la raison, Mediacom, 2002. Kayans, Zion, WTPL Music/ Kayans, 2006. Contact : kayans@hotmail.com http://www.myspace.com/kayansrootsreggae http://www.myspace.com/kayansreggae BLUESKANK (1995-1998) Le groupe Blueskank naît en 1995, à la Cité universitaire Gérard Philipe (GP), de la rencontre entre trois étudiants, Adebo, dit Ade (originaire du Bénin), Dave (originaire du Sénégal) et Didier « Daïder » Goba (originaire de Côte d’Ivoire). En fait, selon Dave, c’est Daïder, alors batteur de Chicken Rice, qui pousse ses deux amis à monter un groupe. « On aimait le reggae et on avait l’habitude de faire des bœufs à GP. Un jour, Didier nous a demandé – pourquoi on ne ferait pas un groupe ? Et c’est parti de là», dit-il. « Ade est vite parti, et Didier et moi avons cherché d’autres musiciens. C’est ainsi, qu’au fil du temps, on s’est retrouvé avec Didier à la batterie, Fabien David aux percussions, Nabil au clavier, Pierre Dufosse à la guitare solo, José Pinto à la basse, Omar Moubine au clavier et aux choeurs, Antoine Lorain au saxophone et moi au chant, à la rythmique et aux chœurs », rajoute-t-il. Dave est tombé tout jeune dans le reggae par le biais de son père qui l’initia à Tosh, Burning Spear et autre Morley ; il est aussi à l’époque fan d’Oracle (« il m’arrivait de sécher la fac pour aller assister aux répétitions d’Oracle qui avaient lieu chez Karim et Nabil » m’avoua-t-il un jour, avant de me confier « quand Mojah chantait, j’en tremblais »). Il est donc tout naturellement propulsé chanteur du groupe. Viendront ensuite se greffer Mam (saxophone, chœurs) et Jam (chant, chœurs). Dès lors, réunis autour de la même passion pour le reggae, ces musiciens jouent une musique reggae-blues sur fond d’harmonies vocales, soutenue par des textes engagés. On se souvient, en effet, de titres comme : « Africa » (composition de Dave), qui pointe du doigt l’exploitation de l’Afrique par les Occidentaux ; « Hear Them Cry » (composition de Dave), un morceau à l’égard des sufferers ; « Mystic Country » (Dave) ; « Promised Land » (Dave) ; « White Mask » (Dave), dénonçant les Noirs complexés vulgairement appelés « bounties » ; et « Mabouni » (composition de Jam), signifiant « j’y crois » en bulu (langue parlée principalement au Cameroun) et traitant des ravages du virus Ebola et du SIDA. Le style de ces jeunes musiciens puise son originalité dans la diversité de leur origine, culture et influences. Photo 9 : Blueskank en concert au Tigre. Dave (guitare, chant) et Jam (chant). Parmi leurs prestations, citons notamment : la première partie des Gladiators et de Max Romeo à l’Usine (27 mai 1997) ; la première partie de Sinsemilia et de Sergent Garcia à l’Usine (16 octobre 1997) ; la première partie de Lee Scratch Perry à la Laiterie à Strasbourg (fin décembre 1997) et la première partie de Mutabaruka à l’Usine (6 février 1998). Blueskank se sépare en 1998, certains membres arrêteront la musique, d’autres, en revanche, comme Dave, Didier ou Nabil rejoindront Life Tree (fondé par Mam et Fatiha début 1998). D’autres enfin comme Jam continueront leur carrière en électron libre, multipliant encore et toujours les collaborations. LIFE TREE (depuis 1998) Mam et Fatiha sont les deux membres fondateurs de Life Tree. « Life Tree a commencé à se former quand je jouais encore dans Blueskank, à la grande époque de l’Usine », dit Mam. « En fait, lors de nos premiers concerts, on était backé par les Blueskank » ajoute-t-il, « puis, lorsqu’ils se sont séparés, on a récupéré quelques membres du groupe ». En effet, les premiers membres de Life Tree sont Dave (basse), Didier (batterie), Fatiha (chant, choeurs), Mam (chant, chœurs, saxophone), Omar (clavier), Pierre (guitare rythmique) et Iwe (guitare solo). Par la suite, Nabil remplacera Didier à la batterie, avant de céder sa place à Chris qui jouera dans le groupe pendant 5 ou 6 ans. Quant à Mamabed (ex-Oracle), il prendra la place d’Omar au clavier. Aujourd’hui, le groupe se compose de Romain (clavier), Fatiha (chant), Mam (chant), Simon (batterie), Clément (guitare) et Dave (basse). Photo 10 : de gauche à droite : Romain, Fatiha, Mam, Simon, Clément et Dave en 2007. Comment définir Life Tree ? C’est un groupe de musiciens réunis autour d’un même esprit d’unité et ayant la volonté de