SOJA 'Strength to Survive' - Interview
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SOJA 'Strength to Survive' - Interview

SOJA, l’un des groupes leaders du reggae américain, est de retour avec un nouvel album. « Strength To Survive » marque un tournant dans l’histoire du groupe. Le son est plus travaillé, plus abouti, mais aussi différent de ce qu’on a pu connaître du combo yankee. Moins mystique, mais toujours spirituelle, la musique de SOJA a évolué vers des sonorités plus pop, parfois rock et même électro sur un titre ("Not Done Yet"). Attention, le reggae est toujours le mot d’ordre – les cuivres, les percussions et le skank sont là pour nous le rappeler – et SOJA s’amuse et nous ravit avec cet album concept tourné vers la terre. Les chansons d’amour croisent des thèmes plus engagés comme l’écologie et la survie de l’espèce humaine. SOJA pose des questions sans donner les réponses et appelle à la méditation avec des chansons douces et mélancoliques. A noter, la présence de quatre chansons acoustiques bonus et deux featurings avec Gentleman et Balik de Danakil sur le puissant single « Everything Changes » remixé en trois versions. Pour comprendre un peu mieux toutes les subtilités de ce très bel album, rencontre avec Jacob Hemphill, chanteur du groupe, au lendemain d’un concert parisien archi-complet.



Reggae.fr: Comment s’est passé votre concert au Trabendo à Paris hier soir?
Jacob Hemphill: C’était super. Le concert était complet quelques semaines avant la date donc tous ceux qui ont pu s'y rendre ont assisté à quelque chose de spécial je pense.

Remarquez-vous une différence entre les différents publics que vous rencontrez à travers le monde ?
Tous les endroits où l’on va sont uniques. La France a une grande passion pour les musiques traditionnelles et aussi pour les nouveaux artistes qui débutent. Et nous, SOJA, on aime aussi beaucoup les musiques traditionnelles et en même temps, nous sommes un jeune groupe qui essaye de créer son propre son. Donc la France est un endroit où l’on aime beaucoup jouer.

« Strength To Survive » (la force de survivre) est le titre de l’album. C’est un des morceaux forts de l'album.
Oui. Nous avons choisi ce titre car la survie de la terre dépend du comportement des hommes. Nous sommes ceux qui causent le plus de problèmes à notre planète et nous sommes aussi les seuls qui puissent résoudre ces problèmes. Nous sommes à la fois le problème et la solution par rapport à cette planète déréglée qui tue des humains chaque jour. Donc la question que l’on s’est posée c’est : « Sommes nous assez forts pour nous unir et changer notre futur ? Avons-nous la force de survivre ? »

Il paraît que cet album a été très influencé par « Survival » de Bob Marley...
Oui. Quand Bob a été en Afrique pour l’indépendance du Zimbabwe, il a écrit « Survival » après ce voyage. Il parlait bien sûr de la survie du peuple noir africain. Mais pour moi, aujourd’hui cet album a une nouvelle signification. On peut l’étendre à la race humaine toute entière.

On sait que l’Afrique est très importante pour toi car tu y as vécu. Mais as-tu déjà eu l’occasion de jouer là-bas avec SOJA ?
Non jamais. C’est un rêve pourtant. Mais vous savez... Quand j’étais jeune, j’avais une sorte de mentor, un gars qui me donnait beaucoup de conseils et je me souviens qu’il me disait toujours de ne pas chanter avec un accent jamaïcain car je resterais bloqué dans un genre. Et je ne veux pas m’adresser uniquement aux Jamaïcains, mais aussi aux gens qui parlent comme moi. Peut-être qu’en Afrique, les gens préfèrent le reggae jamaïcain, mais je pense que ce dont ils ont besoin, ce sont de vrais stars africaines comme Alpha Blondy ou Lucky Dube. Des gars qui mènent le reggae en Afrique. SOJA pourra certainement jouer en Afrique un jour, mais je pense que ce sera dans le cadre d’un Festival, car ce sera dur de monter une tournée. Ou on pourrait faire des premières parties d’un artiste africain comme Tiken Jah Fakoly. On verra...

Et la Jamaïque ?
Je n’ai jamais été en Jamaïque. Mais j’irai un jour. J’attends juste le bon moment.

