Flamengo 'Kanaky-Kingston'
chronique Reggae local 0

Flamengo 'Kanaky-Kingston'

Les artistes en provenance de la Nouvelle-Calédonie sont décidément bien actifs cette année! Flamengo, artiste reggae et militant du mouvement depuis les années 90, revient sur le devant de la scène avec un cinquième album intitulé "Kanaky-Kingston". L'enfant des quartiers nord de Nouméa a réalisé son rêve l'année dernière en enregistrant cet opus à Kingston, dans le mythique Tuff Gong Studio. Mais ceci n'est pas le fruit du hasard, quand on sait que Flamengo a organisé la première édition du Reggae Sunsplash Festival en Nouvelle-Calédonie, devenu depuis le Muzikaly Festival, et que celui-ci a toujours mis un poing d'honneur à faire venir des artistes de métropole (Pierpoljak, Mc Janik, etc…) comme de Jamaïque sur son île… Ainsi, fort de ses nombreuses rencontres et des liens d'amitié qu'il a construits au fil des années avec des musiciens de légende, il a pu s'entourer pour ce nouvel album du batteur Leroy "Horsemouth" Wallace, du bassiste Flabba Holt, des cuivres de Burning Spear, mais aussi des non moins fameux U-Roy, Judy Mowatt et Marcia Griffiths ! Flamengo n'oublie cependant jamais d'où il vient et les difficultés qu'il a traversées. Cela se ressent dans ses textes, comme sur "Home Jacking" par exemple, que vous pouvez découvrir actuellement dans notre reggaetv, ou encore avec "Fais ce que je dis". Il dénonce, sur un reggae aux vibrations festives et entraînantes et avec un flow qui lui est propre, ceux qui parlent sans agir ("Bla Bla"). Il fait une déclaration d'amour à Kingston, où il s'est senti chez lui ("I love you Kingston" résonne toujours dans notre tête !), livre à un hymne à la légalisation sur "Libre" et reprend de manière inattendue le titre "Travailler c'est trop dur" que l'on doit à l'origine à Zachary Richard, et déjà repris par d'autres artistes tels qu'Alpha Blondy notamment… Bref, cet album est à découvrir, de même que l'artiste, qui a accepté de s'entretenir avec nous juste avant de partir en tournée avec Israel Vibration !

Reggae.fr: "Kanaky-Kingston" est ton cinquième album. Ce titre est révélateur et très explicite. Peux-tu quand même nous en dire plus ?
Flamengo
: L'album s'appelle comme ça car je viens de Kanaky et qu'il a été enregistré à Kingston. Mais il faut savoir qu'il est déjà sorti plus tôt dans l'année en Nouvelle-Calédonie sous un autre nom: "Flamengo Inna De Yard". C'est Michel Jovanovic, du label Utopia, chez qui sort l'album, qui a suggéré ce changement de nom.

C'est ton cinquième album, après 14 ans d'absence ! mais sans compter les compilations...
En effet depuis 10 ans je me suis plus consacré à l'évènementiel. J'ai organisé tous les plus gros festivals en Nouvelle-Calédonie et à Tahiti, avec différents artistes, jamaïcains comme français (Nèg' Marrons, Tonton David, Baobab, Brahim, Janik, Kassav' etc...) mais aussi Third World ou Israel Vibration. On a aussi travaillé des plateaux un peu plus rap et hip hop avec Diams, Secteur A etc. En 10 ans j'ai organisé une soixantaine de concerts et festivals dans la région du Pacifique.

Tu es donc un véritable militant du mouvement en plus de ta qualité de musicien...
Le mot militant me va parfaitement dans le sens où à l'époque où j'ai quitté le pays en 1996 pour signer mon premier album en France avec Tabou1, "Vibes in Paris", il n'y avait plus de concerts du tout en Calédonie. Car le public reggae a toujours l'étiquette de fumeur de ganga… Pour démystifier le truc on a pris le taureau par les cornes, on est allé voir les autorités en leur expliquant qu'on était du pays et qu'on était capable de rassembler le peuple autour de grands évènements. Le premier essai nous a été donné pour le Reggae Sunsplash en 2001 où la scène reggae française était très présente. Ça a été une réussite puisque 30 000 personnes se sont déplacées. L'aventure a alors  commencé à me prendre beaucoup de temps car Tahiti m'a également sollicité pour venir faire le même type de plateau là-bas. L'organisation de concerts a donc vraiment fait partie de ma vie pendant 10 ans.

Du coup tu as vraiment redynamisé la scène là-bas ? Ici à reggae.fr on aime bien parler d'artistes du pacifique. Les derniers en date que nous avons remarqués sont les membres du Soul Sindikate…
Oui c'est des petits frères...