prolonger un message de paix au nom de toutes les différences. Life Tree, c’est aussi l’arbre de vie, symbole de la vie physique et spirituelle, universellement répandu dans toutes les cultures tout comme le message profond des racines du reggae. Life Tree, c’est enfin le reggae au féminin et au masculin, s’attachant à trouver l’harmonie vocale afin de faire passer l’émotion des moments accomplis à travers charme et douceur, mais aussi plainte et révolte. Parmi les morceaux à succès de Life Tree, citons notamment : « Jah Driver » ; « Birds » ; « Harmonie » ; « Song Of Hope » et le texte de Martin Luther King « I Have A Dream ». Concernant les concerts, voici une liste non exhaustive des lieux où ils se sont produits : la Cité à Troyes (novembre 2001) ; le Kraft à Reims (janvier 2002) ; l’Orange Bleue à Vitry-le-François (mars 2004) ; la Médiathèque Cathédrale à Reims (décembre 2006) etc. Contact : Mam : 06 12 72 61 03 ou lifetree.reggae@gmail.com http://life.tree.free.fr/ ZE JAM (depuis 1994) Ze Jam, qui déborde de musicalité et d’inventivité, revient brièvement sur son parcours musical et ses nombreuses collaborations : « j’ai commencé avec Chicken Rice pour payer mes études ; c’était exactement après la dévaluation du Franc CFA en 1994. [Notons que Jam est arrivée du Cameroun en 1986 pour poursuivre ses études ; il est titulaire d’un DEA de droit]. Je recevais mon argent du pays, mais après la dévaluation on ne pouvait plus rien m’envoyer, donc je me suis lancé dans la musique pour subvenir à mes besoins. Au début, c’était alimentaire, dirons-nous. D’autant plus que le reggae, ce n’était pas trop mon truc à l’époque car moi j’étais plutôt branché gospel. Donc je jouais avec Chicken Rice, et je me souviens qu’un jour, Mojah m’a contacté pour jouer dans Oracle. On a fait une répétition ensemble, lui, moi et Billy, et ils étaient satisfaits du truc. Mais Mojah m’a dit que si j’acceptais de jouer dans Oracle, je devais arrêter de jouer avec Chicken Rice. Or, moi j’avais besoin de manger et donc de jouer un maximum. J’ai donc été contraint de refuser leur proposition. Au fil du temps, j’ai pris goût au reggae et c’est pour cela que j’ai quitté Chicken Rice dont les membres étaient tiraillés entre faire du reggae ou faire de la musique afro. Photo 11 : Jam et Jano dans Chicken Rice au milieu des années 1990. Ensuite, vers 1996, David m’a proposé de jouer dans Blueskank. L’aventure a duré un ou deux ans. J’ai ensuite fait du sound system avec Arnaud Houndjo et Yoann Ruin (Original Spirit), parallèlement j’ai intégré Lick Zamba. En effet, un groupe de jeunes m’a contacté pour être le chanteur de leur groupe qui n’avait d’ailleurs pas encore de nom. J’ai accepté et appelé le groupe Lick Zamba. On a fait pas mal de dates ensemble et beaucoup de compositions. Je me souviens de titres comme « Are You Ready », « Weather Man » qu’on reprenait presque à chaque concert. Photo 12 : Zé Jam dans Lick Zamba au début des années 2000. Puis certains des membres on décidé d’arrêter le reggae pour revenir à leur famille originelle, à savoir le rock. Le groupe s’est donc séparé, et j’ai poursuivi mon parcours musical avec JP Aboley que j’avais rencontré lorsque je jouais dans Chicken Rice. Un jour, il avait besoin d’un conteur pour une manifestation qu’il organisait et a fait appel à moi. C’est comme cela qu’est né le groupe Sangatiti avec Christian Levry. On était trois au début, puis on s’est retrouvé à deux, moi (chant, conte) et Chris (percussion). C’était minimaliste et très roots ! J’ai donc continué avec Sangatiti d’un côté et le sound system de l’autre. Puis, j’ai voulu remplacer les versions du sound system par un vrai groupe et j’ai fait appel aux Kayans pour me backer ; j’utilisais alors mon nom traditionnel : Oshu Bita qui est aussi devenu mon nom de conteur lorsque Sangatiti s’est arrêté. Enfin, j’ai travaillé de manière ponctuelle avec le sound system Saye Di A Sound System. Parallèlement à la scène reggae, je travaille depuis quelques années avec des musiciens de jazz dont Vincent Courtois et Francis Le Bras. J’interviens d’ailleurs sur l’Album de Vincent Courtois, Les Contes de Rose Manivelle ». Photo 13 : Zé Jam alias Oshu Bita dans le bureau du label Roots Vibes à Mailly-Champagne (octobre 2007). Contact : andre.ze-jam-afane@laposte.net AZKANE (depuis le début des années 2000) Originaire du Sénégal, Abdou Aziz Kane alias Azkane s’installe d’abord à Toulouse, en 1989, où il prépare un doctorat d’Anglais à l’Université de Toulouse II – Le mirail (sujet de sa thèse : Le leadership indépendant noir aux Etats-Unis (1980-1999), perspectives et limites). En 1992, avec son frère (Abdou Malick) et quelques amis (Yann et Ronan Clémenceau), il fonde le groupe Kaddu Africa, lequel tournera dans tout le sud-ouest. À partir de 1995, son groupe s’étant séparé, il décide de continuer à faire de la musique, seul, par le biais du home studio. Puis, fin 1999, son doctorat en poche, il quitte la « ville rose » pour venir s’installer à Reims où il rencontre les Kayans et assiste à la naissance de leur studio : le System Dub. Après quelques collaborations avec les artistes fréquentant le studio (Dr Wise, N’Dondoman, Mr Haze, Marie etc.) et quelques concerts pour tester la vibe rémoise (à la Rhumerie, au Tigre, au Tropical Café etc.) s’ensuit la réalisation de son premier CD (7 titres), To Be Or Not To Be, enregistré et mixé au System Dub. On retrouve également un de ses titres, « Doom », sur la compilation System Dub : First Shots, produite en 2005 par Kayans/ Roots Vibes Production. Depuis quelques temps, Azkane, auteur-compositeur-interprète engagé, s’est lancé dans l’auto-production, continuant, lentement mais sûrement, à distiller ses messages panafricains, en anglais et wolof principalement. On retrouvera normalement Azkane sur la prochaine compilation de Mr Haze (Roots Vibes) aux côtés de Max Romeo, N’Dondoman, Prince Mamba etc. Contact : azkane@numericable.fr MR HAZE & THE SONS OF AFRICA (depuis 2006) Le dernier né des groupes est Mr Haze & the Sons of Africa composé de Mr Haze (ingénieur du son), N’Dondoman (chant), Marie (chant), Prince Mamba (chant), Simon (batterie), David « Dave » (basse), Punky (guitare), Romain (clavier) et Mam (chœurs, saxophone, mélodica, percussions). Notons qu’il s’agit là d’un groupe très expérimenté puisque ses membres ont quasiment tous un passé musical extrêmement riche, à commencer par Dave qui n’est autre que le bassiste de Life Tree et l’ancien chanteur de Blueskank et Mam, le leader de Life Tree aux côtés de Fatiha. Citons également N’Dondoman, qui a plus de dix ans de sound system derrière lui (avec Général Good notamment) et qui a collaboré aux deux albums de Kayans, Simon, batteur de nombreux groupes dont Life Tree, et bien sûr Mr Haze, anciennement guitariste de Amalgam’ (rock) et bassiste des Manipulators (dub). Mr Haze & the Sons of Africa se sont produits, entre autres, au Dixi Café à Troyes ( 4 mai 2007) ainsi qu’en première partie de Nomades et Skaetera (N&SK) à la niche du chien à plumes en Haute-Marne (14 septembre 2007). Photo 14 : concert au Dixi Café. Parallèlement au groupe, Mr Haze et N’Dondoman on crée un studio d’enregistrement ainsi qu’un label, Roots Vibes Production, situés à Mailly-Champagne à côté de Reims. Le studio assure la réalisation des projets artistiques du label, mais est aussi ouvert à tous les artistes non affiliés au label. Parmi les réalisations du label, citons un quatre titres, Soul Roots (2005), System Dub : First Shots (2005) co-produit avec Kayans, et Baba, l’album du Burkinabé Ahmed Cissé (2007). Mr Haze et N’Dondoman s’apprêtent désormais à sortir un album, Mr Haze, qui devrait marquer la scène « reggae roots-dub » actuelle. Inspiré directement des sons de Lee Perry ou King Tubby, l’album commencera sur des versions pures roots pour progressivement intégrer quelques parties dubbées et enfin se terminer sur de purs dubs instrumentaux. Les morceaux chantés bénéficient de l’apport de grandes voix dont celle d’un des plus prestigieux chanteurs de roots jamaïcains, Max Romeo pour une version mémorable d’un de ses grands classiques « Blood Of The Prophet » rebaptisé pour l’occasion « They Have Killed The Prophet ». Également présents sur cet album : le très militant N’Dondoman, Marie, Live High & Natural High, Prince Mamba, Mam, Azkane etc. Photo 15: Mr Haze (à gauche) et N’Dondoman (à droite) se détendant après une séance de travail au studio. Discographie: Mr Haze, Soul Roots, Roots Vibes Production, 2005. Mr Haze, System Dub: First