Et est-ce que tu suis de près la musique jamaïcaine ?
Oui bien sûr. Mais je m’intéresse quand même plus aux vieilles productions.

Y a-t-il encore des artistes avec qui tu aimerais collaborer ?
Hmmm. En fait, on a déjà rencontré et joué avec beaucoup d’artistes reggae, même si on n’a pas forcément enregistré ensemble. Mais en ce qui me concerne, si je rêvais de jouer avec quelqu’un ce serait avec un artiste qui ne fait pas du reggae, car nous avons déjà joué avec la plupart des artistes reggae encore vivants.



Sur l’album, vous avez travaillé avec les producteurs John Alagia et Jim Fox. Tu peux nous parler d’eux ?
Jim Fox est en fait le premier producteur qui nous a donné une chance. Notre batteur, Ryan, était livreur avant. Et un jour, il a dû livrer quelque chose à Jim Fox. Il a vu son nom sur la porte d’entrée et bien sûr il le connaissait grâce à son travail avec Ras Records et tous ces artistes comme Israël Vibration, Culture, Peter Broggs. En fait, on avait déjà appelé Ras Records pour travailler avec eux, mais on ne pouvait pas s’offrir une session dans leurs studios, c’était trop cher. Et quand Ryan a fait cette livraison chez Jim Fox, il n’a pas pu s’empêcher de lui demander à nouveau. Et Jim lui a répondu qu’on pouvait venir avec l’argent qu’on avait et qu’il trouverait un accord pour travailler avec nous. Et on l’a fait. C’était notre premier enregistrement. Et nous travaillons toujours avec lui 12 ans plus tard. C’est un de nos amis les plus fidèles dans le business de la musique. Quant à John Alagia, c’est la première fois que nous travaillions avec lui. Il était plus habitué à travailler sur des projets rock, comme avec Dave Matthew ou John Mayer. Je pense que c’était son premier album reggae. Donc c’était cool pour lui et pour nous aussi puisqu’il a amené quelque chose de différent dans notre musique. C’est un peu ce qui s’était passé quand Bob Marley avait bossé avec Chris Blackwell. C’est la rencontre d’artistes reggae avec des producteurs rock. C’était aussi un moyen pour nous de nous rapprocher de « Survival ».

Dans le groupe, vous êtes 7 musiciens. Comment travaillez-vous ? Est-ce-que c’est toi qui amène les textes d’abord ou plutôt les musiciens qui proposent des mélodies avant ?
On travaille tous ensemble. On commence par chercher une mélodie ensemble et ensuite, on réfléchit à un thème. On va peut-être trouver un refrain ensemble et après moi je travaille de mon côté pour écrire toutes les paroles. Parfois ça marche, parfois non. Des fois, les musiciens ont une meilleure idée que moi et ça nous arrive de changer tout ce que j’ai écrit. On ne se fixe pas de limites pour arriver à un bon résultat. Mais on démarre toujours avec une mélodie que je joue à la guitare ou au piano. On aime travailler et écrire en studio. On aime être tous présents pour la création d’un morceau et d’un album car on veut faire des choses abouties. On veut que nos albums aient du sens, qu’ils soient comme un film avec un début et une fin cohérents. Quand un film commence bien et finit mal on est déçu, ou quand il commence tout doucement et que tout s’accélère d’un coup ça ne fonctionne pas. C’est pareil avec un album.

Peux-tu nous parler de la chanson « Everything Changes » ? C’est une chanson assez longue qui est disponible en 3 versions différentes sur l’album : l’originale, un featuring avec Balik (Danakil) et un avec Gentleman...
On a senti que cette chanson devait faire le tour du monde. Dans ce titre on pose la question aux gens: "Et si tu savais que demain tu allais devenir pauvre et que les pauvres allaient devenir riches ?" Et bien peut-être que puisque tu le sais, tu ferais en sorte de changer les choses afin que demain, quand tu deviendra pauvre, tu ne meurs pas. Si on réfléchissait tous comme cela les conditions de vie dans le tiers-monde changeraient. Je voulais diffuser cette chanson le plus possible. Quand on a fini l’album, on cherchait un single à mettre en avant. On a pensé à « Not Done Yet », « Tell Me » ou « Let You Go ». On savait que ces chansons allaient marcher car ce sont des chansons d’amour. Mais la chanson qui nous touchait le plus était « Everything Changes » car elle a un potentiel pour changer les mentalités partout dans le monde. On voulait avoir le plus d’artistes possible en featuring sur ce morceau pour toucher le plus de monde possible. Au Brésil, on l’a fait avec un ami chanteur et en Argentine, on l’a fait avec un chanteur de reggae qui s’appelle Dread Mar-I. En France, on a choisi Danakil et en Allemagne Gentleman. L’idée est juste de faire connaître la chanson le plus possible.