Comment as-tu décidé de retourner derrière le micro avec toute cette activité dans l'évènementiel ?
C'est vrai qu'en organisant tous ces concerts je faisais aussi partie de ces scènes. Car j'avais une équipe solide pour déléguer pas mal de tâches. Du coup je pouvais combler ma passion. Ce que j'aime le plus faire c'est chanter.
Et ce qu'il s'est passé c'est qu'à la fin du concert qu'on a organisé pour les 10 ans du Reggae Sunsplash, qui était depuis devenu le Musikaly Festival, j'ai parlé avec Michel Jovanovic. Je lui ai expliqué que je voulais reprendre l'enregistrement et retourner faire de la route. Il m'a dit d'aller faire un album et de l'enregistrer à Kingston car il savait que j'avais les connections là-bas etc… C'est vrai que j'avais eu l'occasion de pas mal travailler avec Rita Marley et elle m'avait dit que le studio serait open si je voulais aller y enregistrer. On a bloqué le studio et c'est comme ça qu'on est parti, deux de mes potes et moi.

Comment s'est passé l'enregistrement en studio ? Comment as-tu travaillé l'album, que ce soit au niveau de l'écriture ou de la composition ? Tout était prêt avant d'y aller ?
On est arrivé avec nos compositions, nos chansons écrites et nos riddims aussi. Là-bas on leur a demandé de rejouer notre musique. Et ça leur a plu. Il y a eu de très bonnes vibes là-bas. Car une fois que Leroy "Horsemouth" Wallace à la batterie et Flabba Holt à la basse avaient enregistré leur partie sur les morceaux, ils sont revenus tous les jours au studio pour voir comment l'enregistrement évoluait tout ça… Même quand l'album est sorti en Nouvelle-Calédonie ils nous ont appelés pour savoir comment ça se passait, quels morceaux plaisaient au public, lesquels passaient à la radio etc… Ils se sont imprégnés du boulot. Ils sont fiers d'avoir participer à l'album et sont fiers de le défendre en live avec moi pour une partie d'entre eux.

Comment as-tu rencontré Leroy "Horsemouth" Wallace et Flabba Holt ?
Horsemouth je le connais depuis des années. Il connaît même ma famille, ma mère… Flabba Holt je l'avais rencontré sur différents festivals et on avait bien sympathisé pendant le Musikaly. Je lui avais parlé de mon projet de venir enregistrer en Jamaïque et il m'avait dit que je pouvais compter sur lui quand je viendrais.



Au niveau de la production comment t'es-tu débrouillé ?
C'est le pays qui l'a produit. Toutes les finances sont venues des institutions ici. Je suis un membre actif en Nouvelle-Calédonie et je bénéficie donc de beaucoup de supports. Comme dit Jean-Marie Tjibaou: "L'émancipation du peuple kanak va démarrer par la culture". Et nous c'est ce qu'on fait.

Au niveau des textes, tu as tout écrit toi même. Tu écris tous les jours ? As-tu besoin d'un riddim pour t'inspirer ?
J'écris plutôt les textes en amont. La musique elle vient après. Souvent je prends ma guitare et j'essaye de trouver des accords… Après en l'occurrence pour cet album je me suis entouré pour la composition de musiciens tels que Ras T au clavier notamment, et qui vit en Nouvelle-Calédonie. On a fait les maquettes ensemble.

On sent dans les messages que tu portes que tu es proche du peuple et de ses problématiques… tels que sur les titres "Home Jacking" ou "Fais Ce Que Je Dis"…
Oui, le titre "Home Jacking m'a été inspiré par tous les faits divers qu'on voit en Calédonie, où le home jacking est un fléau. Avec la télé et l'internet les jeunes veulent se donner un style. Ils volent beaucoup, notamment des bagnoles, après la plupart du temps ils se tuent ou finissent en prison. Là-bas on a une prison où il y a 600 détenus alors qu'il n' y a de la place que pour 200 personnes. Les gars ils sont sept par cellule de 12 m4… c'est la totale… Je participe souvent à la vie culturelle en prison en allant régulièrement faire des concerts là-bas.. car souvent je connais pas mal de personnes incarcérées… c'est une petite île tu vois… Et nous on veut leur dire qu'on ne les oublie pas, même s'ils purgent leur peine, et qu'ils auront droit à une autre chance quand ils sortiront. On est là pour les accompagner et si on peut leur donner un peu de love en allant faire des concerts là-bas c'est bien.

Peux-tu nous parler de ta rencontre avec U-Roy et du morceau "Bla Bla"?
Quand j'ai crée le morceau avec Ras T, j'envisageais déjà de demander à U-Roy de poser dessous. Restait la question de savoir s'il allait accepter de faire ce featuring ou pas! La chanson parle d'un phénomène assez présent dans les petites îles, que ce soit chez nous dans le Pacifique ou même aux Antilles: c'est le fait que les gens passent plus de temps à parler qu'à agir. Avec ce titre je voulais dire aux gens de faire plus de choses dans leur vie, afin qu'ils aient plus de choses à raconter à leurs enfants et petits-enfants, plutôt que de passer leur temps à parler sur les autres.