Shots, Kayans/ Roots Vibes Production, 2005. Ahmed Cissé, Baba, Roots Vibes Production, 2007. Mr Haze, Mr Haze, Roots Vibes Production, (sortie prévue décembre 2007). Contact: Mr Haze & the Sons of Africa: my space ou mrhaze@free.fr http://www.mrhaze.net http://www.rootsvibes.com http://www.myspace.com/mrhazedub http://www.myspace.com/rootsvibes GUNMAN (depuis 2007) On ne peut terminer cette rétrospective sans citer Gunman (ex-bassiste des Kayans) qui, une à deux fois par mois depuis début 2007, fait danser le public reggae rémois au son d’Alton Ellis, des Wailers, de Gregory Isaac et autre Beres Hammond lors des soirées « Gunman ina di Pop Art » au Pop Art Café (103 Rue de Neufchâtel) haut lieu de l’underground rémois. Photo 16 : le Pop Art Café. Photo 17 : Gunman (à gauche) et N’Dondoman (à droite). Concluons, en faisant un Big Up à Edouard dit « Doudou » de l’association I and I, à toute l’équipe de Mediacom, ainsi qu’à Général Good (dancehall), aux Manipulators (dub) et aux Western Special (ska). Crédits photos Photos prises par Jérémie Kroubo : 8, 13, 14, 15, 16, 17. Archives de Jérémie Kroubo (avec l’aide précieuse de Jean Michel Ivanes, Joël Cheron, Jacques Wagala, Mam, Fatiha et Zé Jam) : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12.
Par Jérémie KROUBO.
Commentaires (11)
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Par kingtonmou le 23/11/2007 à 22:30
big up pourt ce dossier très complet ! cool de découvrir le reggae au niveau régional
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Par Zion_oner le 01/01/2008 à 22:54
Aaaaah c'est bien sympa sa de s'interesser à Reims Zé Jam reste pour moi le meilleur de tous Merci à André de m'avoir fait apprécier la musique quand j'étai mino au centre aéré et lui animateur que la musique continue d'etre
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Par Chris dit bassman le 23/09/2009 à 09:11
Yo! J'ai vécu perso cette aventure roots à reims...connu la plupart de ces acteurs que je salut! Mam, mon ami eternel, slide, mojah, Dave, ....tous des potes! Ce document est vraiment bien fait!!!! Merci à l'auteur! Chris
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Par kayans le 21/07/2010 à 13:11
C'est un résumé qui n'engage que son auteur. J'ai été un membre fondateur du groupe oracle avec Mojah et Billy, et nous étions trois à choisir le nom ORACLE pour représenter notre groupe. bref, bien mais très incomplet historiquement, quant à Oracle et à Kayans en tous cas.
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Par captain flaaam le 26/08/2010 à 18:58
le commentaire précédent n'engage que son auteur. il serait temps que ce même auteur redescende sur terre,
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Par amalgamstephane le 14/03/2013 à 20:00
Article vraiment sympa et réellement interessant. Une bonne tranche d'histoire locale.
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Par mojah junior le 19/05/2013 à 07:44
mon oncle est sans doute et avec un avis musicale le compositeur de reggae le plus doué et talentueux de reims je me rapel avoir chanté avec lui sur scene j'avais 8 ans au chateau d'eau ( si vous savez ou trouver cette video contacter moi ) oracle au complet etait le meilleur groupe de reggae francais et j'en suis sur
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Par Deeguy le 16/01/2014 à 11:32
Yes I, Ca fait plaisir de revoir cette histoire du reggae à Reims qui à eu une influence particulière dans la région. Old Time!! C'est vrai que Mojah avec qui j'ai joué dans Oracle est le plus talentueux, dommage que tout cela n'as jamais vraiment percé au niveau nationnal, la faute peut être à Jahpat qui est parti avec la subvention publique prévue pour faire l'album à Marseille ou je sais pas ou! l'enfoiré!!! Deeguy
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Par NYA CHOULY le 15/04/2020 à 14:27
les échanges montrent que MOJAH était l'espoir
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Par Rémy le 31/01/2022 à 16:26
Bonjour, je recherche le cd original de CREONS DE COULEURS, quelqu'un aurait-il cela à me vendre svp
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Par Rémy le 31/01/2022 à 16:27
Voici mon mail skeudi77610@gmail.com

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