Comment avez-vous pensé à Danakil ?
On s’est connu il y a quelques années en France. On avait presque failli faire une petite tournée ensemble. On connaissait bien leur musique et en plus de ça, on aime tous ce qu’ils font. Donc quand on a eu cette idée d’inviter différents artistes de plusieurs nationalités, on a tout de suite pensé à eux pour la France.

La chanson « Not Done Yet » est aussi spéciale, car il y a des incursions de musique électronique...
Oui c’est un ami avec qui je travaille de temps en temps. Il s’appelle DJ Chris Crisis, il fait partie du groupe Rehab aux Etats-Unis. Ils ont déjà fait pas mal de hits chez nous. Ils ont tourné avec Kid Rock et Old Man Brothers, c’est un bon groupe de rock. Un soir, où on avait un concert à Atlanta, dans sa ville, on s’est vu un peu avant pour lui faire écouter l’album. Je me souviens, on était tous les deux dans une voiture en train de fumer quand on a écouté « Not Done Yet ». Et en l’écoutant, j’ai repensé à une chanson où la voix du chanteur accrochait sur certaines syllabes. Je ne me souviens plus du titre, mais c’est un morceau très connu aux Etats-Unis. La voix du chanteur fait « ah ah ah ah ». Et j’aimais beaucoup cet effet. Chris m’a dit qu’il pouvait le faire avec son matos. Et comme c’est un bon Dj, il a aussi ajouté des parties de scratch.



Tu peux nous parler aussi de la chanson « Be With Me Now » ? Car dans le livret de l’album, tu racontes qu’elle a été écrite à la dernière minute...
C’est une chanson d’amour, donc chacun peut l’interpréter à sa manière. Mais, moi je l’ai écrite en pensant à un garçon qui part seul. Et quand il rentre, il retrouve sa copine qui ne le voit plus de la même manière qu’avant. Mais il lui dit : « Sois avec moi maintenant, car je suis enfin de retour et je t’aime, même si j’étais absent pendant longtemps. » Puis, il repart. Et il rencontre une autre fille sur la route... Et il lui dit la même chose : « Sois avec moi maintenant, car je suis là maintenant. » Et au final, il se rend compte qu’il est très seul, car s’il a une petite amie ou des milliers de petites amies, il est toujours en train de quitter quelqu’un. Je n’avais jamais écrit une chanson comme ça auparavant. Personnellement, c’est une de mes chansons préférées sur cet album. Il n’y a pas d’effets, il n’y a pas de solo de guitare ou de ligne de basse de fou. Elle est très simple, mais elle se suffit à elle-même. C’est une chanson pour tous ceux qui passent du temps loin de chez eux.

L’illustration de l’album est très originale. Ce sont des cheveux que l’on voit représentés sur les continents ?
Oui, ils connectent toute la planète. Ils ne font pas attention aux frontières que les humains ont créées. Il y a les petites frontières comme nos maisons, les grandes frontières qui forment les pays et les énormes frontières qui forment les continents. Mais la plus grosse de toutes les frontières, elle est représentée par une sphère, c’est notre Terre. Et la plus grande espèce sur Terre est l’espèce humaine et nous allons provoquer sa destruction si nous ne nous unissons pas.

Quel a été ton meilleur souvenir lors de l’enregistrement de cet album ?
C’est d’avoir eu le sentiment d’avoir réussi ce que l’on voulait faire. On sait qu’il faut à peu près dix mille heures pour être bon dans ce que tu fais, c’est ce qu’a dit Paul McCartney. Et j’ai l’impression qu’après 10 ans de travail, on commence à s’approcher de ce qu’on cherche vraiment à faire. Mon meilleur souvenir pendant l’enregistrement de cet album c’est d’avoir enfin eu ce sentiment.