Un de nos morceaux préférés sur l'album est "Kingston", que tu chantes en duo avec Judy Mowatt. C'est une artiste rare et ça a vraiment du être spécial de chanter avec elle. Marcia Griffiths est aussi présente sur "Mrs Darling"…
Pour l'anecdote, l'ingénieur du son m'a dit que cela faisait plus de sept ans qu'elles n'avaient pas enregistré à Tuff Gong et qu'elles n'avaient pas fait les choeurs sur un album ! Judy Mowatt est rare en effet. J'ai eu l'occasion de la rencontrer car je l'ai faite venir en Nouvelle-Calédonie lors de la journée de la femme le 8 mars 2011. Et tu sais, je connais aussi sa fille, qu'elle a eue avec Freddie McGregor. Il y a eu un bon feeling, que ce soit avec elle ou Marcia Griffiths. D'ailleurs quand Marcia m'a vu au Garance Reggae Festival l'été dernier, elle m'a directement chanté ses paroles sur la chanson "Mrs Darling". J'étais scié! Elle en fait des choses dans sa vie cette femme et pourtant elle s'en rappelait encore, après 6 mois.  Je porte un grand respect à ces deux grandes femmes. Faut aussi savoir que Judy Mowatt habite à 3 heures de route de Kingston. Elle n'a pas voulu qu'on lui prenne un hôtel. Elle a fait deux allers-retours exprès pour nous. C'était fort et puissant. Il y avait de la vibes.
L'enregistrement avec ces deux mamans reste un des meilleurs souvenirs.



L'album est déjà sorti en Nouvelle-Calédonie. Comment a t-il été accueilli ?
Il y a un bon accueil du public. Il passe sur Radio Djido, RFO. Le clip a également été diffusé. J'ai fait plus de 25 concerts en Nouvelle-Calédonie depuis le mois de décembre. Et ça s'est bien passé. Il va ressortir sous son nouveau nom en Calédonie, mais aussi à Tahiti et Wallis et Futuna.

C'est à la suite de la première sortie de l'album que tu as été nommé ambassadeur du projet Un Arbre, Un Jour, Une Vie par le gouvernement ?
Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a beaucoup apprécié l'album, de même que le Poemart (Pôle Export de la Musique et des Arts de Nouvelle-Calédonie) et la SASENC, qui est l'équivalent de la SACEM en Métropole. Car il faut savoir qu'il y a une petite rivalité avec la musique des îles Vanuatu et Salomon etc, qui tous les ans nous claquent la tête avec leur riddim! Du coup là en local ils sont assez fiers que ça bouge. En plus Soul Sindikate a aussi sorti son album. Eux aussi sont allés en Jamaïque. Rémy du Soul Sindikate est un artiste très professionnel qui se bouge, il collabore aussi beaucoup en France. Et ça se passe bien pour lui. Mais on a deux styles différents. Mon reggae s'adresse peut-être plus à la petite jeunesse, aux petits bad boys etc… Mais pour revenir à Un Arbre, Un Jour, Une Vie, c'est un projet porté par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et son Ministre de l'Ecologie Monsieur Anthony Lecren, qui est aussi chanteur. Il m'a sollicité pour être ambassadeur du projet afin que je relaye le message. Il attend de moi que je trouve d'autres ambassadeurs un peu partout dans le monde. A priori ça sera Israel Vibration pour la Jamaïque, Alpha Blondy pour l'Afrique, Jacky des Nèg' Marrons pour le Cap Vert, Mc Janik pour la Martinique… L'idée serait de faire une chanson tous ensemble afin de porter le projet au-delà des frontières de la Nouvelle-Calédonie et de manière plus culturelle que politique, afin notamment de montrer aux grandes nations qu'il y a aussi des petits territoires auxquels il convient de faire et de porter attention. Il y a 250 000 habitants en Nouvelle-Calédonie et avec ce projet on demande à ces 250 000 personnes, un jour dans l'année, de planter chacune un arbre, pour préserver notre patrimoine et les générations futures.

On arrive à la fin de cet entretien et tu dois absolument nous expliquer les raisons de ton nom de scène ! Flamengo, c'est une référence au célèbre club de foot n'est-ce pas ?
Avant tout Flamengo c'est le nom du quartier d'où je viens. J'ai essayé de changer de nom de scène à un moment mais les grands frères du quartier ont refusé! C'est aussi le nom d'une célèbre équipe de foot au Brésil, mais aussi d'une équipe en Nouvelle-Calédonie. Et puis joindre la musique au sport c'est quelque chose qu'on aime bien faire au pays.

Là tu pars en tournée européenne avec Israel vibration. Qu'est-ce que tu en attends et qu'est-ce qu'on peut te souhaiter ?
Et bien j'attends un bon partage avec le public, des bonnes vibes, un bon retour. J'espère que les gens vont apprécier mes chansons et la musique. On a fait 22 000 kilomètres pour venir à la rencontre du public et on espère que le message va passer ! On n'a pas la prétention de changer le monde mais on vient partager les vibes, dire qu'on a une petite île dans le pacifique où tout le monde est le bienvenu! On veut se faire plaisir sur scène et donner du plaisir aux gens!

Merci Flamengo!

NDLR: Flamengo est actuellement en tournée avec Israel Vibration. Backé par les Roots Radics, ne le manquez pas !

Par LN; photos: courtoisie de Flamengo
Commentaires (1)
Gravatar
Par boudoum le 03/10/2012 à 13:42
baaaaaaaaaaaaad ! big artiste ! flamengo pon di world ! y tue se singa !

Les dernières actus Reggae local