Et as-tu un mauvais souvenir ?
Mon pire souvenir est la peur de ne pas voir la chanson "Be With Me Now" incluse dans l'album. J'ai été obligé de replonger John Alagia dans notre projet pour ce titre. On avait tout enregistré et il pensait qu’on avait fini. Il avait commencé à travailler sur d’autres projets avec d’autres musiciens et j’ai dû aller le voir pour lui dire qu’on avait une chanson supplémentaire à enregistrer. C’était un moment un peu désagréable, car j'ai eu peur que la chanson ne figure pas dans l'album, mais c’est devenu un bon souvenir car il a accepté.

Soldiers Of Jah Army est l'ancien nom du groupe... Que représente rastafari pour les membres du groupe ?
Nous avons grandi dans cet environnement. Enfants, nous allions dans les rassemblements nyabinghi et nous étions les seuls blancs là-bas. Nous avons grandi selon les principes de vie de rastafari. J’ai réalisé plus tard que je voulais aborder d’autres sujets que ceux relatifs à Dieu, qui est Dieu et où l’on va quand on meurt. Car je me suis aperçu que je n’avais pas les réponses. Enfant, je croyais connaître ces réponses, mais en grandissant, elles sont devenues des questions qu’on ne peut pas résoudre. C’est de ça que parle la dernière chanson de l’album, « When We Were Younger ». C’est pour ça qu’on a changé le nom du groupe en SOJA. Car on ne voulait pas perdre l’esprit du début, mais on savait qu’on était en train de prendre une nouvelle direction. Donc on a fait un compromis en gardant le sigle SOJA.



Il y a justement une chanson qui s’appelle « Jah Is Listening Now ». Elle fait partie des 4 chansons acoustiques que l’on trouve à la fin de l’album. Ces chansons figurent seulement sur la version européenne ?
Elles sont sur une version deluxe de l’album aux Etats-Unis. Mais on les aime tellement qu’on a décidé de les mettre sur le CD destiné au marché européen.

Et pourquoi avoir choisi d’interpréter ces chansons en acoustique ?
Vous savez, j’ai toujours fait de la musique acoustique. Quand j’étais jeune, c’est ce que je faisais pour gagner ma vie. Je jouais dans les bars, seul avec ma guitare. Et mon manager connaît cette période. Il a émis l’idée de faire des chansons bonus en acoustique pour cet album et j’ai trouvé que c’était une bonne opportunité.

Aux Etats-Unis, on oppose souvent le son de l’est au son de l’ouest dans le hip-hop. Est-ce la même chose dans le reggae ?
On peut dire ça... Sauf qu’il n’y a pas trop de son reggae à l’est (rires). Tous les groupes de reggae américains viennent de Californie. Il y a quand-même John Brown’s Body et The Movement qui viennent de la côte est, mais ils restent de petits groupes chez nous. Les deux gros groupes de reggae aux Etats-Unis sont Rebelution et SOJA. Après, il y a d’autres groupes reggae, mais leurs styles sont plus variés. Ils mélangent le reggae avec d’autres musiques. Je dirais que le son reggae de la côte ouest a beaucoup plus de succès en tout cas. SOJA est quasiment le seul groupe reggae qui vient de la côte est.

Un dernier mot pour vos fans ?
Merci d'écouter notre musique et d'apprécier ce qui fait de SOJA un groupe original, différent et beau. Merci pour votre respect et votre soutien depuis 6 ans. J'aimerais dire que nous viendrons chaque année ! Le show d'hier soir était très spécial…. Merci

Par djul et LN ; Photos: Sam Erickson
Commentaires (2)
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Par léa le 08/11/2012 à 12:38
Thank you for your music of peace and love !! Your are my favorite group as you speak about true life and to be all together beyond the differences ! i'm 14 years old and in my college almost nobody you knew I begin to listen your music with my friends who them also listen to with their friends… now so much people believe in your music and your message of peace in Pau (france) I would like so much to see you in concert one day I hope for it I LOVE REGGAE ! I LOVE JAH ! I lOVE YOU SOJA !
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Par Floriian le 15/04/2013 à 21:23
Smokeee ! Twoo !! Joiiin Booy ! Yeaaah !

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